Flashback jusqu'à l'an 2000: combien coûtaient certains produits de base à cette époque? Est-ce que le passage à l'euro a fait exploser les prix? Penchons-nous sur l'évolution de l'inflation et des salaires au Luxembourg depuis 25 ans, pour voir si la vie était vraiment "moins cher" avant.

Elle est partout. Dans les supermarchés, à la pompe, lorsqu'on va au restaurant, chez le médecin, ou qu'on achète (ouille !) un logement au Luxembourg.

"Elle", c'est l'inflation. En temps normal, cette hausse des prix des biens et des services est plutôt bien vécue... comme un mal nécessaire. En revanche, lorsqu'elle s'emballe, l'inflation devient une véritable calamité ! Comme à partir de l'été 2022 où elle a emporté l'économie dans une spirale infernale, nous faisant regretter l'époque où "tout était moins cher".

Cela dit, est-ce que la vie était vraiment moins cher avant ?

Si on se base uniquement sur la valeur moyenne des produits et services depuis 25 ans, oui, évidemment, ils coûtaient bien moins cher avant. La preuve :

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© RTL Infos / Statec

🍌Le prix des côtes de porc a triplé en 25 ans... et celui des bananes est resté le même

Certains chiffres vous étonnent? C'est normal : il faut rappeler que ces chiffres sont des moyennes, qui peuvent donc cacher des écarts importants. Par exemple, en 2024, la moyenne du tarif d'entrée au cinéma au Luxembourg était de 12,3 euros. Ce qui n'empêche pas que certaines séances plein tarif pouvaient coûter plus de 20 euros, ou moins de 10 euros avec un tarif étudiant.

En tout cas, on remarque que certains produits et services ont connu une forte inflation, d'autres non:

  • Le prix des pommes de terre, du pain, de la viande de porc, mais aussi de la consultation chez un médecin a plus ou moins triplé en 25 ans. 
  • Le prix du lait, du beurre, du sucre, du café a doublé.
  • Le prix du kilo de bananes était à 2,1 euros en 2024... comme en 2000 ! Avec le prix des transports en commun (qui sont devenus gratuits au Luxembourg en 2020), ce sont les seuls exceptions à l'inflation généralisée.

Bref, tous ces prix ont suivi des évolutions très variables... qu'il est impossible d'expliquer de façon homogène. Le prix des bananes, par exemple, stagne depuis des années pour des raisons géopolitiques (lire ici), tandis que le prix du pain a subi la hausse du coût de la farine, de l'énergie, etc.

Pour les plus curieux, voici le détail de notre panier de biens et services :

Penchons-nous maintenant sur deux années pas comme les autres: 2002 et 2022.

💶Le passage à l'euro, une broutille... comparé à l'année 2022 !

Parlez autour de vous du passage à l'euro (au 1er janvier 2002) : on se souviendra sûrement d'un commerçant qui "en a bien profité"! Par exemple, en ajoutant quelques centimes au prix d'une baguette ou d'un kilo de boeuf, pour "arriver à un compte rond". Et c'est vrai, certains ne s'en sont pas privé. Des hausses ont pu être constatées après le passage du franc à l'euro, notamment pour le secteur des fruits et légumes, du pain...

Mais attention à ne pas généraliser : pour beaucoup de secteurs, l'inflation a juste suivi son cours normal.

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Dire que l'euro a entrainé une brusque inflation en 2002 est plutôt une idée-reçue, nous explique Gabriel Gomes, chef de l’Unité Modélisation et Prévisions au Statec : "Si le passage à l'euro avait eu un impact généralisé, on devrait voir une évolution très prononcée les années suivantes. Or, quand on compare l'inflation de 2001 avec celle de 2002, il n'y a rien de choquant. En 2001, on a une inflation de près de 3%; en 2002, elle est de près de 2%". Pas d'emballement des prix non plus durant les années 2003, 2004, etc.

En fait, la véritable crise inflationniste est survenue vingt ans plus tard : en 2022, elle a été de plus de 6% ! Puis de près de 4% en 2023, avant de redevenir plus raisonnable en 2024 (+2,1%). "Pendant la crise sanitaire, en 2020 et 2021, il n'y a pas eu de grosse inflation. Les prix de l'énergie ont même baissé en 2020." En revanche, au sortir de la pandémie, puis "avec le début de la guerre en Ukraine, on a vraiment subi une crise énergétique, qui s'est ajoutée à une dynamique inflationniste qui a culminé à l'été 2022 avec des taux d'inflation très élevés" constate Gabriel Gomes. Des taux qui s'expliquent donc principalement par l'emballement des prix de l'énergie (la plus forte contribution), suivi par l'alimentaire, les biens industriels non alimentaires...

Depuis 2024, l'inflation s'est calmée. Mais les dégâts sont là : la plupart des produits et services coûtent plus chers qu'il y a quelques années. Heureusement, au Luxembourg, on a un bastion très efficace contre l'inflation : la hausse des revenus.

🤑Un des meilleurs remparts à l'inflation : 21 indexations entre 2000 et 2024 !

Le pouvoir d'achat des Luxembourgeois a de quoi faire des envieux. Il faut dire qu'il est le plus élevé de la zone Euro ! Mais ces dernières années, est-ce que ce pouvoir d'achat a suffisamment augmenté pour compenser l'inflation ?

Oui, nous répond le statisticien : "On a fait une étude sur l'évolution du pouvoir d'achat, qui considère les consommations des ménages juste avant le Covid, donc en 2019", et jusqu'en 2023, donc après le choc inflationniste. Résultat, entre ces deux dates, "on constate qu'il y a eu, en moyenne, une augmentation du pouvoir d'achat au Luxembourg pour tous les quantiles, c'est à dire les 5 niveaux de vie, du niveau le plus modeste au niveau le plus élevé" constate Gabriel Gomes.

Si les causes de ce pouvoir d'achat sont multiples, les salariés peuvent évidemment remercier l'index, ce dispositif qui augmente automatiquement les salaires (de +2,5%) dès que l'inflation atteint un certain seuil. Et depuis 2020, les salariés en ont profité... à 7 reprises:

  • En janvier 2020
  • En octobre 2011
  • En avril 2022
  • En février 2023, avril 2023 et septembre 2023
  • En mai 2025

Et entre 2000 et 2024, on a compté pas moins de 21 indexations.

Et si on regarde l'évolution du salaire moyen et du salaire médian  au Luxembourg, ces derniers ont augmenté de façon spectaculaire depuis près de vingt ans :

  • Le salaire moyen est passé de 2.809 euros en 2002 à 5.408 euros en 2022 (+93%)
  • Le salaire médian est passé de 2.416 euros en 2002 à 4.300 euros en 2022 (+78%) 
  • Le salaire social minimum (SSM) non qualifié est passé de 1.309 euros en 2002 à 2.571 euros en 2025 (+96%)
  • Le SSM qualifié est passé de 1.571 euros en 2002 à 3.085 euros en 2025 (+96%).

D'ailleurs, on voit que cette hausse des salaires a concrètement permis de compenser celle de certains prix. Par exemple :

  • Une douzaine d'oeufs coûtait 0,18% du SSM qualifié en 2002 (2,8 euros), et 0,16% en 2022 (4,8 euros)
  • 5 kg de pomme de terre coûtaient 0,33% du SSM qualifié en 2002 (5,2 euros), et 0,31% en 2022 (9,5 euros).

Et s'il fallait encore une preuve, parlons du revenu disponible réel par habitant (ce qui reste aux ménages lorsqu'on retranche à leurs revenus les cotisations sociales et impôts payés). "Ce revenu disponible réel a augmenté de 22% entre 2000 et 2024" rapporte Gabriel Gomes.

Bref, l'inflation a bel et bien frappé les ménages luxembourgeois, mais elle a clairement été amortie par la hausse du pouvoir d'achat. Autrement dit, la vie n'était pas forcément "moins cher" avant.

🏠Le poids du logement explose, celui de l'alimentaire recule

Ces chiffres ne doivent pas faire oublier qu'on ne consomme pas en 2025 comme on consommait en 2000. Pensez à tous les nouveaux appareils électroniques (téléphones, ordinateurs, montres connectées...), abonnements (séries TV, streaming de musique, etc.) qui sont apparus au cours de ce siècle.

D'années en années, tous ces nouveaux "besoins" se sont fait une place au sein de notre budget. Par exemple, la part de l'alimentaire baisse : quand le Statec calculait son indice des prix à la consommation dans les années 2000, la part de l'alimentation était à 19%. Elle est désormais à 17% en 2025. La catégorie des "services" est passée elle "de 35% dans les années 2000 à 48% en 2025".

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Pour finir, n'oublions évidemment pas le budget logement, qui asphyxie tant de ménages : "la part des dépenses consacrées au logement (y compris eau, électricité, gaz...) est passée de 34% des dépenses totales des ménages en 2010 à 38% en 2023". C'est d'ailleurs la plus grosse inflation dans les postes de dépenses des ménages, loin devant les transports (14%), l'alimentaire (10%)...

Pourtant, saviez-vous que l'achat d'un logement ne rentre pas en compte  dans le calcul de l'inflation au Luxembourg? En effet, "le logement est considéré comme un investissement et n’est ainsi pas inclus dans l’indice de prix à la consommation. Les loyers en revanche y sont inclus", rappelle le Statec.

Pas étonnant : imaginez si le "panier de la ménagère" devait intégrer les prix exorbitants du marché immobilier au Luxembourg : il y a fort à parier que des index pleuvraient tous les ans!

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