Le coût des pièces de rechange de nos "chères" voitures pèse de plus en plus lourd, constate un membre d'une société d'expertise automobile au Luxembourg. Un constat confirmé par une association en France, qui donne des exemples édifiants. La voiture devient un produit de luxe?

Lorsqu'un véhicule est victime d'une panne ou d'un accident, des experts peuvent être mandatés pour identifier la source du problème, évaluer les dommages, et estimer la valeur résiduelle du véhicule.

Nous avons pu discuter avec "Patrick" (prénom d'emprunt), l'un de ces experts au Luxembourg. Il le constate, "le prix des réparations sur les voitures devient délirant. En particulier l'explosion du coût des pièces de rechange. Quand j'ai commencé à faire de l'expertise, on disait en règle générale que pour une réparation, il y a 50% de main d'oeuvre, et 50% de pièces de rechange. Maintenant, on le voit dans tous les rapports, la main d'œuvre est à 25%, et le reste c'est les pièces de rechange."

Nous en parlions déjà l'an passé : l’association SRA (Sécurité et Réparation Automobile), qui regroupe les compagnies d’assurances automobiles opérant en France, dénonce aussi une explosion du coût des réparations : +26% rien qu'entre 2019 et 2023.

L'Association rapporte par exemple que d’une génération à l’autre, "le prix d’un bouclier avant complet a augmenté de 14 % en moyenne pour une Renault Clio, de 96 % pour un Hyundai Tucson ou même de 131 % pour un Peugeot 2008" . Double motorisation oblige, les hybrides seraient les voitures les plus coûteuses à remettre en état, tandis que les 100 % thermiques resteraient les moins onéreuses à ce niveau. L’électrification du parc automobile est également considérée par le SRA comme une source de hausse des prix des réparations dans les prochaines années.

Phares : gare à la facture en cas de remplacement !

La majorité des sinistres concernant la face avant des véhicules, le SRA note en particulier que "celle-ci reçoit de plus en plus d’éléments coûteux, tels que des feux à LED et des capteurs dédiés aux aides à la conduite". Des éléments peu réparables, qui doivent donc être généralement remplacés.

Au Luxembourg, Patrick confirme cette évolution, notamment au niveau des phares. "Avant, le remplacement d'un phare classique, coûtait peut-être 300-350 euros. Les phares xénon sont arrivés, c'est grimpé entre 1.000 et 1.500 euros. Et maintenant, on a les phares LED, on est entre 2.500 et 3.000 euros. Et les phares au laser, on est parfois entre 4.000 et 6.000. Donc quand vous avez un choc à l'avant, et qu'en plus du pare-chocs vous cassez les deux phares, je vous laisse imaginer la facture."

Là encore, ses propos rejoignent le constat établi par l'association SRA en France. Alors qu'entre 2017 et 2021, le coût moyen de remplacement d'une optique après un sinistre (hors main d'oeuvre) avait déjà bondi de 46%, la hausse entre 2020 et 2024 est désormais de ... 70% ! C'est simple : plus un véhicule est récent, plus ses feux coûtent cher. En 2024, rapporte le SRA, un bloc optique avant remplacement valait en moyenne 827 €. Ce coût n'était "que" de 465 € pour un véhicule de plus de 15 ans, mais il grimpait à 1.094 € pour une auto de moins de 2 ans.

Certains exemples extrêmes donnent le tournis : toujours selon le SRA, le Kia EV6 fait partie des modèles sur lesquels l’éclairage coûte le plus cher. Remplacer l’ensemble des éléments lumineux à l'arrière du crossover revenait, lors de l'étude, à 8.897 € TTC (rien qu’en pièces!)

À lire sur ce sujet : Des phares à LED toujours plus chers et irréparables

"La voiture devient un luxe, le leasing va devenir le seul moyen de maîtriser le budget"

Patrick doit parfois se frotter les yeux quand il voit les tarifs des automobiles : "Des petites citadines basiques vendues à 30.000 euros, ce n'est pas normal... Il y a quelques années, pour 50.000 euros, vous aviez une belle Mercedes ou une BMW. Maintenant, il vous faut 70.000 euros minimum, et sans vous lâcher sur le carnet d'options..."

RTL

Acheter une voiture ou bien la prendre en leasing : de plus en plus de ménages n'ont plus le choix, tant le prix du neuf et de l'occasion atteint des sommets. / © Shutterstock

"Je le dis à plusieurs réparateurs depuis quelques années, la voiture devient un produit de luxe. Et le seul moyen de maîtriser le budget du véhicule, ça va être le leasing. Vous aurez votre budget mensuel de 300, 500, 800 euros selon vos moyens, et à la fin, vous rendrez votre voiture pour repartir sur un autre leasing."

A tel point que Patrick dit remarquer des changements profonds dans le monde automobile luxembourgeois : "Le parc automobile, hors sociétés de leasing, devient plus vieillissant au Grand Duché. La faute notamment au prix des voitures qui est devenu tellement élevé. Quand j'ai commencé comme expert, il y a longtemps, les gens changeaient de voiture tous les 3-4 ans. Quand l'heure du premier contrôle technique arrivait, c'était fini, les gens vendaient pour en acheter une neuve. Maintenant, des véhicules de 10 ans et de plus de 200.000 kilomètres, j'en expertise tous les jours."

Depuis la crise covid, les ventes automobiles au Luxembourg peinent en tout cas à retrouver leur niveau d'antan. En 2024, la Société nationale de circulation automobile (SNCA) a immatriculé 46.635 véhicules neufs, soit 2.520 véhicules de moins qu'en 2023 (-5% environ) et 8.373 de moins qu'en 2019 (-15% environ).
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