Après avoir fait le point sur le dossier Caritas mercredi matin devant les députés membres de sept commissions parlementaires, le Premier ministre est revenu sur cette affaire dans le journal du soir de RTL télé.

"J'accepte volontiers les critiques selon lesquelles j'aurais dû communiquer davantage", a admis le Premier ministre Luc Frieden à propos de l'affaire Caritas, mercredi soir sur le plateau de RTL. Il a toutefois souligné qu'il n'est pas possible de communiquer chaque jour tout "en recherchant intensivement une solution" tout au long de l'été.

A présent, la solution est là. "En deux mois de travail intensif, nous avons atteint les deux objectifs que nous nous étions fixés": que les activités de Caritas puissent être poursuivies et que les salariés travaillant dans ses structures puissent conserver leur emploi.

Luc Frieden ne nie pas que cela aurait été plus facile si l'Église avait mis de l'argent sur la table pour fonder une nouvelle structure. "Mais je dois prendre acte qu'elle ne l'a pas fait. C'est au cardinal qu'il faut demander s'il ne s'agit que d'une question d'argent, mais cela aurait été plus facile si le fondateur de l'actuelle Caritas avait également fondé la nouvelle" structure, HUT.

Luc Frieden a encore insisté sur le fait qu'il était impossible au gouvernement de donner de l'argent à l'actuelle Caritas. Sinon le gouvernement aurait dû verser de l'argent pour rembourser "des prêts qui n'auraient jamais dû être souscrits". "Il fallait créer une nouvelle organisation à cause de ces crédits, que sinon l'Etat aurait dû rembourser".

L'ancien ministre des Finances n'a pas souhaité aborder la question de la responsabilité des banques. "Je ne veux pas juger cela si je ne connais pas les faits, mais je tiens à dire que je suis évidemment étonné, comme le sont la plupart des Luxembourgeois, que cela ait pu se produire. Le fait qu'autant de virements aient été effectués sur une si longue période, sans que la sonnette d’alarme ait été tirée, soulève déjà un certain nombre de questions. Il est à présent dans l'ordre des choses que les entités compétentes - la BCE et la CSSF - examinent la question et clarifient ensuite cela avec les banques concernées. Ce n’est pas la tâche de la Chambre ni de l’État."

Luc Frieden a ajouté que la mise en place d'une commission parlementaire spéciale, telle que la réclame le LSAP depuis quelques semaines déjà, ne lui posait "pas de problème". Il estime toutefois que "toutes les questions ont reçu une réponse. Celles qui n'ont pas trouvé de réponse, la justice s'en charge".

Plus tôt dans la journée, Luc Frieden avait informé les députés

Mercredi matin, pas moins de sept commissions parlementaires étaient réunies à la Chambre des députés afin d'être informées des derniers développements dans l'affaire Caritas.

Pendant deux heures, le Premier ministre Luc Frieden et le ministre des Affaires étrangères Xavier Bettel ainsi que les ministres Claude Meisch (Education) et Max Hahn (Famille) ont fourni les dernières évolutions du dossier aux députés.

Le ministère cherche des solutions pour les projets de Caritas à l'étranger

Après la réunion, Xavier Bettel a expliqué que l'État n'a pas vocation à "être l'assurance tous risques en cas de vol". Mais l'objectif est de continuer à aider les plus pauvres. C'est pourquoi l'agence nationale de coopération au développement, LuxDev, a été chargée de vérifier si elle pouvait reprendre certains projets de Caritas. Des discussions sont menées en parallèle avec d'autres organisations afin de voir si elles peuvent éventuellement assurer la survie de ces projets, selon Xavier Bettel.

"Au Sud Soudan, par exemple, nous sommes en train d'examiner avec Caritas Pays-Bas si elle ne pourrait pas poursuivre le projet une année supplémentaire l'an prochain. Ce qui permettrait peut-être de voir si nous pouvons trouver un autre organisme financier pour poursuivre ce projet, car c'est un projet qui était plutôt important pour l'opposition et la majorité. Ensuite, nous essayerons vraiment de faire tout notre possible pour que cela puisse également fonctionner. Je ne citerai pas de nom, mais nous avons des ONG qui nous disent "Nous pourrions faire cela". Nous échangeons alors avec elles et tout à coup, elles nous disent, "Non, nous ne pouvons pas le faire". Il est donc vraiment très, très difficile de prédire et de pouvoir vous dire ce qui va définitivement en sortir ou pas.“

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© Jeannot Ries / RTL

Xavier Bettel a encore expliqué que le gouvernement souhaite aider les organisations qui se retrouvent au bord du gouffre à cause de la disparition de Caritas.

"Nous avons appris ces derniers jours de Caritas qu'il pourrait y avoir des dégâts collatéraux. Par exemple, trois associations dans différents pays, qui réalisent également des projets pour nous, risquent de disparaître, si elles ne reçoivent pas d'aide. Et là, j'ai veillé à ce que nous trouvions au ministère une enveloppe de 200.000 euros afin de pouvoir maintenir en vie ces trois associations. Il s'agit de l'aide à l'Ukraine en Moldavie, il s'agit de gens au Mali et d'un projet en Turquie après le tremblement de terre. Et là aussi, nous sommes en train d'examiner comment nous pourrons continuer à les soutenir.“

Sur l'argent que le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération avait déjà donné à Caritas pour des services à l'étranger, selon des chiffres provisoires, environ 4,7 millions d'euros ont disparu à cause de la fraude chez Caritas.

L'État garantit les liquidités pour pouvoir mener à leur terme les activités de Caritas

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© René Pfeiffer

L'actuel Caritas doit pouvoir mener ses activités à leur terme, selon le Premier ministre Luc Frieden. Pour ce faire, quelques collaborateurs doivent pouvoir faire les décomptes nécessaires.

"Il est fort probable que nous devons encore un peu d'argent à Caritas sur la base des décomptes. Parce que chaque mois, ils effectuent encore une prestation et ensuite ils reçoivent aussi de l'argent en contrepartie. C'est pourquoi nous avons dit que nous leur accorderions un petit crédit transitoire. Nous ne donnons pas cet argent, parce que ça ne va pas à cause des banques. Alors nous leur accordons un petit prêt transitoire jusqu'à la fin de l'année, que nous garantissons par une hypothèque sur les biens immobiliers de Caritas, afin qu'ils puissent payer dans les mois qui viennent les quelques personnes qui restent encore dans l'ancienne structure.“

D'ici la mi-octobre, l'État aurait encore à verser 4 à 5 millions d'euros à Caritas pour ses services. Ils devraient compenser le crédit que l'État garantit désormais à Caritas pour payer les personnes censées clôturer les activités de l'association.

La voix politique de Caritas doit également être préservée

Après la réunion, Luc Frieden a encore souligné n'avoir jamais perçu le travail politique de Caritas comme une critique du gouvernement mais comme une voix utile du secteur social. De ce fait, il tente également d'aider les salariés concernés, qui n'ont pas été repris dans la nouvelle structure HUT (Hëllef um Terrain). Après tout, le gouvernement a encore collaboré avec eux récemment sur la question de la pauvreté des enfants.

"Nous parlons ici de deux personnes. Notre pays a besoin de toutes ces voix. Nous sommes en train d'examiner avec nos collègues du gouvernement, si nous ne pouvons pas les aider à obtenir une place dans le processus de travail que nous élaborons pour réduire la pauvreté des enfants, pour réaliser des analyses sociales. Des discussions sont en cours, de sorte que je pense que ce plaidoyer politique sera maintenu pour le Luxembourg.“

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Luc Frieden n'a pas souhaité se prononcer sur la question de savoir si les salariés de Caritas auraient dû être repris par HUT via un transfert d'entreprise ou s'il était correct de résilier chaque contrat individuel et d'en signer un nouveau. Il a indiqué que c'est à présent à la juridiction compétente de trancher.

L'opposition constate un virage à 180 degrés

Djuna Bernard, élue des Verts, attribue ces nouvelles annonces à la pression de l'opposition et de la presse.

"Si on regarde le plaidoyer politique, par exemple, on nous disait encore il y a deux semaines, que ce n'est pas un sujet, que le gouvernement ne se considère pas responsable. Aujourd'hui, le ton a changé. (...) En ce qui concerne la coopération, le ministre en charge semble avoir pris progressivement conscience qu'il a une certaine responsabilité à porter. (...) Et là où je suis aussi vraiment soulagée, c'est que, par rapport à ces personnes qui risquaient de subir un plan social, il semble que le gouvernement essaie de trouver des solutions pour les personnes concernées.“

L'opposition en général s'est étonnée qu'il y ait à présent soudain de l'argent pour aider Caritas. Pour la présidente du groupe parlementaire LSAP, Taina Bofferding, tout cela ne s'est pas déroulé de manière suffisamment transparente.

"En fait, je suis surprise, car il y a des semaines, on nous disait encore que le gouvernement ne donnerait plus un euro à Caritas. Maintenant ils vont accorder un prêt transitoire. La question est : n'était-il pas possible plus tôt d'annoncer cela, de vérifier cela? Cela aurait un peu calmé le jeu. Finalement c'est bien sûr une bonne chose que ces factures puissent être couvertes. Mais cela montre les magouilles et la gabegie, que des faits n'ont pas été immédiatement mis sur la table et vérifiés pour prendre des décisions qui s'imposaient.“

Marc Baum (déi Lénk) a également repris les termes de magouilles et gabegie et qualifié tout cela de catastrophe unique.

Le ministre du Travail "manque" à l'opposition

En raison des critiques qui ont surgi à cause des contrats des salariés de Caritas repris par HUT, un certain nombre de députés attendaient aussi des réponses de la part du ministre du Travail, Georges Mischo, mais il n'était pas là. Ce qu'a regretté Marc Baum, entre autres:

"Le ministre du Travail, qui est aussi ministre des Sports, excelle dans deux disciplines : rétropédaler et disparaître de la circulation. Cette fois, il a disparu. De toute évidence, il s'agit là d'une question pour l'Inspection du Travail des Mines. Et elle est dans l'air depuis plusieurs jours. (...) et j'avais préparé toute une série de questions pour le ministre du Travail. Et je trouve inacceptable qu'il disparaisse simplement face à un conflit social aussi flagrant."