Le mouvement Civitas, dont le ministre de l'Intérieur français Gérald Darmanin a engagé la dissolution, est une organisation catholique intégriste, très présente sur les réseaux sociaux, et dont l'idéologie proche de l'extrême droite flirte parfois avec la théorie du complot.

Sur son site internet, Civitas se présente comme "un mouvement politique œuvrant à promouvoir et défendre la souveraineté, l'identité nationale et chrétienne de la France".

"C'est une organisation catholique intégriste, avec un compagnonnage avec l'extrême droite la plus classique et radicale", ajoute le spécialiste des cultures numériques et de l'extrémisme en ligne Tristan Mendès-France.

En 2012 Civitas se mobilise activement contre le mariage pour tous, en dénonçant l'"homofolie". Le ministre de l'Intérieur a lancé le processus de dissolution après que l'essayiste controversé Pierre Hillard a suggéré, lors de ces universités d'été, de revenir à "la situation d'avant 1789" lorsqu'un Juif "ne pouvait pas devenir français".

Le groupement Civitas, enregistré comme parti politique depuis 2016, a officiellement soutenu le candidat Eric Zemmour aux dernières présidentielles. Une politique clairement dirigée contre le mariage pour tous, contre l'immigration ou encore contre l'égalité entre les hommes et les femmes, pour ne citer que quelques exemples.

➡️ À lire également : Y a-t-il une extrême droite au Luxembourg ?

Conférence controversée de l'ADR avec Civitas

Retour en 2023, lors d'une conférence organisée par ADR International au mois de janvier à laquelle ont notamment participé Christian Perrone, bien connu pour sa proximité avec les mouvements contestataires lors de la pandémie de Covid, ou encore Alain Escada, président de Civitas, très proche de l'extrême droite, qui dénonce dans les mesures sanitaires "une mascarade dont l'objectif réel est de mettre en place l'ensemble des rouages d’une tyrannie mondialiste".

Cette conférence était présentée par Fernand Kartheiser, mais le député ADR à la Chambre explique ne pas connaître Civitas ni l'identité ou la profession de son président.

RTL

Image tirée de la vidéo de la conférence retrouvée sur le canal de la candidate ADR Sylvie Mischel. dGàD: Alain Escada, Jacques Bauer, pharmacien suisse, Anne-Marie Yim et Christian Perrone tout à droite assis à la table. Fernand Kartheiser se tient derrière la tribune.

Alain Escada aurait été invité à la conférence de janvier par Anne-Marie Yim, vice-présidente d'ADR International. Quelques mois auparavant, en novembre 2022, celle qui détient une carte de membre de l'ADR avait pris la parole lors d'un événement de Civitas.

Antisémitisme

Le site Conspiracy Watch de l'Observatoire du Conspirationnisme français a épinglé ses propos comme nouvel exemple d'antisémitisme chez Civitas: "elle déclare que la pandémie de Covid a été planifiée par les juifs, en se basant sur "Les Protocoles des Sages de Sion", un pamphlet gravissime et totalement faux également utilisé par Adolf Hitler pour définir les Juifs dans son livre "Mein Kampf"", explique Mike Richartz, historien.

La vice-présidente d'ADR International n'aurait cependant pas fait valider son intervention auprès du parti luxembourgeois qui "n'était au courant de rien", selon Fernand Kartheiser qui réaffirme la lutte contre l'antisémitisme de son parti ainsi que la défense de l'État d'Israël, dans la limite des Droits de l'homme. Le député réfute toute relation entre l'ADR et Civitas, il n'hésite pas à répéter qu'il ne connaissait même pas ce parti politique intégriste avant qu'on lui pose la question.

Retournement

Mais sur RTL ce lundi matin, Léo Wagener, Évêque auxiliaire et Vicaire général, conteste cette déclaration de Fernand Kartheiser puisqu'il confirme avoir fourni des informations sur ce parti politique controversé au député ADR. C'est suite à une carte blanche diffusée en avril dernier chez nos confrères de Radio 100.7 du président de AHA, l'Alliance des humanistes, athéistes et agnostiques du Luxembourg, qui annonçait l'arrivée de Civitas au Luxembourg, que des recherches ont abouti sur la fameuse conférence d'ADR International.

Léo Wagener a donc contacté Fernand Kartheiser le 10 juillet afin de le prévenir: "il était tout étonné de savoir que ce genre de parti existait. Il m'a dit qu'il n'était au courant de rien et que ce groupe lui était inconnu. Je lui ai alors expliqué que Civitas était notamment connu pour ses prises de position clairement antisémites, ce à quoi il m'a répondu que son parti combattait toute forme d'antisémitisme et que l'ADR n'était pas lié à leurs activités. Il m'a ensuite expliqué que l'ADR devait se réunir ce soir-là et que le sujet serait discuté en interne".

Pour la politologue Léonie de Jonge, les propos d'Anne-Marie Yim ne sont pas un cas isolé: "cela s'est déjà produit par le passé, mais également plus récemment, certains membres du parti ont des propos qui tendent vers la droite extrême, et cela représente bien le basculement encore plus à droite de l'ADR ces dernières années".

Un parti, deux modes de fonctionnement

L'ADR ferait donc de la politique à deux niveaux, une position plutôt modérée sur le plan national, mais des relations avec l'extrême droite à l'international: "l'ADR cherche des connexions à d'autres niveaux, nous savons par exemple que le président des jeunes ADR "ADRenalin" a participé au "Transatlantic Patriot Summit" à Budapest avec des représentants d'organisations de jeunesse de partis radicaux comme les Autrichiens du FPÖ, du Vlaams Belang belge ou encore de Chega au Portugal".

À cela, Fernand Kartheiser répond que l'ADR n'a aucun contact avec les partis du groupe "ID" au Parlement européen auquel appartiennent des partis comme le RN, FPÖ, Vlaams Belang ou encore l'AfD allemande.

Pour l'historien Mike Richartz, l'ADR est un parti d'extrême droite, cela ne fait aucun doute: "c'est la conclusion de toute cette affaire, un parti d'extrême droite et néofasciste qui de plus est désormais peut-être également responsable d'antisémitisme. Tous les cas relevés au sein de l'ADR le prouvent, et les tentatives de blanchiment après des propos national-socialistes d'un candidat ADR dans l'est sont un mensonge pur et dur".

La politologue Léonie de Jonge est plutôt d'avis que l'ADR est un parti radical de droite, mais pas d'extrême droite puisqu'ils ne remettent pas la démocratie en question et ne font pas des appels à la haine. Mais elle souligne cependant certaines idéologies comme le conservatisme, le nationalisme, voire même un peu d'autoritarisme, qui sont les bases de l'extrême droite.