Être au chômage en France après avoir travaillé au Luxembourg est devenu moins avantageux depuis qu'un décret oblige les demandeurs d'emploi à accepter des offres avec un salaire français généralement moins élevé.
Le 20 mars, un décret publié au Journal officiel en France a changé les règles d'indemnisation du chômage. Une modification courte, discrète, qui va toucher tout particulièrement les frontaliers, dont ceux du Luxembourg.
À défaut d'avoir amputé leurs indemnisations en fin d'année 2024, la France veut les inciter à raccourcir leur période de chômage. Sa solution ? Redéfinir ce qu'est une "offre raisonnable d'emploi" au sein de France Travail, l'agence qui gère le chômage des Français.
Toute inscription à France Travail pour obtenir une allocation de chômage s'accompagne de devoirs pour toucher cet argent. Dont celui de chercher activement un emploi et d'accepter une offre d'emploi qui correspond aux critères fixés avec l'établissement public.
Et c’est là qu’entre en compte notre fameuse offre raisonnable d’emploi.
Le salaire, critère modifié pour les frontaliers
Pour faire simple, ce sont des critères utilisés pour juger une offre de travail. Certains dépendent de la personne (sa formation, ses qualifications, ses compétences ou le type de contrat qu'elle souhaite occuper) et d’autres dépendent de son environnement (la région et le salaire "normal" qui y est pratiqué). C’est ce dernier point qui vient de changer : désormais, pour juger les offres faites aux frontaliers, France Travail ne tient plus compte du salaire perçu à l’étranger, donc au Luxembourg, mais va se fixer uniquement sur le salaire qui est habituellement pratiqué en France. "Les salaires sont évalués en fonction d’une moyenne de rémunération française sur des métiers équivalents" nous confirme France Travail.

© Ludovic MARIN / AFP
Et c'est bien là que le bât blesse: les salaires étant supérieurs au Luxembourg, refuser une offre d'emploi similaire mais avec un salaire français "normal", donc souvent inférieur, peut donc ne plus être considéré comme "raisonnable". Quand bien même le salaire ne correspondrait pas aux besoins ou aux compétences du frontalier en recherche. Or les règles de France Travail sont claires : deux refus sans motif légitime d'une "offre raisonnable d'emploi" peuvent entraîner une radiation et une suppression de l'allocation de chômage, rappelle France Travail.
Compte tenu des écarts de rémunération entre la France et le Luxembourg, il est théoriquement possible d'imaginer que le frontalier en recherche d'emploi soit obligé d'accepter une offre dont le salaire est inférieur... à son allocation de chômage. Et ainsi rester dans les clous de l'offre raisonnable d'emploi. Une sorte de "travailler pour gagner moins".
En 2023, les anciens frontaliers du Luxembourg au chômage touchaient, en moyenne, une allocation de 1.781€ par mois.
Rechercher "intensivement" un emploi au Luxembourg
Cette évolution est défendue par le gouvernement français, qui juge que les frontaliers "consomment davantage leurs droits que les autres demandeurs d'emploi". Traduction : ils restent au chômage plus longtemps (avec une indemnisation plus élevée). Un phénomène qui coûte cher aux finances françaises, en quête d'économies.
France Travail assure toutefois rester pleinement ouvert aux emplois frontaliers. "Les demandeurs d’emploi sont également incités à s’inscrire de l’autre côté de la frontière, auprès de nos homologues européens, pour bénéficier d’un accès privilégié aux offres d’emploi du pays frontalier." À ce jour, 18 agences France Travail frontalières accueillent "les deux tiers des travailleurs transfrontaliers suisses et luxembourgeois".
Selon France Travail, ses conseillers proposent aux anciens frontaliers qui souhaitent uniquement travailler au Luxembourg d'y concentrer leurs recherches "de manière intensive" lors des deux premiers mois de chômage. Avant d'étendre les recherches au marché français si cela n'aboutit pas. Et rappelle que l'agence entraînera une enquête (avec conséquence) en cas de fraude, comme lors d'une reprise du travail à l'étranger sans l'avoir signalé à France Travail.
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