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Conséquence de l'inflation, le prix du kebab, sandwich turc ultra populaire, a augmenté de quelques centimes, parfois de plus d'un euro. Avant la journée mondiale du kebab, célébrée le deuxième vendredi de juillet, on a rencontré des kebabiers de Luxembourg et de Lorraine pour en savoir plus.
"Quand j'ai débuté, le kebab était à 3,80€. Maintenant, il est à 6,50€." Burak Durmus travaille au Snack Pamukkale depuis une dizaine d'années. Situé à Luxembourg-ville au Limpertsberg, rue Victor Hugo, ce petit restaurant turque a été créé en 1995 par Kazim, son père. Comme tant d'autres, l'établissement a dû revoir ses tarifs avec l'inflation, que le père et son fils ressentent "depuis le covid."
Début janvier, les sandwiches et les plats ont augmenté "entre 50 centimes et un euro"répond Burak. "Mais ça n'a servi à rien car les prix de nos fournisseurs ont continué à augmenter."
Affiché à 7,50€, le dürüm cartonne auprès des étudiants, venant pour la plupart du Lycée de Garçons. Le supplément frites est à 2€. Les formules débutent à 10€.
Avant même de parler du prix des matières premières, Burak affirme que "le pire, c'est le tarif du gaz et de l'électricité. Cela a carrément doublé." Ensuite, c'est l'huile de tournesol : "on payait 35€ le bidon de 25 litres, maintenant, c'est 100€ minimum. On change les bacs de nos deux friteuses toutes les semaines." La viande de kebab -uniquement du poulet au Snack Pamukkale- "a augmenté très fort après le covid", mais la flambée s'est calmée. "Salade, tomate, oignon: tout coûte plus cher" souligne Burak.
Pour continuer à être rentables, le père et son fils font "un petit calcul". "On additionne les charges, les dépenses et les salaires d'un mois, on divise par 30 et on voit le chiffre d'affaire qu'on doit faire au minimum chaque jour." C'est sur la base de ce calcul qu'ils ont déterminé leurs nouveaux tarifs. "On a aussi regardé ce que faisait la concurrence..."
Au Snack Pamukkale, à Luxembourg, les tarifs des kebabs sont à peine plus élevés que de l'autre côté de la frontière française. / © Raphaël Ferber/RTL
ENVIRON 6€ LE KEBAB, LES FRITES EN PLUS
À Metz, l'Anatolie est installé depuis 1992. Ce petit snack est tenu par Yamina Rahmouni depuis six ans, dans une rue étroite qui monte vers la cathédrale et qui est bien connue des habitants: En Fournirue. "J'ai démarré dans la sandwicherie en 1995" précise Yamina, rompue à l'exercice. Ici, le döner kebab est affiché à 5,80€, le dürüm à 6€. L'un des best seller, c'est le sandwich brochettes. "Avec l'inflation, tous nos sandwiches ont augmenté de 1€ il y a environ un an" nous dit-elle. "Le supplément frites était à 1€, il est passé à 1,50€."
Dans la "capitale française du kebab" (selon un classement de My-Pharma), ces tarifs ne sont pas les plus élevés que nous ayons repérés. "Peut-être que vous trouverez moins cher ailleurs, mais la viande proposée sera certainement de la dinde. C'est la moins cher. Nous, on propose depuis longtemps un mélange de veau et de dinde" souligne Yamina. La viande est halal - "c'est plus cher aussi" - et livrée par un boucher de la ville.
Depuis plus d'un an, les prix annoncés par ses fournisseurs se sont envolés. "Les gens croient qu'il n'est question que de quelques centimes, mais c'est bien plus que ça!" lance-t-elle. "L'huile et les steaks, c'est ce qui a le plus augmenté. Même la saucisse turque! Il n'y a rien qui n'a pas augmenté. Le boulanger a majoré le prix du pain. Les tomates, je les touchais à 1,95€ le kilo avant. Maintenant ça peut monter jusqu'à 3€. Toutes les semaines, les prix changent. Le chou, un coup c'est 2€ le kilo, un coup c'est 3€. Des fois, on va se dépanner à l'Auchan."
Le fait qu'En Fournirue a été récemment fermée à la circulation n'a pas arrangé les affaires du Snack Anatolie. "On faisait beaucoup de vente à emporter, les clients se garaient dans la rue. Maintenant, on en fait moins. Parfois, je travaille mieux un lundi qu'un samedi."
Pour mieux faire passer la hausse des prix, Yamina mise sur les formules. Tous les sandwiches, avec une frite et une boisson, c'est 8,50€. "Et quand un client veut une boisson plus grande, je demande juste un supplément de 50 centimes."
LE KEBAB SUR ASSIETTE À 12€
"Je pense être dans la moyenne des prix pratiqués dans le secteur" répond Kadir Gurleyen, gérant du "Métropol" basé à Thionville. / © Raphaël Ferber / RTL
À Thionville, Kadir Gurleyen a repris il y a plus de quatre mois "Chez Zeki", un restaurant qui sert des spécialités turques: kebabs, grillades, pide et Lahmacun (pizzas turques). En mettant la carte à jour du "Metropol" (le nom qu'il a donné à son nouveau restaurant), Kadir affirme avoir augmenté les prix d'une cinquantaine de centimes. "J'ai plusieurs amis qui travaillent dans le kebab, je les ai sondé concernant leurs tarifs" précise-t-il. Ici, le döner kebab est affiché à 6,50€, le dürüm à 7€ mais il faut ajouter 2€ si l'on veut des frites. Le kebab sur assiette, servi avec des crudités et des frites, est à 12€. C'est à peine plus cher que dans les snacks des alentours, "mais ici, c'est un restaurant. Les clients peuvent manger sur place" souligne le gérant, qui est épaulé par deux employés. "Je pense être dans la moyenne des prix pratiqués dans le secteur."
Depuis qu'il a pris les commandes de son restaurant, les 10 litres d'huile lui sont facturées 20,50€ hors taxes. Il en commande 60 chaque mois. "Ça a augmenté de 50 à 60%" lance le patron, "c'est vrai que c'est impressionnant." Les 50 kilos de farine lui sont facturés 44€ HT, il en commande 100 chaque mois. La viande de kebab, là aussi un mélange de veau et de dinde halal, lui coûte 5,30€ du kilo. Il en commande 250 chaque mois. Sa consommation en électricité et en gaz se chiffre "aux alentours de 1.100€ par mois" estime-t-il.
Pour le moment, Kadir ne mesure pas encore pleinement l'impact de l'augmentation des prix de son fournisseur. Ce sera le cas lors de son prochain bilan. "Mais si on augmente de trop, les clients ne vont plus venir" pense-t-il. "Par exemple, j'avais augmenté la brochette au poulet sur assiette à 14€. Les clients ont râlé, je l'ai remise à 12,50€" explique-t-il. "Notre clientèle est une clientèle ouvrière. Elle n'a pas forcément le budget pour manger pour 20-25€ tous les midis, mais plutôt pour 10-12€" ajoute le gérant.
En tout cas, l'inflation ne semble pas l'inquiéter outre mesure pour le moment. En Allemagne, pourtant, certains kebabiers ont été forcés de monter le prix du kebab à 10€. En région parisienne, il peut atteindre les 9€. "Non, le prix du kebab n'est pas prêt d'atteindre les 10€ chez nous" nous répond Kadir. "Et moi, je ne suis pas un patron qui court après les grosses voitures!" A Luxembourg-ville non plus, on n'envisage pas de vendre un kebab à 10€. "Ce serait trop cher pour les étudiants du quartier. Il vaut mieux gagner un peu moins mais continuer d'exister" répond Burak Durmus.
Le temps du kebab à 4€, parfois moins, est néanmoins révolu. Mais "on n'aurait jamais augmenté nos prix si ceux de nos fournisseurs n'avaient pas augmenté en premier" conclut Yamina.
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