Le confinement a contraint beaucoup de fumeurs frontaliers à s'approvisionner en France, au prix fort. Une aubaine pour les bureaux de tabac de Thionville ou de Saint-Avold, mais seulement passagère...

Alors que selon des chercheurs français, la nicotine pourrait avoir un effet protecteur contre l'infection par le nouveau coronavirus (des essais préventifs et thérapeutiques vont être entrepris avec des patchs à la nicotine pour le vérifier), les vendeurs de tabac en zone frontalière voient défiler de nouveaux clients. Car les fumeurs qui avaient l'habitude d'aller faire le "plein de tabac" en Allemagne ou au Luxembourg  — où certains paquets sont presque deux fois moins chers —, sont contraints de s'approvisionner sur leur lieu de résidence.

ON SAIT BIEN QUE ÇA NE VA PAS DURER

Au Tabac de la Fontaine, à Thionville, pas question de "profiter de la situation". Certes, les ventes de tabac — en pot en particulier —, ont augmenté de façon significative, autour de 30%, la priorité reste la sécurité sanitaire. "On a adapté nos horaires d'ouverture, affirme un membre de l'équipe du gérant, Gérard Pascal. Nous fermons désormais l'après-midi et deux employés sont en chômage partiel. On sait très bien que cet effet sur les ventes de tabac ne va pas durer. On se dit que ça couvre les frais et que ça maintient notre trésorerie à flot, contrairement à la plupart des autres commerces."

Selon le site Le monde du tabac, qui fédère la profession, dans le Bas-Rhin, le volume des ventes de cigarettes avait dégringolé de 15 % ces dernières années. Depuis la fermeture de la frontière, on enregistre une hausse de 33,5% dans les départements proches de l’Allemagne.

Un effet qui ne concerne pas que la zone frontalière avec le Grand-Duché et l'Allemagne. À Perpignan par exemple, les buralistes témoignent eux aussi de la flambée du marché. Une situation telle que les stocks en pâtissent. "Nous sommes livrés tous les 15 jours mais cela ne suffit plus. Nous devons nous rendre deux fois par semaine à la plateforme de Narbonne pour nous ravitailler", confie une buraliste. L’augmentation de ses ventes grimperait à 30 %. "On se rend surtout compte de tout l’argent qui part en Espagne le reste de l’année !".

RTL

SERVICE PUBLIC ASSIMILÉ

C'est l'État français qui a demandé aux buralistes de rester ouverts, cela dès le début de l'épidémie, plaçant leur secteur d’activité sur la liste des commerces de première nécessité. Officiellement en leur assignant une mission d'utilité locale, mais la manne que la vente de cigarettes représente pour l'État français, qui récupère 80% du prix de vente sous forme de taxes, peut avoir son importance dans cette décision.

Un buraliste du Nord a déclaré dans Le monde du tabac: "Le plus important dans notre métier, alors que l’État nous donne des agréments, c’est d’être un service public assimilé."

À l'aire de Berchem, côté luxembourgeois, on a bien sûr ressenti l'effet du confinement et des contrôles aux frontières. Mais la baisse d'activité du shop, de 40% au début du confinement à 20% aujourd'hui, n'a pas entraîné de réduction de personnel. En effet, "le trafic des camions routiers a permis de maintenir une certaine activité et de ne pas avoir recours au chômage partiel, nous apprend Arthur Sequeira, site manager. Mais c'est sûr qu'on a perdu les acheteurs de tabac qui viennent spécialement."

Quant à l'hypothèse selon laquelle la nicotine pourrait protéger contre l'infection par le Covid-19, elle reste à prouver. D'où l'importance des essais cliniques. La nicotine pourrait amoindrir l'hyper-inflammation, les "orages de cytokine", qui semblent jouer un rôle clé dans les cas graves de Covid-19 et laissent la médecine relativement démunie. Cependant, les études menées ne doivent pas inciter la population à se ruer sur les cigarettes et les patchs. Fumer altère les poumons et ce n'est pas bon pour la santé (cancers, accidents cardiaques, bronchites chroniques graves...), rappellent les médecins. Il s'agit d'"une piste intéressante, parmi d'autres pistes de recherche clinique", a commenté mercredi le ministre français de la Santé, Olivier Véran.