
Cette conférence organisée à la hâte par le président français, en présence de vingt-sept autres pays, intervient à un moment critique pour l’Ukraine, en attente des armes occidentales nécessaires à sa survie.
“Nous sommes à coup sûr au moment d’un sursaut qui est nécessaire de notre part à tous”, a lancé Emmanuel Macron à l’ouverture de ce sommet devant plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement européens, dont l’Allemand Olaf Scholz, le Polonais Andrzej Duda et le Slovaque Robert Fico, ainsi que le chef de la diplomatie britannique David Cameron, le Premier ministre luxembourgeois Luc Frieden et des représentants américain et canadien.
Son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky avait posé le décor à distance, déplorant n’avoir “malheureusement” reçu que 30% du “million d’obus que l’Union européenne” a “promis” à l’Ukraine.
“Force est de constater que nous n’avions pas ce million”, a répondu Emmanuel Macron en fin de soirée devant la presse, évoquant un “engagement imprudent”.
Le président français s’est montré plus offensif que jamais lorsqu’il a été interrogé sur la possibilité que des pays occidentaux décident d’envoyer des troupes sur le sol ukrainien - une option évoquée, pour la dénoncer, par le Premier ministre slovaque.
“Il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol. Mais en dynamique, rien ne doit être exclu. Nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre”, a affirmé Emmanuel Macron, disant “assumer” une “ambiguïté stratégique”.
Luc Frieden a réagi à cette proposition ce mardi matin sur RTL en précisant que la Russie n’avait fait aucun progrès stratégique pour le moment mais que la guerre n’était pas terminée pour autant: “c’est pour cette raison que nous avons discuté de toutes les solutions envisageables, mais comme beaucoup d’autres pays, le Luxembourg ne voit pas l’envoi de troupes occidentales comme une option, pour le moment”.
Le porte-parole du Kremlin a prévenu mardi qu’envoyer des troupes en Ukraine ne serait “pas dans l’intérêt” des Occidentaux, répondant aux propos du président français Emmanuel Macron, qui a estimé que cela ne pouvait pas “être exclu”.
“Ce n’est absolument pas dans l’intérêt de ces pays. Ils doivent en être conscients”, a déclaré Dmitri Peskov à des journalistes, jugeant que le simple fait d’évoquer cette possibilité constituait “un nouvel élément très important” dans le conflit.
Les déclarations du président français Emmanuel Macron sur l’éventuel envoi de troupes terrestres occidentales en Ukraine suscitent le rejet de tous les partis en Allemagne.
Le ministre-président SPD de Basse-Saxe, Stephan Weil, a déclaré mardi sur la chaîne de télévision NDR qu’il était fermement opposé à un tel mandat pour l’armée allemande. Des critiques ont également été émises par la CDU, les Verts, l’AfD et le Parti de gauche.
L’experte en défense du FDP Marie-Agnes Strack-Zimmermann a déclaré que l’Allemagne n’était pas obligée de partager l’évaluation de Macron ; elle a toutefois loué le président comme étant un “moteur”, alors que le chancelier fédéral Olaf Scholz (SPD) est un “frein”.
Les Premiers ministres polonais et tchèque ont déclaré mardi ne pas envisager d’envoyer de soldats en Ukraine mais ont insisté sur la nécessité que tous les pays européens soutiennent “au maximum” Kiev dans son effort de guerre.
“On n’envisage pas d’envoyer nos troupes en Ukraine et nous avons sur ce point une position commune” avec la République tchèque, a déclaré M. Tusk lors d’une conférence de presse avec M. Fiala.
Pour autant, “nous avons la conviction que la défaite de la Russie est indispensable à la sécurité et la stabilité en Europe”, a martelé le président français. Il a énuméré plusieurs mesures pour amplifier l’effort en faveur de l’armée ukrainienne, au moment où le conflit vient d’entrer dans sa troisième année et où l’aide américaine, cruciale pour Kiev, est bloquée au Congrès par les républicains de Donald Trump.

Emmanuel Macron a parlé d’un engagement à “produire plus” d’armes européennes, et a annoncé la création d’une “coalition pour les frappes dans la profondeur” afin de fournir à Kiev des “missiles et bombes de moyenne et longue portée”. Il a également expliqué que “beaucoup de pays européens et non européens qui ont des munitions disponibles” avaient été “démarchés”.
Selon le Premier ministre tchèque Petr Fiala, une quinzaine de pays se sont dits prêts à rejoindre une initiative de Prague pour que l’UE achète des munitions hors d’Europe afin de mieux soutenir l’effort de guerre ukrainien.
“C’est un message très fort envoyé à la Russie”, s’est-il félicité.
La France y participera, tandis que le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a évoqué une contribution de son pays de “plus de 100 millions d’euros” à ce plan tchèque.
Les pays présents à l’Elysée doivent maintenant se retrouver autour des ministres français de la Défense et des Affaires étrangères pour “décliner opérationnellement” ces initiatives.
“Dans dix jours, nous aurons une réponse claire avec un agenda sérieux”, a promis Emmanuel Macron, qui doit se rendre en Ukraine d’ici mi-mars. Depuis qu’il a reçu Volodymyr Zelensky il y a dix jours à l’Elysée pour signer un accord de sécurité bilatéral, le chef de l’Etat français peint un tableau très sombre des intentions de Vladimir Poutine et tente de se positionner en première ligne de l’appui apporté à Kiev.
“Nous voyons, et tout particulièrement ces derniers mois, un durcissement de la Russie”, “qui s’est malheureusement cruellement illustré avec la mort d’Alexeï Navalny”, le principal opposant russe, a-t-il réaffirmé lundi.

Il a également fait état d’un “consensus” chez de nombreux dirigeants et personnalités européens sur le fait “que d’ici à quelques années, il fallait s’apprêter à ce que la Russie attaque” leurs pays. “Sur le front ukrainien, les positions sont de plus en plus dures et nous savons aussi que la Russie prépare des attaques nouvelles, en particulier pour sidérer l’opinion ukrainienne”, a-t-il averti.
Les Ukrainiens accumulent depuis quelques semaines les revers dans l’Est, notamment avec la perte il y a plus d’une semaine de la ville forteresse d’Avdiïvka, et, lundi, leur retrait du village de Lastotchkyné, près de là.

Pour la présidence française, la conférence de Paris visait donc à “contredire l’impression que les choses sont en train de se déliter, de réaffirmer que nous ne sommes pas fatigués et que nous sommes déterminés à faire échec à l’agression russe”.