
“Autrefois, les cas de corruption pouvaient se compter sur les doigts d’une main, mais aujourd’hui, la presse fait souvent mention d’une commune ou d’un ministère, (...) ce qui donne l’impression (...) d’un nombre important de cas non recensés”, selon Jean Bour. Souvent, les personnes impliquées se protègent mutuellement.
Même si le Luxembourg obtient d’assez bons résultats dans les classements internationaux, notamment dans l’"Indice de perception de la corruption” de Transparency International, où le Grand-Duché occupe la 5e place, “il ne s’agit là que de perceptions. Une bonne note est une bonne chose, mais cela ne prouve pas tout”, selon Jean Bour. La corruption existe aussi au Luxembourg, a souligné l’ancien procureur de Diekirch.
La corruption touche traditionnellement “des entreprises publiques, mais aussi des personnes ou des entreprises qui ont une mission de service public”. “Des cas de corruption sont également observés dans le secteur privé. Cependant, la corruption se manifeste le plus souvent lorsque l’argent public entre sur le marché privé. On entend souvent parler de “personnes qui achètent quelque chose pour l’État ou les communes et qui mettent ensuite 10% dans leur poche”. Par conséquent, “des entreprises privées effectuant un service public sont également concernées”, explique Jean Bour.
La corruption est clairement définie, explique Jean Bour. La loi ad hoc a été réformée et durcie il y a 24 ans, sur base d’une convention avec l’OCDE. Le législateur s’est alors aussi inspiré de la législation française. Désormais, il n’est plus nécessaire qu’il y ait passage à l’acte, c’est-à-dire qu’un avantage soit accordé ou qu’il y ait un échange d’argent entre deux personnes pour obtenir une faveur, mais il suffit de laisser entendre que cela pourrait se produire. Autrement dit, “est désormais considéré comme de la corruption passive de la part d’un fonctionnaire ou de quelqu’un exerçant une fonction de service public le simple de demander quelque chose à quelqu’un d’autre, quelle que soit la réponse”. L’ancien procureur de Diekirch s’en félicite.
Jean Bour cite le financement des partis comme “contre-exemple”. La Chambre des députés a suivi de nombreuses recommandations du GRECO (Groupe d’États contre la Corruption, un organisme du Conseil de l’Europe qui évalue les mesures prises par les États membres pour lutter contre la corruption, ndlt), notamment pour le code de conduite. Mais bien sûr, “tout système est perfectible. Il existe encore des lacunes, surtout au niveau communal”, où il reste beaucoup à faire. Une plus grande sensibilisation est globalement nécessaire. C’est pourquoi il a écrit ce livre. “Le premier concerné par la corruption est le citoyen, c’est-à-dire le client de l’administration, des services publics, des autorités. Les deuxièmes concernés sont les fonctionnaires qui devraient contribuer à dévoiler la corruption”, selon l’ex-procureur. Mais nombreux sont ceux qui disent simplement: “Je ne dénonce pas mon voisin”.
Mais si la sensibilisation ne sert plus à rien, si la prévention ne sert plus à rien, la répression viendra et la question se posera alors: “Qui va signaler cela?”, a indiqué l’ancien procureur de Diekirch.