
En juin, l’avocat général de la Cour de justice européenne avait rendu un avis qui est favorable aux frontaliers aux familles recomposées dont un enfant est issu d’une autre relation et qui, pour cette raison, ne peut prétendre aux allocations familiales versées par le Luxembourg. Alors que c’est pourtant le cas pour un enfant non biologique d’un travailleur résident. L’avocat général avait conclu qu’une aide pouvait être versée à partir du moment où l’enfant non naturel “réside au domicile commun et, partant, qu’il vit dans une communauté familiale avec ce travailleur” frontalier embauché au Luxembourg.
Ce jeudi, un arrêt décisif a été rendu par le juge de la Cour de justice européenne dans ce dossier ouvert depuis bientôt dix ans. Depuis que les députés luxembourgeois avaient voté en 2016, une loi supprimant le droit des allocations familiales aux enfants non biologiques des frontaliers. La Zukunftskeess (Caisse pour l’avenir des enfants) avait alors fermé le robinet à ces familles recomposées qui vivent hors des frontières du pays.
Dans son arrêt, la Cour juge que, “pour qu’un travailleur non‑résident puisse bénéficier, dans l’État membre d’emploi, d’une allocation familiale au titre de l’enfant de son conjoint ou de son partenaire enregistré, la condition de « pourvoir à l’entretien de cet enfant » est remplie dès lors qu’il existe un domicile commun entre le travailleur et cet enfant. La simple preuve d’une communauté de vie suffit à établir que le travailleur pourvoit à l’entretien. Aucun autre critère objectif, tel qu’une contribution financière détaillée, n’est exigé, sauf dans des circonstances exceptionnelles où le refus serait justifié par l’absence totale de contribution ou par une déclaration mensongère”.
La Cour relève que “la communauté de vie implique naturellement une contribution aux charges du ménage (telles que le logement, les services ou l’alimentation) et que la preuve d’un domicile commun suffit à démontrer que le travailleur « pourvoit à l’entretien » de l’enfant. Cette présomption s’applique même lorsque le partage du domicile n’est pas total, par exemple, dans les familles recomposées ou lorsque l’enfant poursuit des études à l’étranger tout en conservant son adresse principale au sein du foyer. En outre, l’existence d’une contribution alimentaire à la charge de l’autre parent de l’enfant du conjoint ou du partenaire enregistré du travailleur non-résident ne saurait être considérée comme un critère permettant d’exclure que ce travailleur pourvoit à l’entretien de l’enfant de son conjoint ou de son partenaire enregistré, avec lequel il partage le même domicile.”
La Cour ajoute que, “lorsque le partage d’un même domicile ne peut être établi, la présomption d’entretien n’est pas inexorablement exclue. Elle peut en effet découler d’autres éléments objectifs comme la participation aux frais de logement, de déplacement et/ou de la vie courante de l’enfant, permettant au travailleur non‑résident de démontrer qu’il continue réellement à subvenir aux besoins de l’enfant du conjoint ou du partenaire enregistré.”
Enfin, la Cour précise que le refus de l’allocation ne peut être justifié que dans des circonstances exceptionnelles, “à savoir si le travailleur a fourni de fausses déclarations, s’il ne participe en aucune manière aux dépenses liées à l’enfant, ou si l’ensemble de l’entretien est entièrement pris en charge par un tiers sans aucune contribution du travailleur. Toute restriction supplémentaire, telle qu’une exigence de quantifier précisément la contribution financière, serait contraire au principe d’interprétation large des dispositions consacrant la libre circulation des travailleurs.”