Marc Goergen en interviewLe député Pirate fait le point sur son parti, les crises et le futur du pays

RTL Infos
Dans une interview accordée à RTL, Marc Goergen revient sur son parcours politique au sein du Parti pirate (Piratepartei), évoquant les tensions internes, l'évolution de sa relation avec le cofondateur Sven Clement, les réformes structurelles au sein du parti et ses vives critiques à l'égard de l'approche du gouvernement en matière de retraites et de politique parlementaire.

Marc Goergen a invité RTL à le rencontrer au skatepark de Pétange, un endroit où il passait beaucoup de temps dans sa jeunesse. Il apprécie toujours l’atmosphère qui y règne, qu’il décrit comme un mélange dynamique de sport et d’art urbain.

Le “pirate” se souvient qu’à l’âge de 18 ou 19 ans, un parti local l’a approché. À l’époque, il était mécontent de plusieurs problèmes dans son quartier, en particulier ceux qui touchaient les jeunes. Il a accepté de se joindre à leur cause et s’est progressivement impliqué. Mais, comme il le souligne, son objectif n’a jamais été de faire carrière en politique.

Il a fait ses premiers pas en politique en 2005, lorsqu’il s’est présenté pour le Parti démocratique (DP) aux élections locales à Pétange. Ce fut une bonne expérience, dit-il, mais il y avait peu d’élan politique au sein de la section locale du DP. Lorsque le parti a quitté le conseil local en 2012, il est parti aussi, pensant que son chapitre politique était clos.

Mais tout a changé lorsqu’il a participé à une manifestation pour la protection des données en tant que militant. C’est là qu’il a rencontré des membres du Parti pirate, qui l’ont invité à se présenter aux élections dans la circonscription sud. Il a accepté, même s’il admet qu’il n’avait aucune idée du succès que les Pirates allaient rencontrer.

Il estime que le succès continu du parti, notamment l’obtention d’un troisième siège aux élections législatives de 2023, peut être attribué au fait que, contrairement à de nombreux partis pirates à l’étranger, la section luxembourgeoise a longtemps évité les conflits internes majeurs.

Cette situation a toutefois changé avec les retombées de l’affaire MALT. La controverse a déclenché des disputes internes houleuses, en particulier entre Goergen et le cofondateur du parti, Sven Clement. Des tensions sont apparues sur la manière dont le parti devait rembourser l’argent dû à l’Office national d’accueil (ONA) à la suite de l’affaire MALT.

Relations tendues avec Sven Clement

Marc Goergen affirme que lui et Sven Clement entretenaient de bonnes relations de travail jusqu’à ce que l’affaire MALT éclate. Il avait rejoint le Parti pirate à l’invitation personnelle de son cofondateur et affirme qu’ils travaillaient bien ensemble, devenant même amis en dehors de la politique. Cela a rendu la rupture d’autant plus douloureuse, déclare-t-il.

L’invité de RTL admet avoir été profondément déçu et en colère lorsque le scandale a éclaté. Il estime qu’ils ont probablement dit des choses sous le coup de l’émotion qu’ils ne diraient pas aujourd’hui.

Malgré l’impact émotionnel du conflit, Marc Goergen reconnaît qu’il est possible de rétablir la confiance. Il voit des signes indiquant que Sven Clement va dans la bonne direction et agit différemment – tant au sein de la direction du parti que dans son travail parlementaire – par rapport à avant le scandale.

Les deux députés ont depuis établi un rythme professionnel et sont capables de travailler ensemble.

Quel avenir pour les Pirates ?

Marc Goergen est ouvert au sujet des luttes internes au sein du parti au cours de l’année écoulée. Le conflit entre lui-même et Sven Clement n’était pas le seul, puisque six représentants élus ont quitté les Pirates pendant cette période. Cela a eu des conséquences néfastes, dit-il.

Il se souvient que ce sont des personnes que lui-même et d’autres avaient aidées à former et soutenues au fil des ans, des collègues de confiance dont les efforts avaient contribué au succès du parti. Les perdre n’était pas seulement une perte politique, mais aussi un coup dur sur le plan personnel, et il admet qu’il lui a fallu du temps pour s’en remettre émotionnellement.

En réponse, le parti s’est restructuré. De nouveaux statuts ont été introduits et une équipe de direction composée de cinq membres guide désormais le parti, contribuant à s’éloigner de l’image d’une organisation dirigée par un seul homme, note-t-il. Selon lui, ces changements structurels portent déjà leurs fruits, avec une participation plus active des membres au niveau local.

Cependant, Marc Goergen critique le fonctionnement de la politique à la Chambre. Ce qui le dérange le plus, dit-il, c’est que les décisions sont trop souvent prises en fonction des lignes du parti et de la gestion de l’image plutôt que d’une bonne politique.

Il explique que ce qui le frustre, c’est de voir le travail parlementaire davantage motivé par le marketing politique personnel que par les besoins réels du public. Trop souvent, selon lui, les acteurs politiques se concentrent davantage sur la façon dont ils se présentent.

Les retraites dans le viseur

Marc Goergen critique également vivement la manière dont le gouvernement a géré la réforme des retraites. Lorsque les Pirates ont été invités à participer aux discussions sur la réforme, il a choisi de ne pas représenter le parti. Il pensait que le gouvernement avait déjà pris sa décision et qu’il ne tiendrait pas sérieusement compte des autres points de vue. Malheureusement, dit-il, ses soupçons se sont confirmés, car les discussions n’ont abouti à rien.

Il reconnaît néanmoins un changement positif dans cette équipe gouvernementale par rapport à la précédente : une prise de conscience accrue du fait qu’il faut gagner de l’argent avant de pouvoir le dépenser pour des mesures sociales. Il estime que l’accent mis actuellement sur le renforcement de l’économie est une bonne chose.

Cela dit, il reste sceptique quant à l’approche du gouvernement en matière de retraites. Il souligne que, bien que le gouvernement parle de renforcer l’économie, certaines de ses propositions, telles que l’augmentation de l’âge de la retraite ou la mise en garde contre l’épuisement des caisses de sécurité sociale, envoient un mauvais message et témoignent d’un manque de compassion. Il estime que ce domaine continue de nuire à l’image de la coalition et qu’il doit être sérieusement amélioré.

Il partage l’idée générale selon laquelle les ressources doivent être gagnées avant de pouvoir être distribuées, en particulier dans un pays comme le Luxembourg, où la redistribution est si cruciale. Cependant, il estime que le gouvernement actuel n’a pas tout à fait saisi la réalité sociale de nombreux habitants.

Selon lui, l’approche du gouvernement peut sembler déconnectée sur le plan émotionnel. Il soupçonne qu’en raison de la résistance croissante des syndicats, la coalition sera finalement contrainte d’assouplir ou de réviser son approche de la réforme des retraites.

Quant à son propre avenir, il affirme qu’il s’engage à rester au sein du Parti pirate, à condition que celui-ci conserve sa forme actuelle. Il souhaite se présenter à nouveau aux prochaines élections législatives et défendre son siège. En repensant à l’année écoulée, il se dit fier d’être resté à bord pendant une période mouvementée.

Retrouvez l’intégralité de l’échange en luxembourgeois dans le reportage de RTL Télé:

Sonndesinterview mam Marc Goergen
Mandatairen, déi d’Piratepartei verloossen, d’Relatioun mam Sven Clement an d’Aarbecht vun der Regierung.

Back to Top
CIM LOGO