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Le Festival de Cannes a envoyé un signal politique fort en décernant samedi la Palme d'or au dissident iranien Jafar Panahi pour son film "Un simple accident", tourné en clandestinité. Une "immense fierté" pour le Luxembourg qui coproduit le film.
A l'issue de près de deux semaines de compétition, qui a vu s'affronter vingt-deux films pour la Palme d'or, la récompense suprême a été décernée, samedi 24 mai, au film Un simple accident de l'Iranien Jafar Panahi, qui est une co-production luxembourgeoise. Le film est en effet coproduit par Christel Henon pour Bidibul Productions (Luxembourg), aux côtés de Les Films Pelléas, Pio & Co (France) et Jafar Panahi Productions (Iran).
En parallèle de cette distinction majeure, le film s’est également vu attribuer le Prix de la Citoyenneté, qui distingue une œuvre incarnant les valeurs de solidarité, de justice sociale, de respect des droits fondamentaux et de liberté d’expression.
"Cette double reconnaissance à Cannes est une immense fierté pour le Luxembourg. Elle reflète la solidité de notre secteur audiovisuel" s'est réjouit Guy Daleiden, directeur du Film Fund Luxembourg. "Cette Palme d’or marque un moment historique pour le Luxembourg. C’est la consécration d’années d’engagement en faveur d’un cinéma ouvert, ambitieux et profondément humain. Ce succès témoigne de la maturité de notre secteur, de l’audace de nos talents et de la portée de nos collaborations internationales, au-delà des frontières et des contextes".
Le cinéaste de 64 ans a pu se rendre à Cannes pour la première fois depuis 15 ans et recevoir son prix, décerné par la présidente du jury Juliette Binoche.
Thriller moral auscultant le dilemme d'anciens détenus tentés de se venger de leur tortionnaire, "Un simple accident" s'en prend très directement à l'arbitraire des forces de sécurité. Le long-métrage est aussi une réflexion sur la justice et la vengeance face à l'arbitraire. Panahi, qui a connu la prison à deux reprises en Iran, pays dont il ne pouvait pas sortir jusqu'à récemment, a promis de rentrer après Cannes malgré les risques de représailles. Nul ne sait quel sort lui réserveront les autorités après ce onzième long-métrage.
Son film, qui succède à "Anora" de l'Américain Sean Baker, a été tourné dans la clandestinité, le réalisateur se refusant à demander les autorisations pour tourner. Au mépris des lois de la République islamique, plusieurs de ses actrices apparaissent sans voile.
Il est le deuxième Iranien à remporter la Palme après Abbas Kiarostami pour "Le goût de la cerise" (1997). L'an dernier, un autre Iranien, Mohammad Rasoulof, avait décroché un prix spécial pour un autre film brûlot, "Les graines du figuier sauvage". Arrivé clandestinement à Cannes, il avait ensuite choisi l'exil.
La révélation Nadia Melliti
Dans le reste du palmarès, le jury a récompensé une révélation, celle de l'actrice française Nadia Melliti, qui reçoit le prix d'interprétation à 23 ans, et pour son tout premier rôle au cinéma dans "La petite dernière" de sa compatriote Hafsia Herzi. Etudiante en sport et repérée dans un casting sauvage, elle incarne Fatima, 17 ans, une jeune femme musulmane qui découvre son homosexualité. Le film est adapté du roman, d'inspiration autobiographique, de Fatima Daas, publié en 2020.
"L'Agent secret" du Brésilien Kleber Mendonça Filho repart avec deux prix: la mise en scène et l'interprétation masculine pour Wagner Moura, 48 ans, connu hors du Brésil pour avoir interprété Pablo Escobar dans la série "Narcos".
Le Grand Prix a été remporté par le Norvégien Joachim Trier pour "Valeur sentimentale".

Le réalisateur norvégien Joachim Trier, 22 mai 2025 / © AFP
Cinéastes déjà parmi les plus primés de l'histoire de Cannes, avec deux Palmes d'or, les frères Luc et Jean-Pierre Dardenne sont repartis avec un nouveau trophée, le prix du scénario, pour "Jeunes Mères". Ils l'obtiennent pour la deuxième fois de leur carrière, après "Le silence de Lorna" (2008).

Les frères Luc et Jean-Pierre Dardenne montent les marches du festival de Cannes, le 24 mai 2024 / © AFP
Le Franco-Espagnol Oliver Laxe a reçu ex-aequo le prix du jury pour "Sirat", plongée captivante dans une rave-party hallucinatoire et apocalyptique au pays de "Mad Max", avec Sergi Lopez. Il le partage avec la réalisatrice allemande Mascha Schilinski, qui explore cent ans de traumas familiaux à travers le destin de quatre femmes dans "Sound of Falling".
Ce 78e festival de Cannes a fait écho aux guerres au Proche-Orient et en Ukraine et a aussi été marquée par des déclarations engagées, à commencer par la charge de Robert De Niro contre Donald Trump lors de la cérémonie d'ouverture.
Côté paillettes, la quinzaine a connu ses défilés de stars, de Denzel Washington à Tom Cruise, venu présenter le dernier "Mission: Impossible", en passant par Scarlett Johansson, pour son premier film de réalisatrice, et Nicole Kidman.