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Au tribunal d'arrondissement de Luxembourg, l'ancien gérant d'un restaurant et son épouse comparaissent pour coups et blessures et traite d'êtres humains. Lundi à l'audience, la défense a menacé de porter plainte contre les victimes.
Un restaurateur et son épouse sont accusés de coups et blessures et de traite d'êtres humains, pour des faits survenus entre 2013 et 2021. Mardi, l'accusé a prononcé ses derniers mots devant la Cour et ils contrastaient fortement avec les conclusions des parties civiles et du parquet.
"Je suis sur le chemin de la paix", a expliqué le restaurateur accusé, et: "Qui voit ma souffrance? (…) N'ai-je pas moi aussi le droit de vivre en liberté?" Le juge a demandé s'il avait encore un mot de regrets envers ses anciens employés et leur situation, mais ce n'était pas le cas.
Maître Sadler, l'avocate des parties civiles, a débuté sa plaidoirie en indiquant que le tribunal n'avait probablement jamais été confronté à un cas aussi flagrant de traite d'êtres humains. Elle représente cinq des six victimes. La dignité des employés a été bafouée, ils ont subi de graves violences et humiliations, ainsi que des préjudices économiques et parfois physiques permanents, selon elle.
Les victimes réclament une indemnisation, non seulement pour les salaires, qu'elles ont dû en grande partie restituer à leur ancien patron en espèces, mais aussi pour les préjudices physique et psychologique. Les montants cumulés s'élèvent à plusieurs centaines de milliers d'euros. Auxquels il faudra ajouter certaines demandes pas encore chiffrées, la partie civile exigeant que des experts le fassent.
La partie civile a également fourni des explications sur les raisons pour lesquelles les victimes ont enduré cette situation si longtemps. D'une part, il s'agit d'un comportement typique des victimes, et d'autre part, il y a le contexte culturel et le système de castes, qui influence encore la vie sociale au Népal.
Le parquet requiert au moins 10 ans de prison ferme
Pour le parquet, l'accusation de traite d'êtres humains est avérée. L'accusé, Monsieur R., a exploité la position de faiblesse des employés, à quoi il faut ajouter des horaires de travail illégaux, des violences, des tâches non prévues dans le contrat de travail et un salaire "dérisoire". Il y avait toujours du travail, "on trouve toujours une tâche à faire faire". Le parquet parle de brimade dans ce contexte, d'absence d'emploi du temps régulé.
Même si cela ressemble à un conte d'épouvante, Monsieur R. exerçait un contrôle total sur les victimes. L'accusation rejette la thèse d'un complot contre les accusés. Plusieurs arguments plaident contre cette thèse, notamment le fait que les victimes aient dû rembourser une part importante de leur salaire au gérant depuis 2015. C'est du chantage.
Le parquet a requis 10 ans de prison ferme à l'encontre du restaurateur, sans circonstances atténuantes vu que Monsieur R. n'a exprimé aucun regret. Il a en outre exigé une amende d'au moins 100.000 euros.
L'épouse était complice: même si elle n'a pas maltraité elle-même les employés, elle bénéficiait indirectement de leur exploitation. D'une part, elle était copropriétaire du restaurant et, d'autre part, elle n'avait pas à s'occuper du ménage ni de ses enfants, car l'une des employés devait s'en charger. Le parquet a requis contre elle cinq ans de prison, éventuellement avec sursis, et une amende.
La défense annonce porter plainte contre les victimes
La défense a nié les accusations et accusé les victimes de mauvaise foi, car elles auraient menti sur plusieurs points. Il n'y avait pas d'"atmosphère d'horreur", a exposé Maître Kreutz sur 25 pages. Dans les dernières minutes de l'audience, l'avocat a en effet annoncé le dépôt d'une plainte contre les victimes pour fausses déclarations sous serment.
Ainsi, pour la défense, il est impossible d'obtenir un visa de travail pour le Luxembourg si l'on ne dispose pas déjà d'un contrat de travail avant l'arrivée, et au Népal aussi, il faut soumettre un contrat traduit au ministère du Travail. Les employés auraient activement recherché du travail auprès de l'accusé et de son père, il ne pourrait donc être question de recrutement au Népal. De plus, les allégations de restitution de salaire seraient "absurdes".
Il serait également faux que les victimes aient nettoyé le restaurant sept heures par jour, comme cela a été affirmé, Après tout, la propreté du restaurant se serait dégradée après l'embauche des employés. Il serait tout aussi improbable qu'elles aient dû faire des courses pour le restaurant le jour de fermeture, la plupart des produits étant livrés.
Si Maître Kreutz dépose officiellement plainte contre les victimes, le procès sera très vraisemblablement interrompu.
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