Le procès d'un jeune néonazi accusé d'avoir planifié des attentats contre différentes cibles a débuté mardi au tribunal d'arrondissement de Luxembourg.

Le jeune homme est poursuivi pour violation de la législation sur les armes, planification d'attentats terroristes, appartenance à un groupe terroriste, recrutement et entraînement de nouveaux membres pour ce groupe.

Un laboratoire de chimie qui nécessitait une autorisation préalable

D'origine suédoise, le jeune homme, aujourd'hui âgé de 23 ans, est né au Luxembourg. Début 2020, la police avait effectué une perquisition dans la maison de son père à Strassen. Du matériel pouvant servir à la fabrication d'explosifs y avait été saisi. Lors de la perquisition, un paquet garni de clous avait également été découvert, probablement destiné à confectionner un colis piégé. Divers matériaux avaient été détruits sur place par le service de déminage. Son laboratoire était à ce point équipé que, selon la loi "commodo", il correspondait à un établissement de classe 1, pour lequel il n'avait cependant pas d'autorisation.

Son laboratoire, qu'il avait installé en partie dans la buanderie et en partie dans le garage de la maison de son père à Strassen, a également impressionné l'expert en explosifs français. L'accusé disposait non seulement de récipients, de mélangeurs, de filtres, etc., pour fabriquer des explosifs, mais aussi de l'équipement nécessaire pour se protéger: blouse de laboratoire, protections auditives, au cas où une explosion se produirait pendant les tests, et masque à gaz. Lors de la perquisition, les policiers avaient non seulement découvert des substances actives telles que de la nitroglycérine et du peroxyde d'acétone (TATP), mais aussi des comprimés de chlore permettant de produire du chlore gazeux. De plus, le prévenu y avait stocké 15 litres d'urine. Il y a des décennies, a expliqué l'expert, les Palestiniens, dans leur lutte armée contre Israël, ne disposant de rien d'autre, en extrayaient l'urée pour synthétiser des explosifs.

"Comment fabriquer une bombe nucléaire"

En gros, selon l'expert français en explosifs, l'accusé disposait de suffisamment de substances pour produire l'équivalent d'un kilo de dynamite. Une substance directement transformable en explosif, appelée "précurseur", car une étape intermédiaire est nécessaire. De plus, une grande quantité de manuels d'instruction numériques téléchargés par l'accusé avaient également été découverts. Parmi ceux-ci figuraient des titres expliquant les bases de la production d'explosifs, comme "The chemistry of explosives", mais aussi des ouvrages plus spécifiques comme "Boobytraps" et "How to build a nuclear bomb" ainsi que des brevets expliquant les détonateurs. "Une documentation numérique très intéressante du moins techniquement parlant", selon l'expert venu de Paris. Elle était cohérente, tout cela en vue de la fabrication d'explosifs. Ce n'était pas un hasard.

En outre, l'accusé ne s'était pas contenté de regarder des vidéos pédagogiques sur Internet, il  avait également filmé lui-même des vidéos, dont une le montrant en train de synthétiser de la nitroglycérine. "Très carrée", selon l'expert. S'il ne peut pas la qualifier de vraiment "professionnelle" dans ce contexte, il estime que le "degré de professionnalisme est important". L'expert n'a vu aucune affaire aussi détaillée dans toute sa carrière, "(...) avec une synthèse aussi bien faite." Il a parlé d'une "menace explosive réelle". "Elle est toxique aussi avec le chlore." 
 
Au moment de la perquisition, l'accusé avait à peine 18 ans. L'année précédente, alors qu'il avait 17 ans, il avait mis le feu à un élevage de visons en Suède avec un ami. Pour ce fait, il avait été condamné en 2021 en Suède à une peine de prison avec sursis et à une amende pour incendie criminel.

Il avait été membre du groupuscule d'extrême-droite "The Base" et de la Brigade verte, qui allie idéologie d'extrême droite et protection animale, des prétendus "écofascistes". Ces contacts s'étaient noués via Internet et des groupes de discussion.

Le psychiatre et le psychologue qui ont procédé à l'expertise du prévenu, ont déclaré qu'il ne présentait aucun problème psychiatrique ni trouble de la personnalité et qu'il était d'une intelligence supérieure à la moyenne.

"Pour moi, les gens avec une telle idéologie, sont dangereux", selon un expert

L'expert psychiatre a déclaré que l'accusé était suprémaciste, raciste, révisionniste et qu'il adhère fortement à l'idéologie nationale-socialiste. Il manifeste un certain racisme culturel. Il estime que les différentes cultures ne doivent pas se mélanger. Il croit aux races génétiques et est convaincu qu'Israël effectue des tests génétiques pour déterminer si les gens sont juifs. Le représentant du parquet a cité des passages de messages où l'accusé, en référence à la Shoah, avait parlé de 6 millions "de morceaux de viande qui avaient été grillés". Interrogé sur la dangerosité de l'accusé, l'expert a répondu: "Oui, pour moi, les personnes avec une telle idéologie sont dangereuses." Même s'il ne présente aucun signe de maladie.

Lecture de radicalisation: "Mein Kampf"

L'expert psychologue a déclaré que l'accusé avait une grande détermination pour parvenir à ses objectifs, comme l'avaient démontré des tests. Il était également resté fidèle à ses convictions lors de conversations avec son père. Le psychologue a évoqué une blessure narcissique dans sa jeunesse. À son entrée au lycée, l'accusé avait eu des difficultés à s'intégrer et à se faire des amis. De ce fait, il avait consommé de l'alcool de manière excessive, avait été admis à l'hôpital et avait ensuite eu plusieurs rendez-vous au service de psychiatrie infantile. Le psychologue a indiqué qu'au moment de son arrestation, la quête identitaire de l'accusé n'était pas encore achevée. Il faisait preuve d'une certaine immaturité, y compris envers les filles. Cependant, l'accusé expliquait cela par le fait qu'il était exigeant et qu'il n'avait pas encore rencontrer la bonne personne. Mais il n'avait que quelques copains au Luxembourg, la plupart de ses amis se trouvant en Suède.

Il cherchait un leader au sein de ses groupes néonazis, a expliqué le psychologue. Sa radicalisation avait débuté en 2015-2016, alors qu'il habitait avec sa mère en Suède pendant un an. D'abord plutôt conservateur, il était ensuite devenu nationaliste, puis national-socialiste. Il avait notamment lu "Mein Kampf" d'Adolf Hitler. Sinon le psychologue a estimé que le prévenu était une personne stable et résistante au stress. Cependant, sa tolérance à la frustration était faible. Un jour, après avoir été piqué par une abeille, il avait mis le feu à toute la ruche. Lorsque l'arbre auquel elle était suspendue avait commencé à brûler, les pompiers avaient dû intervenir pour l'éteindre. Le psychologue a décrit l'accusé comme une personne "méticuleuse". Il buvait peu, faisait beaucoup de sport et aimait passer du temps avec sa famille et ses amis, regarder des films et jouer à des jeux vidéo. Il pouvait être altruiste et était très loyal envers ses amis et sa famille. Il aimait aussi particulièrement les chiens. Le représentant du parquet a interrogé les experts sur la compatibilité entre le révisionniste et les amis loyaux. L'explication serait que l'accusé était probablement assez intelligent pour ne pas parler de ses convictions partout.

"Aujourd'hui, j'ai honte"

Au début de la première audience de son procès, l'accusé a eu l'occasion de prendre brièvement la parole. Il a déclaré s'intéresser aux explosifs et à la pyrotechnie, c'est-à-dire aux feux d'artifice, depuis son enfance. Il ne voulait pas utiliser son intérêt pour la chimie à des fins politiques. Aujourd'hui, il étudie la chimie et le génie chimique à Stockholm. Il estime que les enquêteurs ont exagéré les quantités de substances retrouvées lors de la perquisition. Quant à ses contacts avec des groupes d'extrême droite, il a déclaré qu'aujourd'hui, il en avait honte. Mais à l'époque, à 17 ans, ces personnes lui avaient témoigné du respect, donné le sentiment de ne pas être seul et d'appartenance à un groupe, mais aussi un sentiment de pouvoir. Il était déconnecté de la réalité, derrière son ordinateur. Mais il n'avait jamais participé à une mission ou à un entraînement, selon l'accusé.

Dans ses questions aux différents experts, le représentant du parquet a mis en doute le fait que l'accusé ait tourné le dos au milieu nazi. Il aurait en effet cherché à reprendre contact après sa libération de détention provisoire. Mais la défense a demandé aux experts s'il n'avait pas pu évoluer au cours des cinq années écoulées et surmonter ses anciennes convictions. C'était un jeune homme, ont-ils répondu. Les deux sont possibles.

Le procès se poursuivra jeudi avec l'audition des témoins de la police.