Lundi sur RTL, la ministre de la Défense, Yuriko Backes, a admis que le Luxembourg, comme d'autres pays membres de l'OTAN, a subi une pression pour relever ses dépenses en matière de défense.

"Ce n’est pas une situation facile. Je pense que c’est beaucoup d’argent que nous devrons mobiliser. Comme je l’ai dit, nous ne sommes pas les seuls dans cette situation, mais nous ne pouvons pas non plus être les seuls à ne pas apporter notre contribution(...). Ce n’était vraiment pas une option pour nous", a affirmé Yuriko Backes sur RTL lundi.

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Dans son discours sur l'état de la nation, le Premier ministre, Luc Frieden, a annoncé mardi dernier que les dépenses militaires seront portées, non pas à l'horizon 2030, mais dès cette année, à 2% du RNB, le revenu national brut. Ce qui correspond à un montant global d'environ 1,18 milliard d'euros, soit quelque 312 millions d'euros supplémentaires.

"L’année dernière, en 2024, 22 des 32 pays de l'OTAN avaient déjà atteint 2%. Ces dernières semaines et ces derniers mois, tous les autres pays de l’OTAN ont également déclaré qu’ils atteindraient 2% cette année", souligne Yuriko Backes. D'une part, il y avait évidemment "la pression des Américains, mais pas seulement". Les pays de l'Est de l'Europe, à la frontière avec la Russie, ont aussi fait pression pour que tous les membres atteignent les 2% de contribution le plus vite possible. Le Luxembourg a donc dû "reconsidérer" sa position. 2030 ne tenait plus. "C'est pourquoi nous avons aussi décidé de ne pas rester isolés et de ne pas nous désolidariser et d'arriver à 2% avant la fin de cette année." 

Au sein de l’OTAN, des demandes répétées se font également entendre pour que la contribution soit relevée à 5%. "Ce serait très difficile pour nous, mais pas seulement, d'autres pays sont aussi dans cette situation", selon la ministre libérale. Une décision sera prise sur ce point au Sommet de La Haye en juillet. Yuriko Backes a également plaidé à plusieurs reprises que "ce n’est pas le pourcentage qui doit être pris en compte, mais plutôt les capacités dont dispose chaque État membre et ce dont il a besoin pour se défendre".

Des investissements avec un retour pour le Luxembourg

Le gouvernement s'est donné quelques critères pour décider dans quoi l'argent sera investi à l'avenir. "Premièrement, cela doit être utile pour notre défense nationale et collective. Deuxièmement, cela doit être réaliste en matière de ressources humaines. Troisièmement, le retour économique est vraiment essentiel pour nous".

Des projets sont déjà identifiés, tels que le satellite GovSat-2, auquel le Grand-Duché travaille déjà depuis un moment. Ensuite le gouvernement souhaite investir dans la recherche et le développement. Mot-clé: "dual use", le principe du double usage, c'est-à-dire "financer des projets qui peuvent être utilisés à des fins militaires, mais aussi civiles, profitables aux entreprises luxembourgeoises". Luxinnovation a déjà identifié plus de 100 entreprises. En outre, l’Ukraine doit continuer à être soutenue financièrement et des investissements doivent également être réalisés "dans des ministères et des administrations qui contribuent à notre capacité de résilience". 

Des armes "made in Luxembourg"?

Nous n'avons actuellement aucune arme "made in Luxembourg". Le Grand-Duché ne fabrique pas d'armes. "La législation luxembourgeoise ne l'autorise pas", explique Yuriko Backes. Mais c'est aussi une chose à laquelle il faut réfléchir. "Une stratégie de défense interministérielle est en cours d'élaboration" et la loi sur les armes devrait être révisée.

Des drones sont produits au Luxembourg depuis peu. Il ne s'agit "pas de drones de combat, mais de drones espions utilisés pour des opérations de surveillance". Ils sont équipés de caméras, mais s'ils sont livrés en Ukraine, ils pourraient évidemment être équipés d'armes, précise la ministre de la Défense.

Pas un euro de l'argent destiné à ces dépenses de défense, n'est prévu pour l'armée luxembourgeoise dans les prochains mois. C'est en fait "un exercice en continu". "L'Etat a déjà investi dans les infrastructures de l'armée luxembourgeoise, des projets de loi ont été votés à cet effet, notamment pour le réaménagement du champ de tir au Bleesdall et du dépôt de munitions à Waldhof." De plus les investissements vont se poursuivre dans le bataillon binational constitué avec l'armée belge, par exemple à Sanem, pour la maintenance de nos véhicules militaires, explique la ministre

La spirale de réarmement constitue-t-elle une menace pour les projets sociaux et climatiques?

Avec cette spirale de réarmement et tout l'argent investi dans la défense, d'autres projets en matière sociale ou climatique ou encore en matière d'Egalité entre hommes et femmes, un autre portefeuille de la ministre, ne risquent-ils pas d'être abandonnés? La ministre répond qu'"étant donné la situation géopolitique, le Luxembourg se doit d'être solidaire. Il faut pouvoir se défendre au niveau national, mais aussi collectivement." Il est toutefois aussi "important que cet argent revienne alimenter l'économie luxembourgeoise". Cela rapportera des recettes fiscales, qui permettront de financer des projets dans d'autres domaines, selon Yuriko Backes.