Les faillites de promoteurs posent de sérieux problèmes aux personnes qui ont acheté un bien ces deux dernières années. Que peuvent-ils faire? Quels sont leurs recours? Et à quoi sert la garantie d'achèvement? Réponses d'un avocat spécialisé en la matière.

Il y a à peine deux ans, acheter un logement sur plan était presque une évidence au Luxembourg. Depuis, les choses ont drastiquement changé sur le marché de l'immobilier. Les faillites de promoteurs ont engendré de terribles conséquences pour certains acquéreurs. C'est le cas à Oberkorn, où plusieurs propriétaires attendent depuis 18 mois que le chantier avance.

Alors que peut-on faire pour se sortir d'un tel pétrin? Cela vaut-il la peine de poursuivre le promoteur en justice? Que faire pour éviter de se retrouver dans la même situation en achetant aujourd'hui? Et à quoi sert exactement la garantie d'achèvement? Nous avons posé ces questions à un avocat spécialisé en droit immobilier. Pour Maître Di Stefano, managing partner chez DSM Avocats, il est impératif de bien s'informer avant de signer un compromis de vente.

"Je suis parfois surpris de voir que certains acquéreurs mettent plus d'effort dans la réalisation de leur cuisine que dans les questions essentielles liées à la construction de leur logement. Il faut se donner la peine de lire la garantie et le cahier des charges, afin de maîtriser son risque, et puis savoir à qui on a à faire. Tout le monde a accès au registre de commerce et peut aller consulter les derniers bilans des sociétés au Luxembourg."

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Il recommande à ceux qui rechigneraient à faire ces recherches de consulter un avocat et éventuellement un architecte pour s'assurer que leurs attentes soient alignées avec le projet qui les intéresse. Et à ceux qui sont en pleine construction, il conseille de bien faire attention aux tranches qu'ils paient. En effet, en cas de faillite du promoteur, les paiements effectués pour des travaux qui ne sont pas achevés ne seront pas couverts par la garantie d'achèvement.

"La garantie d'achèvement n'est pas une assurance tous risques", souligne l'avocat. Il tient d'ailleurs à balayer "une croyance largement répandue" parmi les acquéreurs qui consiste à penser qu'en cas de défaillance du promoteur, c'est le garant qui va achever le bâtiment. "Ce n'est pas du tout comme ça que ça se passe. Il s'agit purement d'une garantie financière (la garantie d'achèvement). C'est l'acquéreur qui devient automatiquement maître d'ouvrage" et il doit ensuite décider de la marche à suivre.

"Personne ne va le faire à leur place"

RTL

Maître Di Stefano, managing partner chez DSM Avocats / © DSM Avocats

S'il est seul, c'est plus simple mais quand il s'agit d'une copropriété, tous les propriétaires doivent se mettre d'accord. "Dans la plupart des cas, ils ont intérêt à aller vers l'achèvement", explique Maître Di Stefano. En effet, dès lors qu'un terrain doit être vendu en plusieurs parcelles, la valorisation ne sera probablement pas celle qui a été payée au départ. Reste parfois la question des invendus qui peut peser très lourd dans la balance. Auquel cas, il n'y a pas vraiment de modèle de conduite à respecter. "C'est vraiment du cas par cas", note M. Di Stefano.

Dans ce contexte, il précise que la garantie d'achèvement se limite à l'achèvement du bâtiment et aux éventuels surcoûts engendrés par la reprise du projet par un autre constructeur. "Elle ne couvre pas les préjudices financiers comme les retards, les intérêts qui courent, les pertes financières (investissement locatif)", ou encore les loyers payés afin de se loger en attendant. "Je peux me retourner contre le promoteur mais ça ne me servira pas à grand chose s'il est en faillite", rappelle l'avocat.

Il conseille d'ailleurs aux personnes concernées par une faillite de leur promoteur de "ne pas perdre de temps avec des tergiversations judiciaires" parce que "plus le temps passe, plus le préjudice sera grand". Et c'est sans parler de l'état du chantier qui va forcément se dégrader au fil du temps. Dès lors que les propriétaires ont trouvé un prestataire pour assurer la continuité du chantier, les choses peuvent avancer et les mécanismes prévus pour protéger l'acquéreur révèlent toute leur utilité. En effet, les éventuels surcoûts qui pourront faire surface au fil du chantier sont généralement couverts par la fameuse garantie d'achèvement.

"Attention, ce n'est pas un open bar. Le garant garde un droit de réserve concernant les dépenses qui vont être engendrées" par la reprise du chantier. En pratique, il faut simplement que les prix soient alignés avec ceux du marché, indépendamment des travaux entrepris. En ce qui concerne toutes les avances et suppléments payés au promoteur qui a fait faillite, Maître Di Stefano ne mâche pas ses mots: "Oui, vous risquez de rester assis dessus."

Enfin, un détail qu'il ne faut pas négliger: les cas de figure où la garantie d'achèvement se transforme en garantie de remboursement. L'avocat nous confirme que cela intervient dans la plupart des cas lorsque des vestiges archéologiques ou des espèces protégées (animale ou végétale) sont découverts sur le site du chantier. Cela reste bien évidemment l'exception mais Maître Di Stefano estime que des solutions vont probablement être trouvées dans les mois à venir.

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