
La crise du logement a de multiples facettes. S'il y a d'un côté une stagnation du marché immobilier avec un recul de l'activité dû à la hausse des taux d'intérêt, de nombreux locataires sont confrontés à une hausse notable des loyers quand ils recherchent un nouveau logement.
Actuellement les locataires aux revenus modestes atteignent rapidement les limites de leur budget quand ils cherchent une nouvelle location. S'il faut y ajouter la contrainte du temps imposée par le propriétaire quand il fait valoir le besoin personnel, la situation peut devenir critique. C'est ce qui arrive à la famille Mariotti. Notre collègue de RTL, Monica Camposeo, raconte l'odyssée de cette famille.
Après de longues procédures, de nombreuses visites d'appartements et un procès, le couple a reçu le 20 octobre la lettre annonçant le "déguerpissement" (l'expulsion en droit luxembourgeois). C'était l'ultime étape. Tout a commencé avec la résiliation du contrat de bail de leur appartement.
Qu'un contrat de location soit résilié, n'a rien d'exceptionnel en soi. Le cas de figure peut se présenter si un locataire ne paye pas son loyer ou se comporte mal, par exemple, toutefois le propriétaire peut aussi invoquer un besoin personnel, comme c'est le cas ici. Manuel Mariotti peut comprendre que le propriétaire ait à présent besoin de son propre bien. Monsieur Mariotti loue ce logement depuis 10 ans maintenant, depuis cinq ans il y vit avec son épouse. Pour la famille, le problème a surgi quand elle s'est mise à la recherche d'un autre appartement. Il y a plus d'un an que le couple cherche un nouveau logement, explique le père de famille. Aussi parce que le studio situé dans un quartier de Luxembourg-Ville était devenu trop petit pour la famille.
Le couple touche le REVIS, le revenu d'inclusion sociale, et ne peut par conséquent pas aller habiter de l'autre côté de la frontière, où les loyers sont moins chers. Avec leur assistante sociale, les époux ont tout tenté: des demandes de logements sociaux, des aides financières telles que la garantie locative du ministère du Logement. Mais ils sont maintenant confrontés à une expulsion: une situation qu'ils considéraient impensable au départ.
Le déguerpissement, l'ultime étape de la procédure
Au Luxembourg, dans des cas extrêmes, des locataires peuvent être expulsés même en novembre. A la différence de la France, où les expulsions sont suspendues durant les mois d'hiver, explique Maître Georges Krieger. L'avocat, spécialisé en droit immobilier, explique que selon son expérience, sur une centaine de procédures, l'expulsion ne serait menée à son stade ultime, c'est-à-dire l'intervention d'un huissier de justice pour forcer les locataires à quitter le logement, que dans quatre à cinq cas.
Dans le cas de la famille Mariotti, où le propriétaire fait valoir le besoin personnel, mais que les locataires ne trouvent pas d'autre option, le scénario catastrophe de l'expulsion se produit. Avec un bas revenu, vous avez peu de chance de trouver une location sur le marché privé vu la concurrence et le marché public souffre d'une pénurie de logements sociaux ou abordables. Pour l'Office social de la Ville de Luxembourg, la situation dramatique dans laquelle se trouve la famille Mariotti n'est pas un cas isolé.
Sandy Lopes, chargée de direction à l'Office social, évoque la frustration de son équipe, qui ne peut pas apporter toute l'aide qu'elle voudrait. L'Office social peut accompagner les demandeurs dans les différentes procédures ou leur proposer un hébergement pour une nuit dans une structure d'urgence, mais pour des solutions à long terme, les agents de l'Office sont impuissants: "Il est déjà arrivé que des gens arrivent avec leurs valises chez nous à l'accueil et demandent où ils allaient passer la nuit. (...) Mais nous n'avons aucun logement disponible."
Et sur le marché locatif privé, la concurrence est forte. C'est difficile pour les locataires aux revenus modérés. "Nous y sommes allés voir", précise Manuel Mariotti. "Mais c'était impossible avec ces prix et quand nous leur avons dit que nous n'avions pas de CDI, c'était terminé", explique Monsieur Mariotti. Il faut ajouter à cela que vu son budget réduit, la famille cherchait plutôt des appartements avec une seule chambre, ce qui n'est pas bien vu des propriétaires parce que le couple a déjà un jeune enfant et aura bientôt un autre bébé.
Mardi, le couple et sa petite fille ont dû quitter définitivement leur appartement. Ce fut un moment très pénible, raconte Manuel Mariotti par téléphone. La famille est à présent hébergée dans une chambre d'un foyer de la Ville de Luxembourg. Elle ignore pour combien de temps.
Le reportage de RTL en luxembourgeois: