Sensiblement plus élevé que dans les reste de l'Europe, le salaire social minimum luxembourgeois ne suffit pas à vivre confortablement au Grand-Duché. La Chambre des salariés monte au créneau.

Quelques jours après les élections législatives, et l'officialisation d'une probable coalition entre les conservateurs et les libéraux, la Chambre des salariés s'est manifestée. Son angle d'attaque: le salaire social minimum.

Le salaire social minimum luxembourgeois est le plus généreux d'Europe.
Il est un "outil indispensable pour assurer un niveau de vie décent et une protection sociale adéquate à tous les travailleurs du pays" écrit la Chambre des salariés. Une mission dans laquelle il échoue. "Le salaire minimum ne suffit pas à vivre correctement au Luxembourg"assène Nora Back, la présidence de la Chambre.

"Il est important d’admettre que le salaire minimum au Luxembourg demeure en deçà des principaux seuils internationalement reconnus pour assurer un niveau de vie décent" enfonce Nora Back. Elle demande donc à l'augmenter. À ce stade, le gouvernement le réévalue tous les deux ans. Au 1er janvier 2023, il avait augmenté de 3,2%. Auxquels se sont ajoutés les index de février, avril et septembre.

Depuis le 1er septembre 2023, le salaire social minimum est de 2.570,93€ brut par mois (SSM non-qualifié) et 3.085,11€ brut (SSM qualifié). Mais la Chambre assure qu'aujourd'hui, toutes celles et ceux qui gagnent moins de 2.961€ par mois "sont en risque de pauvreté salariale".

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Le salaire minimum luxembourgeois est le plus généreux d'Europe, mais il ne garantit pas un "niveau de vie décent" au Grand-Duché. / © CSL.lu

Jeunes, femmes, célibataires... Qui sont les moins bien lotis?

L'inégalité guette toutefois les salariés. En mars 2022, on estimait à 15% la proportion des salariés rémunérés "au voisinage" d'un des deux salaires minimums (hors fonctionnaires). C'est-à-dire qu'ils gagnent, au mieux, 2% de plus qu'un des deux salaires minimum.

Globalement, les femmes sont les plus mal loties: 17,2% d'entre elles sont rémunérées au salaire social minimum. Contre 13,5% chez les hommes. Malgré ses efforts, le Luxembourg n'en a pas fini avec l'inégalité entre les femmes et les hommes.

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En 2022, 17,2% des femmes touchaient le salaire social minimum. Contre 13,5% des hommes. / © CSL.lu

D'ailleurs, tout en étant moins nombreuses à travailler (sur dix salariés, quatre sont des femmes), elles sont surreprésentées chez ceux qui touchent le salaire minimum non-qualifié (49,1% contre 50,9% d'hommes) et qualifié (43,1% contre 56,9% d'hommes). Heureusement, la situation s'améliore car leur part dans les travailleurs proches du salaire minimum diminue.

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Les femmes sont surreprésentées dans la population payée au salaire social minimum luxembourgeois. / © Brooke Cagle / Unsplash

Dans l'ensemble, la CSL s'est également rendu compte que les jeunes sont plus susceptibles de toucher le salaire minimum. Un salarié sur cinq a moins de 30 ans au Luxembourg. Pourtant, ils pèsent pour 40% des salariés rémunérés au salaire minimum non-qualifié (30,6% pour le salaire minimum qualifié).

Les célibataires sont également plus susceptibles d'être rémunéré au salaire minimum que les personnes mariées/pacsées ou séparées. La preuve. En 2022, quatre résidentes sur dix payées au salaire minimum sont célibataires. Et plus de la moitié chez les hommes.

Les Portugais ont une chance sur cinq d'être parmi les moins bien payés

L'analyse de la Chambre est cruelle pour certains. Ainsi, "être un travailleur manuel tend à vouer à un emploi moins bien payé surtout s'il s'y ajoute un contrat à temps partiel et en CDD/intérim". De même "qu'avoir la nationalité portugaise donne un risque sur cinq d'être parmi les moins bien rémunérés".

Les nationaux ne s'en sortent pas forcément mieux: "être luxembourgeois ne garantit pas d'emblée un haut salaire" écrit la CSL. La preuve: 23% des travailleurs payés au salaire minimum non-qualifié sont Luxembourgeois.

Vivre au Luxembourg n'est pas une garantie non plus: les bénéficiaires du salaire minimum non-qualifié sont surtout... des résidents (à 59,7%). Les frontaliers français sont juste derrière (23,6%).

Au salaire minimum qualifié, les résidents comptent pour un peu moins de quatre travailleurs sur 10. Les frontaliers français pour 34,2%. Ce qui se retrouve dans l'enquête annuelle du Statec: de tous les frontaliers, ce sont les Français qui sont les moins bien payés.

Au salaire minimum non-qualifié, on trouve surtout des Portugais: un travailleur sur cinq. Et au salaire qualifié, des Français: trois travailleurs sur dix.

Le portrait-type du travailleur au salaire minimum

Si les jeunes et les femmes sont surreprésentés parmi celles et ceux au salaire minimum, le portrait-type de son bénéficiaire est différent.

Concrètement, en chiffres absolu, on trouve un plus grand nombre d'hommes payé au salaire minimum non-qualifié (2.570,93€ brut par mois). Leur âge moyen est de 33 ans et ils travaillent dans le commerce. Même s'ils sont surtout en CDI, leur expérience au Luxembourg est de moins de neuf ans.

Au salaire qualifié (3.085,11€ brut par ois), on trouve une majorité d'hommes, toujours en CDI et employé dans le commerce, dont l'expérience au Grand-Duché est proche des 11 ans.

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© Brooke Cagle / Unsplash

Deux secteurs concentrent la moitié des travailleurs payés au salaire minimum non-qualifié au Luxembourg: l'horeca et le commerce. Au sein même de ces secteurs, le constat est sans appel: 48,7% des salariés de l'horeca gagnent le salaire minimum (qualifié ou non). Une part un peu plus élevée qu'en 2012. Dans l'agriculture, 37,9% des salariés sont dans la même situation (qui s'est améliorée en dix ans). Dans le commerce, c'est 30,6%.

Si la durée de la carrière contribue généralement à l'amélioration des revenus, certains s'en sortiront moins bien. Grâce aux données de l'Inspection générale de la sécurité sociale, la CSL a fait un constat amer: sur quatre salariés payés au salaire minimum en 2011, un l'était toujours en 2021. "C'est un noyau dur qui reste au minimum légal pendant très longtemps" confirme la Chambre. Et ce sont ces personnes qui se retrouveront ensuite à vivre avec la pension minimum, également inférieure au seuil de pauvreté.

Le message est donc lancé au futur gouvernement: "Il n'est pas trop tard" affirme Nora Back. "On part du principe que la nouvelle coalition nous prêtera une oreille attentive. C'est un sujet important et le futur gouvernement a aussi été élu sur le sujet du pouvoir d'achat."