
Marta Estevez a joué à merveille le rôle de patronne en l’absence de Laura Miller. La joueuse du Racing va-t-elle passer prochainement la frontière? / © Val Wagner
Le sélectionneur national des dames, Dan Santos, revient sur le début de campagne de son équipe en Ligue des Nations, évoque la progression de ses joueuses et parle d’un avenir prometteur.
La Ligue des Nations s’est ajoutée au programme des sélections féminines depuis quelques mois. Le Luxembourg figure dans la Ligue C. Les Lionnes se sont imposées en Lituanie (2-0) puis ont concédé le nul face à la Géorgie (1-1) avant d’enchaîner avec un double affrontement avec la Turquie. Dan Santos a posé le pied sur le ballon pour faire le point.
Avec le recul, qu’a-t-il manqué à votre sélection pour distancer la Géorgie?
Si on joue ce match dix fois, on le gagne neuf fois. On était plus forts que la Géorgie dans le contenu. Amy (Thompson) n’était pas à 100% en raison de pépins physiques. Sinon, on aurait marqué un deuxième but. Nos adversaires se sont toutefois battues pour obtenir un point avec la malice et l’agressivité qu’il faut. A froid, quatre points pour débuter cette campagne, c’est correct. Il ne faut pas viser trop haut trop rapidement.
La capitaine Laura Miller est blessée. Quelles sont les dernières nouvelles la concernant?
Elle passera un IRM la semaine prochaine pour voir comment évolue sa fracture de fatigue. Elle suit un programme spécifique (natation, vélo) pour rester affûtée. Elle espère pouvoir nous aider pour nos prochaines échéances. Elle passera un test le 16 octobre et la liste sera communiquée le 18. Si on a le feu vert médical, je la convoquerai. Quitte à ce qu’elle ne joue pas le premier match et même partiellement le second. Ça lui donnera du rythme pour son retour au Standard.

Dan Santos a hâte de voir arriver des jeunes filles qui performent dans les sélections d’âge pour augmenter encore plus la concurrence / © Val Wagner
En son absence, Marta Estevez a pris ses responsabilités. N’est-ce pas du gâchis de la voir encore au pays?
Marta a les qualités pour passer la frontière. Elle a un bon bagage technique et a pris du volume de jeu. Elle a des ouvertures mais c’est à elle de voir ce qu’elle veut ou pas. C’est son choix et on ne décidera pas pour elle.
Charlotte Schmit, elle, est à Fribourg et s’entraîne tantôt avec les pros tantôt avec les jeunes. Que retenez-vous de son match face à la Géorgie?
Charlotte a 17 ans. Elle suit son chemin. Techniquement, elle répond à l’attente mais physiquement, elle n’est pas encore une adulte. Ce genre de match lui fait franchir un palier. Je ne m’inquiète pas pour elle.
Votre sélection a passé un cap ces derniers mois? Y a-t-il eu un déclic en particulier?
L’année 2021 avec les sévères défaites en et contre l’Autriche (0-5 et 0-8). Ces matchs ont servi à prendre de l’expérience et à savoir où on se situe réellement face à des équipes de très haut niveau. Nous sommes allés en Angleterre où nous avons joué devant 25.000 personnes. Les filles se sont rendu compte du top niveau. Après ça, elles ne pouvaient plus avoir peur de jouer un match. Ça leur a permis d’aborder les matchs plus facilement. Plus sereinement. On avait un problème à ce niveau avant. On prenait un but lors des 5 ou 10 premières minutes. C’est moins le cas désormais. Elles ont pris conscience de leurs qualités et ainsi franchi un cap. Je rappelle que ce n’est que la deuxième campagne.

Charlotte Schmit mûrit au fil de ces rencontres internationales et s’aguerrit face à des filles plus fortes physiquement. / © Val Wagner
Que pouvez-vous nous dire à propos des jeunes générations?
Déjà, dans mon groupe, j’ai des filles comme Charlotte Schmit, Leila Schmit ou encore Ana Barbosa qui sont très jeunes mais qui ont déjà joué des campagnes de qualification U17. Elles ont pris de l’expérience et arrivent chez les A mieux préparées. J’ai la chance de chapeauter toutes les catégories, ce qui me permet de définir une ligne de conduite. Il y a des bonnes joueuses partout. A court ou moyen terme, elles «mangeront» les filles en place. Dans quelques années, il y aura 23 filles compétitives et qu’importe les changements, le niveau ne baissera pas.
Trois quarts des filles du cadre A évoluent encore au pays. Est-ce que l’un de vos objectifs, c’est d’avoir une équipe composée à 100% de filles qui jouent à l’étranger ou est-ce utopique?
C’est réaliste même si le choix leur appartient. Plus il y aura de filles qui jouent à l’étranger, mieux ce sera pour nous. Le mélange actuel n’est pas si mal. On est seulement au début du processus. Quatorze filles sont actuellement à l’étranger. Elles ne réussiront pas toutes mais le jour où il y en aura deux fois plus et que ces filles joueront réellement dans leur club, ça incitera les autres à progresser.
Vous parlez des filles du pays. Le championnat a changé de formule. Le nouveau format est-il un plus pour la sélection?
J’ai insisté pour que l’on réduise le nombre d’équipes. Je ne veux plus voir de 13-0. Ça ne sert à rien. Il fallait rendre cette compétition plus attractive. J’ai vu récemment Ell - Mamer et j’ai repéré une joueuse que je vais certainement convoquer prochainement. Je préfère avoir une fille compétitive au pays qu’une autre de l’étranger qui ne joue pas dans son club.
Parmi les lacunes, il y a notamment un déficit athlétique. Comment fait-on pour remédier à ça? N’est-ce pas avant tout une démarche personnelle que chaque fille doit faire?
Si et je reprends l’exemple de Marta Estevez. Elle a toujours été forte techniquement mais elle a désormais une présence athlétique sur le terrain qu’elle n’avait pas. Elle ne gagnait pas de duels avant. Elle a beaucoup bossé avec Kevin (Rutare), notre préparateur physique qui fait un travail exceptionnel. C’est une démarche personnelle. Toutes les filles ont la possibilité de le faire. Marta est la joueuse qui a le plus progressé dans un court laps de temps.

Lucie Schlimé n’a que 20 ans. La gardienne rassure l’équipe et possède encore une belle marge de progression. / © Val Wagner
L’un des sujets sensibles touche les gardiennes. Ce n’est pas propre au Luxembourg mais c’est criant dans le football féminin. Comment faire pour progresser dans ce domaine?
C’est un problème mondial. Chaque nation phare a une bonne gardienne. Rarement deux. Chez nous, Lucie (Schlimé) n’a que 20 ans. Elle a beaucoup progressé. Elle a fait des erreurs et en commettra encore mais elle rassure dans le but. Derrière elle, Joy Jung est une bonne numéro 2 qui peut jouer sans problème. Emma Goetz est à Fribourg et est prometteuse aussi. Pour les dix prochaines années, on est tranquilles. Et ça travaille beaucoup derrière. Malheureusement les clubs négligent ce poste car ça coûte de l’argent et les candidats entraîneurs ne sont pas assez nombreux.
Les performances de l’équipe masculine ont-elles constitué un déclic chez les filles?
C’est l’exemple à suivre. On essaie, à notre manière, de suivre une évolution parallèle. L’équipe masculine a l’occasion d’aller où elle n’a jamais été. Ça doit être l’objectif des féminines aussi. Gratter quelque chose d’ici dix ans. On est aujourd’hui en Ligue C de la Ligue des Nations. Je n’ai aucun problème à y rester encore quelques années ou de monter puis de redescendre. Il faudra dans un premier temps stabiliser le niveau avant de voir plus haut. C’est une question de temps. Il faut être patient.