Salon de l'agricultureMacron improvise un débat avec des agriculteurs après avoir été hué

RTL Infos
Un comité d'accueil d'agriculteurs a dormi devant le Salon de l'agriculture avant la visite samedi d'Emmanuel Macron en terrain miné, tant la colère se cristallise désormais sur sa personne après la bourde élyséenne autour de l'invitation des Soulèvements de la Terre, collectif écologiste honni de nombreux exploitants.
© AFP

Des heurts ont éclaté samedi matin entre des manifestants et des membres du service d’ordre du Salon de l’agriculture après que des militants des syndicats FNSEA, Jeunes agriculteurs et Coordination rurale ont forcé une grille et fait irruption dans l’enceinte, ont constaté des journalistes de l’AFP.

Des empoignades ont eu lieu entre la sécurité des manifestants portant des signes distinctifs des trois syndicats, au moment où le chef de l’Etat commençait à s’entretenir avec des responsables syndicaux à proximité. Des CRS ont été déployés dans les allées du salon.

Macron improvise un débat

Emmanuel Macron va tenir un débat samedi au Salon de l’agriculture, malgré les vives tensions à son arrivée, avec des agriculteurs et des représentants des différentes organisations syndicales, a annoncé l’Elysée.

Les différents syndicats avec lesquels le président de la République a pris le petit-déjeuner à son arrivée au Salon doivent chacun envoyer une représentation pour ce débat, qui se tient malgré l’annulation du “grand débat” initialement prévu.

Ouverture retardée

Les organisateurs du Salon de l’agriculture ont finalement décidé samedi de “retarder l’ouverture de la 60e édition” de l’événement, sans donner d’horaire, en raison des heurts ayant éclaté dans l’enceinte après l’irruption de centaines de manifestants avant l’ouverture officielle.

Les organisateurs du Salon international de l’agriculture informent que dans le contexte actuel les conditions ne sont pas réunies pour que nous puissions ouvrir les portes aux visiteurs sereinement. La décision est prise de retarder l’ouverture de la 60e édition”, ont-ils indiqué. Le salon aurait dû ouvrir à 9 heures.

Une manifestation de la FNSEA à Paris vendredi 23 février 2024
Une manifestation de la FNSEA à Paris vendredi 23 février 2024
© AFP

Appel au calme

Emmanuel Macron a annoncé samedi depuis le Salon de l’agriculture, où il a été hué à son arrivée, qu’il réunirait dans trois semaines à l’Elysée “l’ensemble des organisations syndicales, l’ensemble des filières agricoles” pour tenter de répondre à la colère des agriculteurs.

Le président a également annoncé devant la presse qu’il voulait reconnaître dans la loi l’agriculture et l’alimentation “comme un intérêt général majeur” de la France et que l’indicateur du coût de production de chaque filière devait “servir de prix plancher”. “Nous lancerons un recensement dans chaque région des exploitations qui sont dans les plus grandes difficultés de trésorerie pour pouvoir les accompagner”, a-t-il encore déclaré.

Emmanuel Macron a appelé à ce que le Salon de l’agriculture “se passe bien, dans le calme”, après des heurts opposant des manifestants et les forces de l’ordre lors de l’ouverture samedi matin.

“C’est un moment de fierté, de reconnaissance et donc il faut que ce salon se passe bien, dans le calme pour l’agriculture française”, a déclaré le chef de l’Etat, constatant également qu’"on ne répondra pas en quelques heures à cette crise agricole”.

Macron attendu

Devant le Salon à Paris, sur l’esplanade où s’est installé le syndicat majoritaire, la FNSEA, la nuit a été calme. Quelques exploitants ont dormi sur la paille, et les mines sont fatiguées. Un groupe d’agriculteurs du syndicat concurrent, la Coordination rurale, est arrivé vers 6H du matin.

Le chef de l’Etat viendra bien inaugurer le Salon de l’agriculture comme les présidents le font d’habitude depuis Jacques Chirac, “mais pas comme tous les ans”, a prévenu vendredi soir le patron du syndicat agricole majoritaire FNSEA Arnaud Rousseau. Sous-entendu, ce ne sera pas une promenade de santé à l’abri des huées et des manifestations de défiance.

“C’est sûr que Macron risque d’être sifflé dans les allées mais il faut qu’on avance, qu’on continue à discuter pour faire aboutir les choses, concrètement”, confie à l’AFP son vice-président, Luc Smessaert, agriculteur dans l’Oise.

Le chef de l’Etat prévoit de rencontrer les responsables de “tous les syndicats agricoles avant l’ouverture officielle” puis “d’aller au contact de tous ceux qui veulent échanger comme je le fais chaque année”, selon un message sur X.

Les présidents français passent généralement des heures, voire la journée entière, au Salon, et les incidents ne sont pas inhabituels. Nicolas Sarkozy avait lancé “Casse-toi, alors, pauvre con!” en 2008 à un homme qui refusait de lui serrer la main. François Hollande s’était fait huer et insulter par des éleveurs en 2016.

Arnaud Rousseau a prévenu le président “qu’avant de défiler et faire des photos, il fallait d’abord annoncer aux paysans ce qu’ils attendaient et qu’ils réclamaient depuis des semaines”, lors d’un discours devant ses troupes de la FNSEA et du syndicat allié Jeunes agriculteurs (JA) dans la soirée devant les portes du salon, porte de Versailles à Paris.

Les manifestants ont copieusement sifflé le nom du président. Sous une pancarte “Manu Tchao!”, Romain Garnier explique: “Si ça ne bouge pas, il faut qu’il parte. Avec ce qu’il nous a donné pour l’instant, c’est tchao.”

Des agriculteurs préparent de la nourriture lors d'un rassemblement près de la porte de Versailles, le 23 février 2024 à Paris
Des agriculteurs préparent de la nourriture lors d’un rassemblement près de la porte de Versailles, le 23 février 2024 à Paris
© AFP

“Franchement”, lâche un cadre de la FNSEA, “on ne maîtrise rien. Ils sont chauds bouillants”. Arnaud Rousseau et son homologue Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination rurale, 2e syndicat agricole français, ont tout de même accepté de voir le président - “s’il peut rentrer”, a ajouté Mme Le Floc’h.

Un policier se tient face à des tracteurs bloquant l'autoroute A6, le 31 janvier 2024 près de Chilly-Mazarin en Essonne
Un policier se tient face à des tracteurs bloquant l’autoroute A6, le 31 janvier 2024 près de Chilly-Mazarin en Essonne
© AFP/Archives

La crise, qui couvait depuis l’automne, a explosé à partir du 18 janvier, menant à deux semaines de blocages d’autoroutes, finalement levés le 1er février. Le Premier ministre Gabriel Attal a fait plusieurs salves d’annonces sur des dizaines de sujets: pesticides, normes, simplifications administratives, aides aux éleveurs ou aux viticulteurs, contrôles dans les grandes surfaces contre la fraude sur l’origine française des produits, nouvelle loi consacrant l’agriculture comme un intérêt fondamental de la nation... Les ONG environnementales dénoncent un recul écologique, notamment sur les pesticides dont l’usage ne sera plus mesuré comme auparavant, mais leur discours contre l’agriculture intensive, tout comme celui du syndicat altermondialiste Confédération paysanne, est peu audible face aux protestations existentielles des agriculteurs.

Ceux-ci ont accepté de débloquer les routes car ils apprécient que leurs revendications commencent à être prises en compte par l’exécutif. Mais ils continuent d’exiger des actes rapides et concrets pour améliorer leurs revenus, et répondre à leur demande de dignité.

Un agriculteur s'occupe d'une vache avant l'ouverture du salon international de l'agriculture, le 23 février 2024 à Paris
Un agriculteur s’occupe d’une vache avant l’ouverture du salon international de l’agriculture, le 23 février 2024 à Paris
© AFP

Les adhérents des syndicats majoritaires, surtout dans les grandes cultures céréalières, ont surtout été furieux d’apprendre que l’Elysée voulait les faire débattre samedi, parmi d’autres ONG, avec le collectif radical des Soulèvements de la Terre, qui s’était illustré en mars 2023 lors d’une journée d’affrontements autour d’un chantier de réservoir artificiel d’eau à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) et que le gouvernement a échoué à dissoudre. “Le président, il nous a fait un énorme bras d’honneur hier alors, ce qu’on attend maintenant c’est qu’il annonce des choses”, a expliqué vendredi Vincent Bouvrain, agriculteur en Seine-et-Marne, dans la manifestation parisienne de la FNSEA.

L’idée d’un grand débat, sur le modèle de ceux organisés au moment de la crise des “gilets jaunes”, a donc tourné court, conduisant à son annulation vendredi soir. Reste à savoir combien de temps Emmanuel Macron ira “au contact” des participants au Salon.

Back to Top
CIM LOGO