
Face à l’ampleur de la catastrophe qui avait dévasté Madère en quelques heures, écologistes et experts pointent du doigt le modèle d’urbanisation accélérée mis en œuvre depuis 30 ans sur l’île au détriment, selon eux, de l’environnement et des règles de sécurité.
“Ce qui est arrivé à Madère est l’exemple même de ce qu’une mauvaise planification urbaine peut entraîner”, estimait alors le président de l’Association portugaise de techniciens de la protection civile (ASPROCIVIL).
Pour cet expert, “la construction d’habitations dans des zones inondables” et l’“imperméabilisation des sols” par le “bétonnage” en particulier de la côte méridionale de l’île, région la plus affectée par les inondations, expliquent en partie l’ampleur des dégâts et du bilan très lourd.
Dans la soirée du 21 février 2010, le décès de 43 personnes a été confirmé. 120 blessés, 248 disparus et 240 sans-abri sont décomptés. Un deuil national de trois jours est décrété dans l’ensemble du Portugal.
“La forte pluviosité n’est pas le seul élément qui explique les conséquences catastrophiques” des intempéries, a également déclaré à l’AFP l’écologiste Helder Spinola, responsable de l’association Quercus Madeira.
“La situation a été aggravée par les erreurs commises en matière d’aménagement du territoire, en particulier au sud”, où se concentre la grande majorité des 250.000 habitants de Madère, avait-t-il affirmé.
Située dans l’océan Atlantique à 500 km au large des côtes marocaines, Madère a connu au cours des quarante dernières années une modernisation spectaculaire grâce une politique de grands travaux, largement financée par l’Europe au titre des régions ultrapériphériques les plus pauvres.
Funchal, la capitale régionale, compte plus de 100.000 habitants et est devenue une destination très prisée des touristes du nord de l’Europe, qui apprécient ses infrastructures ultramodernes et son front de mer bâti d’hôtels de luxe et de complexes touristiques.
Depuis de nombreuses années, les écologistes ont mis en garde contre cette urbanisation à outrance et la “politique du béton” menée par l’ancien président du gouvernement régional, Alberto Joao Jardim. Une situation qui n’a guère changé depuis l’arrivée au pouvoir de son successeur, Miguel Albuquerque, alors maire de Funchal au moment de la tragédie.
Madère, longue de 57 km de long pour 22 de large, est entièrement ceinte d’une quatre-voies rapide et percée de plusieurs dizaines de tunnels, qui lui ont valu d’être ironiquement qualifiée de “gruyère” par certains défenseurs de l’environnement.
Selon les experts, la politique de construction massive de bâtiments, routes et infrastructures près des cours d’eau a provoqué une “imperméabilisation des sols par l’asphalte et le béton, empêchant l’écoulement normal des trois principales rivières qui traversent Madère”. Une situation qui a été depuis lors “normalisée” avec d’importantes constructions en béton afin de canaliser les eaux des montagnes.
Dans ces conditions, face aux pluies diluviennes du 20 février 2010, “ces cours d’eau ont fini par se transformer en de véritables canons à eau emportant ponts et constructions sur leur passage”, commentait alors un élu local.
Les autorités régionale de Madère ont refusé de répondre à la polémique, qualifiée de “ridicule” par le maire de Funchal Miguel Albuquerque, qui a mis en avant “un phénomène météorologique exceptionnel” rappelant que par endroits la pluie avait atteint un “niveau jamais vu de 60 litres d’eau par heure”.
Au cours des quinze dernières années, divers investissements ont été réalisés dans les cours d’eau afin que ce qui s’est passé ne se reproduise plus, et la population se sent aujourd’hui “plus en sécurité” face aux dangers de l’époque.