Macron au bord du gouffre48h de négociations de la dernière chance

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Le président français Emmanuel Macron a donné à Sébastien Lecornu, Premier ministre le plus éphémère de la Ve République, 48 heures pour des négociations de la dernière chance, laissant planer la menace d'une dissolution en cas d'échec.
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Le terrain est au moins glissant, sinon miné, pour le Premier ministre démissionnaire, chargé de dire au chef de l’Etat mercredi soir si un compromis est possible ou non pour ressouder une coalition fissurée, alors que la France est plongée dans une crise politique sans précédent depuis des décennies, aggravant l’impasse née de la dissolution de 2024.

En cas d’échec, le chef de l’Etat “prendra ses responsabilités”, a fait savoir son entourage.

M. Macron, qui a toujours exclu jusqu’à présent l’option d’une démission, semble ainsi faire planer la menace d’une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale. Il a précisé qu’en cas de succès, Sébastien Lecornu ne serait pas automatiquement renommé Premier ministre.

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Dès 09H00 (07H00 GMT), M. Lecornu recevra des chefs de partis et responsables de la coalition gouvernementale et les présidents des deux chambres du Parlement.

Troisième Premier ministre désigné en un an depuis la dissolution de l’Assemblée par M. Macron en juin 2024, M. Lecornu, nommé le 9 septembre et qui devait tenir son premier Conseil des ministres lundi, a remis aux premières heures sa démission au président, qui l’a d’abord formellement acceptée.

Il a regretté “les appétits partisans” ayant conduit à sa démission, lors d’une brève allocution un peu plus tard. Une allusion claire au patron du parti de droite Les Républicains, Bruno Retailleau, qui a précipité la chute du gouvernement quelques heures après avoir accepté d’y rester.

Le ministre de l’Intérieur démissionnaire a assuré lundi soir qu’il ne se sentait “pas du tout” responsable de la crise. La veille, il s’était montré ulcéré par le retour, aux Armées, de l’ex-ministre de l’Economie Bruno Le Maire.

Bruno le Maire
Bruno le Maire
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Selon une source au parti, Bruno Retailleau devrait être absent de la réunion mardi et a exigé une rencontre bilatérale à Sébastien Lecornu. Les contacts se sont poursuivis dans la soirée de lundi.

“Mauvaise série B”

Sébastien Lecornu “peut réussir”, considérait lundi soir un conseiller de l’exécutif, “s’il décroche la suspension de la réforme des retraites par exemple”, une exigence des socialistes.

C’est trop tard (...) Quelle serait sa légitimité pour prendre des engagements” s’il n’est pas reconduit à Matignon?, a demandé lundi Arthur Delaporte, porte-parole du Parti socialiste. Et le député de railler “une mission impossible”, et une “mauvaise série B”.

En cas d’échec, le président français a peu de cartes en main.

Hormis cette mission de la dernière chance, il peut dissoudre une Assemblée divisée en trois blocs (gauche, centre et droite, et extrême droite); démissionner comme le voudrait La France Insoumise (gauche radicale); ou nommer un Premier ministre de gauche comme l’ont de nouveau réclamé lundi écologistes et socialistes. Voire faire appel à une personne sans étiquette à la tête d’un “gouvernement technique”.

La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, qui plaide pour une “solution claire, nette, franche et massive”, continue de plaider pour la démission d’Emmanuel Macron et avait déposé début septembre une motion de destitution, dont la recevabilité doit être examinée mercredi.

Quant au Rassemblement national, il ne trace lui aussi que deux chemins possibles: la dissolution “absolument incontournable”, selon sa cheffe de file Marine Le Pen, et la “démission” d’Emmanuel Macron, qui serait “sage”.

Dans la soirée, le parti d’extrême droite et ses alliés ont fait savoir qu’ils “censureront systématiquement tout gouvernement” jusqu’à la dissolution ou la démission du président.

La dissolution, devenue “incontournable” ?

Le président de la République “prendra ses responsabilités”, selon son entourage, si le Premier ministre démissionnaire échoue à réconcilier une coalition en lambeaux.

Avec cette formule, la menace d’une dissolution de l’Assemblée nationale plane plus que jamais, après celle de juin 2024.

On est au bout du chemin, il faut arrêter. Ministres de droite, ministres de gauche, on arrête, et ce sont les Français qui vont décider”, a lancé Marine Le Pen, pour qui la dissolution est “absolument incontournable”.

Les appels à des élections législatives anticipées sont de plus en plus nombreux, à l’extrême droite mais aussi au sein d’une partie de la droite.

Bruno Retailleau, lui, n’y semble pas favorable: “Il y a d’autres moyens avant d’en arriver là”, a-t-il indiqué, mais c’est le président qui “a les clés”.

Le pari semble néanmoins extrêmement risqué pour Emmanuel Macron, qui avait déjà fait perdre à son camp près d’une centaine de sièges au Palais Bourbon en 2024.

Et la pagaille des dernières heures risque de ne rien arranger... “S’il n’y a pas d’unité du socle commun, c’est un massacre assuré pour le bloc central”, prédit un ancien ministre du camp présidentiel.

Seule certitude: si Emmanuel Macron envisage cette option, il devra au préalable consulter Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, présidents des deux chambres du Parlement.

La démission... ou la destitution ?

Dernière option, la plus spectaculaire, le départ d’Emmanuel Macron. Si le président a toujours assuré qu’il irait jusqu’au bout de son mandat, la pression se fait de plus en plus forte.

Marine Le Pen a estimé qu’elle n’avait pas à “appeler” le président français à démissionner, mais a tout de même jugé vendredi que ce serait une décision “sage”.

Même à droite, quelques appels à la démission se font entendre. “L’intérêt de la France commande qu’Emmanuel Macron programme sa démission”, a écrit sur X le vice-président LR David Lisnard.

Une telle option est surtout réclamée en boucle par La France insoumise.

Il ne reste aujourd’hui que le départ du président de la République, que ce soit par une démission ou une destitution”, a estimé lundi lors d’une conférence de presse le coordinateur du mouvement de gauche radicale, Manuel Bompard.

Les insoumis avaient déposé début septembre une motion de destitution d’Emmanuel Macron, dont la recevabilité sera examinée mercredi par le Bureau de l’Assemblée, sa plus haute instance exécutive. Mais la procédure, complexe, semble vouée à l’échec à ce stade.

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