Image d'illustration / © Unsplash
Les enquêteurs de la police ont présenté vendredi des preuves effrayantes montrant comment un adolescent domicilié à Strassen est passé de la violence infantile à la planification d'attentats terroristes, tout en accumulant des objets nazis et en fabriquant des explosifs dans la maison familiale.
Au cours du troisième jour du procès contre un néonazi, un deuxième enquêteur de la police criminelle a présenté des preuves au tribunal de la ville de Luxembourg, décrivant les activités extrémistes et le manque d'empathie du prévenu.
L'enquêteur a présenté un aperçu chronologique de l'affaire, révélant le mépris apparent de l'accusé pour sa famille et ses amis. Les témoignages comprenaient des preuves concrètes de la planification d'attaques et d'efforts actifs de recrutement pour des groupes extrémistes, en particulier l'organisation néonazie The Base et la brigade éco-fasciste Green Brigade.
L'enquête a été lancée à la suite d'une information fournie par le Service de renseignement de l'État luxembourgeois (SRE), qui a identifié l'accusé comme une menace potentielle. Selon les témoignages, le SRE estimait qu'il possédait à la fois les connaissances techniques et la détermination nécessaires pour mener à bien des attentats à l'explosif, ce qui justifiait une intervention immédiate en raison du "danger imminent".
Ces renseignements ont conduit à une opération d'arrestation à haut risque le 22 février 2020, lorsque la police a intercepté le prévenu et ses parents à leur retour de vacances en Suède à Strassen. Compte tenu des risques potentiels liés aux explosifs, les forces spéciales ont procédé à l'arrestation, une opération que l'enquêteur a reconnu avoir été menée "avec fermeté".
Il convient de noter que les preuves photographiques présentées au tribunal ont montré des réactions contrastées. Le prévenu semblait sûr de lui et souriait après son arrestation, tandis que ses parents affichaient une détresse visible.
"Hautain et arrogant"
L'enquêteur a qualifié le comportement du prévenu, alors âgé de 18 ans, lors de l'interrogatoire de police de "hautain et arrogant", soulignant son refus constant de coopérer. Lorsque les agents lui ont posé des questions sur les dangers potentiels dans son domicile, afin de protéger à la fois les forces de l'ordre et les résidents voisins, l'adolescent a affirmé ne pas se souvenir des détails spécifiques. Il a déclaré avec dédain que la police disposait d'un équipement de protection adéquat pour détecter elle-même les substances dangereuses.
La situation s'est aggravée lorsque les forces spéciales, alors qu'elles fouillaient la propriété, ont transmis au poste de police des images d'une bouteille fumante découverte dans le réfrigérateur.
L'analyse ultérieure a révélé que le récipient contenait un acide à haut degré d'acidité capable de causer des lésions pulmonaires irréversibles. Après un interrogatoire prolongé, le prévenu a finalement admis avoir stocké de la nitroglycérine dans la maison. Les experts en déminage ont immédiatement détruit le composé volatil sur place.
Le Corps grand-ducal d'incendie et de secours (CGDIS) est intervenu pour retirer les matières dangereuses restantes, mais les enquêteurs ont constaté que certaines substances étaient trop dangereuses pour être stockées, même par des professionnels. Une fouille ultérieure de la propriété a permis de découvrir une vaste collection d'objets illégaux, notamment des uniformes de l'époque nazie et de nombreuses armes blanches telles que des couteaux, des sabres et des épées. Tous ces objets de contrebande enfreignaient la législation luxembourgeoise sur les armes et ont été reconnus comme appartenant exclusivement au prévenu.
Le prévenu a mis ses parents en danger avec des explosifs instables
Deux semaines après la première perquisition, la police est revenue au domicile où elle a fait une découverte effrayante : un engin explosif improvisé (EEI) entièrement assemblé dans la chambre du prévenu. La bombe artisanale était constituée d'un tuyau en aluminium recouvert de plâtre et rempli de matériaux pyrotechniques.
L'objectif principal de cette perquisition complémentaire était de localiser d'autres explosifs, sur la base des preuves recueillies lors de la première opération. Les enquêteurs recherchaient spécifiquement du triacétone triperoxyde (TATP) après que le prévenu se soit vanté d'avoir fabriqué ce composé dans des messages adressés à un autre néonazi. Ces affirmations ont été corroborées par des preuves vidéo montrant le prévenu en train de filtrer des liquides à travers un filtre à café afin d'extraire des cristaux explosifs.
Au cours de la perquisition, les agents ont découvert environ 50 grammes de TATP, dont la puissance destructrice équivaut à celle d'une grenade militaire. L'enquêteur a expliqué au tribunal que le prévenu avait tenté de stabiliser (« flegmatiser ») la substance volatile avant son voyage en Suède en la saturant d'huile. Cependant, l'huile s'étant progressivement évaporée au fil du temps, le composé est devenu de plus en plus sec et instable, augmentant considérablement le risque de détonation accidentelle.
Cet explosif instable avait été laissé dans la maison avec le père et la belle-mère du prévenu, qui étaient revenus vivre dans la résidence sans se douter du danger.
Tendances violentes depuis son enfance
L'enquêteur a présenté des preuves suggérant que l'accusé manifestait depuis longtemps un manque d'empathie inquiétant, avec un comportement violent remontant à ses premières années d'école.
Selon les témoignages, il aurait agressé physiquement sa mère lorsqu'il était enfant et, lors d'une réunion avec son enseignante de maternelle au sujet de problèmes de comportement, il aurait menacé de la tuer. Sa mère aurait rejeté cette menace de mort, déclarant: "Mon fils a besoin de s'exprimer".
D'autres révélations ont mis en évidence l'étendue du comportement complaisant de ses parents. Ils ont financé son laboratoire d'explosifs improvisé, qui nécessitait des milliers d'euros en matériel. Le père a même filmé son fils, vêtu d'une tenue militaire, en train de mener des expériences chimiques dans des champs voisins. Alors que l'accusé portait un équipement de protection, son père et ses amis n'en portaient pas, s'exposant ainsi à des fumées dangereuses.
Lors d'un incident particulièrement imprudent, l'accusé a apporté une petite quantité d'explosifs TATP hautement instables à l'école comme « cadeau d'anniversaire » pour un ami, mettant en danger ses camarades de classe et les passagers du bus. L'enquêteur a souligné le risque extrême que représente le transport de matières aussi volatiles.
Les témoignages ont également brossé un tableau du contrôle dominateur exercé par l'accusé sur ses parents. Il a un jour réprimandé publiquement sa mère pour s'être tenue près d'un autre homme dans une file d'attente, invoquant son statut marital. De plus, après avoir souffert d'une intoxication alcoolique lors de sa première année au collège, il a refusé de se soumettre à des évaluations psychologiques au Centre Hospitalier de Luxembourg (CHL), obligeant sa mère à s'y rendre à sa place.
Uniforme nazi à côté d'un sapin de Noël
L'enquêteur a présenté des preuves indiquant que les parents de l'accusé non seulement toléraient, mais soutenaient activement les intérêts extrémistes de leur fils. Une série de photographies présentées au tribunal montrait l'accusé posant dans divers uniformes nazis, images que ses parents ont tenté de justifier en affirmant qu'il se préparait à un stage cinématographique aux États-Unis.
Selon les témoignages, l'accusé avait écrit un scénario intitulé Officer's Duty, qui propageait le faux récit historique selon lequel la Wehrmacht était la victime pendant la Seconde Guerre mondiale. Cependant, l'enquêteur a mis en doute l'explication des parents, soulignant qu'il était peu plausible que tous ses accessoires nazis aient été utilisés uniquement à des fins cinématographiques.
Une photographie particulièrement frappante montrait l'accusé vêtu d'un uniforme nazi à côté d'un sapin de Noël, un décor domestique qui contredisait les affirmations des parents selon lesquelles les uniformes étaient uniquement destinés à un prétendu stage.
Enquêteurs « révoltés » par les messages de l'accusé
L'enquêteur a révélé des preuves troublantes du manque total d'empathie de l'accusé, admettant que même l'équipe d'enquêteurs trouvait ses communications profondément révoltantes. Parmi les éléments présentés au tribunal figurait une vidéo que l'accusé avait partagée en ligne, intitulée "Schindler's List Funniest Moments" (Les moments les plus drôles de La Liste de Schindler), qui mélangeait des scènes de déportations et d'exécutions de Juifs avec la chanson entraînante "I like to Move It" du film pour enfants "Madagascar".
D'autres messages ont révélé des discussions effrayantes entre l'accusé et ses amis, notamment des débats sur l'âge "approprié" auquel un enfant pouvait être tué "comme un adulte" et jusqu'à quel âge les enfants "méritaient" une mort sans douleur.
L'enquêteur a également montré des mèmes représentant l'accusé en uniforme brandissant un couteau de chasse, accompagnés de légendes racistes telles que "À la chasse aux n**ers", "Tuez les n*gs lol" ou encore "Pas de solution politique".
Un Google Doc avec des cibles potentielles
L'enquêteur a présenté des preuves suggérant que le prévenu était non seulement radicalisé, mais qu'il planifiait activement des attentats tout en recrutant et en formant des membres pour deux organisations extrémistes : la Green Brigade, un groupe éco-fasciste, et The Base, un groupe néonazi.
Les communications entre le prévenu et un complice néerlandais ont révélé des discussions détaillées sur le ciblage d'infrastructures critiques. Faisant le parallèle avec les tristement célèbres attentats "Bommeleeër" perpétrés au Luxembourg il y a 40 ans, ils ont identifié les postes de transformation électrique comme des cibles vulnérables, mal gardées mais susceptibles de provoquer des perturbations à grande échelle en cas d'attaque.
Le prévenu aurait estimé que de telles attaques pourraient déclencher la guerre raciale prônée par son idéologie, écrivant à son associé: "Tu dois m'aider, mon frère. Nous devons compiler une liste exhaustive comme celle-ci pour nous et nos frères écolos".
Un document Google Doc collaboratif répertoriant les sites d'attaque potentiels pour la Green Brigade a été découvert, démontrant encore davantage la planification opérationnelle du prévenu. Afin de recruter plus officiellement son contact néerlandais, il a mis l'accent sur l'approche militante du groupe, se vantant: "Nous agissons dans le monde réel".
Prêt à exécuter ses plans avant son arrestation
L'enquêteur a témoigné qu'au cours des mois précédant son arrestation, le prévenu s'était concentré exclusivement sur deux activités: aller à l'école et élaborer ses plans d'attaque. Les autorités affirment qu'il ne fait aucun doute qu'il avait l'intention de commettre des actes de violence. Si elle ne l'avait pas appréhendé, elles pensent qu'il aurait mis ses menaces à exécution.
Les preuves présentées au tribunal ont confirmé l'implication profonde du prévenu dans The Base, y compris sa connaissance des objectifs terroristes du groupe dès le début. Dès son adhésion, il a activement recruté pour la cellule suédoise et a aidé à sélectionner les membres potentiels. Bien que certains efforts de recrutement aient échoué, notamment dans un cas où des rumeurs d'infiltration ont dissuadé les candidats, le prévenu a conservé un haut niveau de confiance au sein de l'organisation.
Un message du coordinateur de la sélection du groupe indiquait : "Ne fais confiance qu'à deux membres de l'UE, et tu es l'un d'entre eux".
D'autres communications ont révélé le rôle opérationnel du prévenu, notamment la distribution de manuels de fabrication de bombes et la fourniture de conseils techniques. Dans un échange, il a donné l'instruction suivante à un autre membre : "Assurez-vous qu'elle explosera".
Lorsqu'on lui a demandé pourquoi, il a répondu de manière pragmatique: "Si ce n'est pas le cas, cela constituerait une mine de preuves pour la police".
L'enquêteur a souligné que les forces de l'ordre ne doutaient pas que le prévenu était en train de passer d'un discours extrémiste à des actions violentes concrètes.
Le procès reprendra la semaine prochaine. La présomption d'innocence reste en vigueur jusqu'à ce qu'un verdict définitif soit rendu.