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La politique du "crime ne paye pas" se fait payante au Luxembourg, comme le montre le tout premier rapport du Bureau de gestion des avoirs (BGA) installé au Kirchberg. Il gère les sommes colossales et tous les biens saisis ou confisqués par la justice aux criminels.
Des comptes bancaires, de l'argent liquide, des biens immobiliers, mais aussi des stupéfiants, des armes, des téléphones portables, des bijoux, des oeuvres d'art et même... des animaux. La liste des biens et actifs saisis par les autorités judiciaires dans le cadre d'affaires pénales est longue. Des affaires qui portent sur le blanchiment, des fraudes, des escroqueries, le trafic de drogues, etc.
Pour mieux lutter contre la délinquance économique, le Luxembourg s'était doté d'une nouvelle loi (celle du 22 juin 2022) pour éviter que le crime ne paie et donc priver les criminels des instruments et des bénéfices de leurs méfaits. Dans ce cadre avait été créé le Bureau de gestion des avoirs (BGA), opérationnel depuis le 1er octobre 2022.
Ce BGA vient de présenter son premier rapport d’activité pour 2022-2023 qui donne à voir les résultats obtenus depuis sa création. Il gère les sommes, créances, actifs virtuels et, sur demande des autorités judiciaires, les autres biens saisis ou confisqués. Cette nouvelle administration est placée sous la tutelle du ministère de la Justice, mais fonctionne de manière indépendante. Dirigée par Michel Turk, elle tourne avec neuf agents (cinq femmes et quatre hommes) et 300.000 euros de budget.
Son premier bilan est plutôt impressionnant. Fin 2023, le BGA gérait pas moins de 762 dossiers et la valeur globale de tous les biens saisis placés sous sa gestion "dépasse le milliard d’euros".
Des comptes avec des millions
Dans le détail, le rapport révèle que le BGA gère 508 millions d'euros déposés sur 1.743 comptes bancaires, la grande majorité avaient été saisis avant le 1er octobre 2022. Sur les 227 comptes saisis en 2023, 23 contenaient entre 100.000 et 500.000 euros et huit comptes affichaient un solde supérieur à 5 millions d'euros !
S'y ajoutent 456 millions d'euros qui se trouvent sur 113 comptes-titres, 40 millions d'euros en créances, 635.000 euros en numéraire et des bitcoins.
En 2023, les recettes générées par le BGA ont contribué au Fonds de lutte contre certaines formes de criminalités (5.325 euros) et au budget de l’État (328.004 euros) et elles ont "vocation à se développer lors des exercices à venir".
Parmi les actifs gérés, sont aussi listés 99 biens immobiliers dont 81 ont été saisis l'an passé. 22 véhicules saisis pour infraction au code de la route ou pour une infraction de droit commun. 881 bijoux saisis entre 2008 et 2023. Et aussi: 133 biens électroniques, 50 oeuvres d'art, 116 outils, 41 stupéfiants et substances médicamenteuses, 324 vêtements, etc.
Exceptés les armes, les stupéfiants et téléphones portables qui sont systématiquement détruits, les autres objets sont vendus aux enchères, une fois que la confiscation des biens a été prononcée. Une partie des sommes perçues est attribuée aux victimes ayant obtenu réparation.
Le BGA a aussi fait détruire de plus de 42 tonnes de véhicules confisqués ou échus à l’État qui étaient accumulés dans les fourrières judiciaires de Sanem et de Colmar-Berg.
Qu'est-ce qui doit changer ?
"Le bilan est positif sur les sommes et titres. La loi nous a attribué leur gestion d'office. Mais pour tous les autres biens on se rend compte que le mécanisme mis en place par la nouvelle loi est un peu trop lourd", explique Michel Turk qui n'en veut pas au législateur puisque le BGA est une institution nouvellement créée de toutes pièces.
Le directeur du BGA propose de "simplifier le système. On pourrait dire que quand un véhicule est saisi, la gestion est confiée d'office au BGA, sans que le magistrat ne prenne de décision. Tout comme la vente d'un bien implique beaucoup de va-et-vient. Je pense qu'on pourrait vraiment alléger les procédures et laisser au BGA la décision de la destruction ou de l'aliénation du bien". Dans son premier rapport d'activité, le BGA suggère un "remaniement profond" de la procédure afin d'atteindre un des buts recherchés par la loi: l'aliénation des biens doit devenir la règle et leur conservation l'exception.
Reste en suspens la question de la gestion des stocks historiques. C'est-à-dire de tous les biens saisis avant l'entrée en vigueur de la loi du 22 juin 2022. "Le volume est tel que les autorités judiciaires sont dépassées" et "le problème ne cesse de prendre de l'ampleur" comme le montre la fourrière judiciaire de Sanem. Certains véhicules y croupissent depuis si longtemps que la trace procédurale "s'est perdue", assure le BGA, prêt à reprendre le flambeau.