Le chercheur et spécialiste en macroéconomie écologique Timothée Parrique était vendredi au Luxembourg à l'occasion du 20e anniversaire du Conseil supérieur pour un développement durable (Nohaltegkeetsrot).

Dans le cadre de cet anniversaire, un débat était organisé vendredi soir sur le thème de la décroissance. Timothée Parrique est l'auteur du livre "Ralentir ou périr: L'économie de la décroissance".

Timothée Parrique est convaincu qu'il n'est pas nécessaire que le PIB augmente en permanence pour ne pas mettre en danger la prospérité. Il propose même de faire exactement le contraire et il explique que le PIB ne mesure pas la prospérité, mais la production de l'économie d'un peuple et qu'il est d'usage que la pauvreté augmente également s'il y a une croissance de l'économie et une augmentation du PIB.

A ses yeux, le Luxembourg est un bon candidat pour rétrograder et réduire la production et la consommation. afin que notre empreinte écologique diminue. Il est toutefois important de planifier démocratiquement ce changement de vitesse, sans oublier la justice sociale et le bien-être:

"Donc, quand on parle de ralentir le rythme économique, il ne faut pas le faire n 'importe comment. Il faut prioriser. Par exemple ne pas fermer les écoles, mais supprimer des biens et des services qui ont un impact écologique plus lourd. On peut avoir les mêmes choix, les mêmes arbitrages en termes de bien-être. Si aujourd'hui, on voulait minimiser les émissions de carbone de cette ville, est-ce qu'on préfèrerait fermer une patinoire ou un hôpital? N'importe qui dirait on ferme la patinoire, parce que l'empreinte bien-être de la patinoire est inférieure à l'empreinte bien-être de l'hôpital."

Une décroissance pour réduire l'empreinte écologique, ne veut toutefois pas forcément dire qu'on enlève quelque chose, il s'agit en partie de changer d'habitudes, selon Timothée Parrique:

"Nous, par exemple, les chercheurs, nous avions l'habitude de beaucoup prendre l'avion pour faire des conférences. Mais nous avons simplifié ces besoins de mobilité en les faisant sur Zoom. Ça fait partie des choses aussi où il y a des changements. Donc la décroissance, il ne faut pas la voir complètement comme juste quelque chose de quantitatif. C'est quelque chose de quantitatif, mais il y a aussi des changements qualitatifs."

Pour le chercheur français, il est cependant évident qu’on ne peut pas constamment inventer de nouvelles solutions sans qu’il ne faille à un moment donné abandonner ses vieilles habitudes:

"Il ne s'agit pas seulement d'innovation, mais aussi d''exnovation'. L'innovation est notre capacité à inventer quelque-chose de neuf, par exemple des voitures électriques. Mais cela ne signifie pas que toutes les voitures sur les routes sont des voitures électriques, pour y parvenir, il faut retirer de la circulation les voitures thermiques."

Le président du Conseil supérieur pour un développement durable, Romain Poulles, considère les thèses de Timothée Parrique comme une alternative très intéressante au modèle actuel. Il est convaincu qu'un grand débat est nécessaire pour sensibiliser chacun. Il ne doit pas forcément s'agir de celui de Timothée Parrique, mais nous avons besoin d'un autre modèle, car l'actuel n'est simplement plus durable:

"L'un des sujets que nous connaissons tous, est celui de notre système de retraite, qui est lié à cette croissance et cela mènera à relativement court terme à un 'mur des retraites' que nous allons nous prendre, comme on l'appelait avant. C'est-à-dire à une situation relativement dramatique, si les responsables politiques ne font pas l'effort nécessaire pour adapter le système."

A l'occasion de son 20e anniversaire, le Conseil publie aussi une série de podcasts intitulée "Ee Planéit, 20 Zukunften" (une planète, 20 futurs). Le premier, avec Anouk Hilger, responsable des énergies renouvelables chez Enovos, est sorti vendredi dernier.