L'édition 2024 des Semaines de la santé mentale, organisées tous les deux ans par la Ligue luxembourgeoise d’hygiène mentale (D’Ligue) et son Centre d’information et de prévention, débute lundi et se concentre sur la santé mentale des jeunes.

La santé mentale des jeunes s'est dégradée au Luxembourg. Le ministère de la Santé confirme cette dégradation en se référant à une étude HSBC, aux recommandations du Conseil scientifique ainsi qu'au rapport annuel de l'Okaju, l'Ombudsman fir Kanner a Jugendlecher.
 
Cet été, des chercheurs tiraient la sonnette d'alarme dans la revue médicale The Lancet: la santé mentale des jeunes et des jeunes adultes s'est considérablement dégradée au cours des 20 dernières années, il est urgent d'agir. Un tableau que les professionnels au Luxembourg peuvent aussi confirmer, selon la psychiatre pour enfants et adolescents et secrétaire de la Société des Psychiatres, Pédopsychiatres et Psychothérapeutes (SLPPP), le docteur Salima Aarab.
 
“Effectivement, l'état, l'état mental des enfants, des adolescents et des jeunes adultes s’est considérablement détérioré au cours des dernières années ou décennies. Nous savons ainsi que, par exemple, la prévalence des troubles mentaux, qui auparavant était toujours autour de 20%, s'élève aujourd'hui à 30%. Nous savons que les dépressions, les troubles de l'anxiété, les troubles du comportement alimentaire ont extrêmement augmenté, particulièrement chez les filles.
 
Le ministère de la Santé indique également que les filles sont plus touchées particulièrement depuis la pandémie. Les données du ministère de la Santé et des Affaires sociales montrent aussi, par exemple, qu'en 2023, il y avait plus de filles que de garçons et plus de femmes que d'hommes qui suivaient une psychothérapie.
 
Jusqu'à 75% des troubles mentaux débutent avant l'âge de 25 ans, selon le docteur Salima Aarab. Ils peuvent dans certains cas avoir une issue fatale, mais aussi un impact négatif sur le parcours scolaire et ensuite le travail, avec les problèmes socio-économiques que cela entraîne.
 
"C'est pourquoi c'est effectivement un signe très, très alarmant que ces problèmes psychologiques, qui constituent bien sûr le gros problème, se manifestent de manière accrue à un jeune âge."
 
La CNEL, la Conférence nationale des élèves du Luxembourg, s'est aussi beaucoup occupée de la santé mentale des jeunes ces derniers temps. Les élèves vont de moins en moins bien, selon la vice-présidente de la CNEL, Laly Chivard, et cela débute à un âge de plus en plus jeune.
 
“Nous ne savons pas si c'est à cause de l'école, ou pas seulement à cause de l'école, mais aussi à cause de la consommation médiatique, de tout ce qui se passe à l'extérieur dans le monde, c'est malheureusement une très grande pression que les jeunes et les élèves ne peuvent pas toujours supporter, car leur avenir est extrêmement flou.”
 
Pour la CNEL, le manque de disponibilité dans les SEPAS, les Services psycho-sociaux et d'accompagnement scolaires, dans les écoles, constitue un problème. 200 psychologues travaillent dans les établissements scolaires luxembourgeois, selon le ministère de l'Education. Les services psychologiques dans les écoles ne peuvent toutefois pas tout couvrir, explique le docteur Salima Aarab. Le problème est aussi que l'offre ambulatoire est limitée, de sorte qu'il n'est pas toujours facile pour les écoles d'aider les élèves à trouver un professionnel. 
 
"Nous voyons aussi qu'il y a beaucoup plus de demandes en général, tant en termes d'hospitalisations, que de traitements ambulatoires, que beaucoup d'enfants, d'adolescents, mais aussi de jeunes adultes n'obtiennent pas la place dont ils ont besoin."
 
Interrogé sur le délai d'attente pour une prise en charge des enfants et des adolescents, le ministère de la Santé précise qu'il n'y a pas de listes d'attente pour des traitements psychothérapeutiques au CHL et aux Hôpitaux Robert Schuman. Le ministère ne dispose pas de données concernant les autres psychothérapeutes et la psychiatrie. 
 
Les raisons pour lesquelles la santé mentale des jeunes s'est détériorée sont diverses, selon le docteur Salima Aarab. En raison du changement social, les familles sont devenues plus petites, les parents doivent travailler davantage et les enfants nouent souvent des liens moins forts. La pandémie de coronavirus a eu un impact négatif, en particulier sur les filles et les jeunes femmes, mais aussi la numérisation.

"Aujourd’hui, l’enfant a accès très tôt à beaucoup d’informations qu’il n’est peut-être pas capable de digérer, dont il ne peut pas discuter, qui ne sont pas filtrées par une personne adulte, qui sait, qui peut parler avec lui."
 
Un autre facteur est le manque de perspectives d'avenir. Le docteur Salima Aarab constate un certain pessimisme chez la jeune génération, notamment à cause du changement climatique et des guerres. En outre, les jeunes ont le sentiment de ne pas être entendus. 
 
"En fin de compte, je crois que la jeunesse n'est pas majoritaire maintenant. Et les enfants n'ont pas non plus le meilleur lobby. Il faut simplement le dire. Et je pense que c’est déjà un point qui est plus négligé, oui. C’est donc effectivement quelque chose dont il faut parler davantage avec les enfants et les jeunes. Ils doivent donc également être davantage impliqués dans l’ensemble du processus démocratique."
 
Le rapport de The Lancet cité plus haut recommande aussi clairement aux responsables politiques de s'attaquer à des problèmes tels que la crise climatique, les réseaux sociaux et les smartphones, mais aussi aux injustices intergénérationnelles et à la crise du logement, afin d'améliorer la santé mentale des jeunes.

Interrogé sur la prise en considération de ces facteurs, le ministère de la Santé indique que l'impact négatif des médias sociaux et des smartphones est pris en compte dans la politique autour de la santé mentale des jeunes. Le ministère n'évoque pas les autres points.