Le procureur du parquet de l'arrondissement de Luxembourg, Georges Oswald, était l'invité de la rédaction de RTL mercredi. Il a été question de l'interdiction de la mendicité à Luxembourg-ville.

La mendicité simple est-elle oui ou non interdite dans le Code pénal? "Il n'est pas possible de répondre à cette question en une phrase", mais le parquet considère que la mendicité simple ne figure plus dans le Code pénal, a déclaré mercredi sur RTL Georges Oswald. En 2008, la loi sur l'immigration a été modifiée sur différents points (notamment l'article 563 du Code pénal) et à cette occasion, le législateur a supprimé par inadvertance un article portant sur la mendicité simple. "Certains disent que l'infraction de mendicité simple n'a pas été supprimée de facto." Au fils des années, de nombreuses questions parlementaires ont été posées à ce sujet et il y a eu de nombreux débats publics et les ministres successifs ont toujours répondu que la référence à la mendicité simple avait été abrogée. Georges Oswald regrette "qu'une incertitude juridique ait été ainsi créée." Depuis 2008, le législateur a déjà eu à plusieurs reprises l'occasion de rectifier cela, mais cela ne s'est pas produit.

Le règlement de police de la Ville de Luxembourg n'a pas de base juridique

Là aussi, il y a des controverses, explique le procureur du parquet de l'arrondissement de Luxembourg. L'article 19 de notre Constitution stipule qu'il ne peut y avoir de sanction sans loi. Dans la hiérarchie, la loi au sens formel du terme précède le règlement de police d'une commune. En outre, il figure dans l'article 37 de la nouvelle Constitution une disposition, qui dit qu'une liberté publique peut seulement être restreinte par une loi. Puisqu'on considère désormais que la mendicité simple n'est plus une infraction dans le code pénal, il n'est pas possible de passer par un règlement de police et de réintroduire la sanction de cette manière, explique Georges Oswald. C'est pourquoi le ministre des Affaires intérieures, Léon Gloden, se base sur un décret de... 1789. Le procureur trouve particulier "qu'il faille se donner autant de mal pour aller chercher dans un décret de 1789 une assise légale." Et "ce décret est également formulé de manière tellement vague qu'il ne l'apporte absolument pas." C'est pourquoi il est douteux que ce règlement de police puisse être utilisé comme argument, s'il doit y avoir un procès.

Qu'est-ce que cela implique pour la mendicité simple dans la rue?

Le ministre des Affaires intérieures a donné instruction aux policiers de poursuivre tous les mendiants "simples" et la Ville de Luxembourg a distribué un dépliant, où il est fait référence à l'article 563 (qui a été modifié), mais les mendiants "simples", qui sont assis dans la rue et demandent de l'argent, ne seraient pas concernés. Mais la police n'a aucune marge discrétionnaire pour dire "nous poursuivons celui-là ou nous ne le poursuivons pas". Théoriquement la police doit verbaliser dans tous les cas. Et il n'appartient pas à un politicien de dire celui-là, vous n'avez pas besoin de le poursuivre, explique le procureur. Il trouve malheureux qu'avec cette action, la police soit chargée de faire la différence entre un mendiant "simple" et un autre, particulièrement parce que le texte ne le précise pas. Il s'agit de lutter contre une "mendicité agressive", qui n'est définie dans aucun texte.

Le parquet a un retard de quelques mois

Les affaires liées à la mendicité, susceptibles d'être sanctionnées par une contravention, seront traitées par le tribunal de police. Au parquet, on constate déjà un retard de plusieurs mois pour les affaires qui sont traitées par le tribunal de police, comme les petites bagarres, les accidents de voiture avec blessés légers, la conduite sous l'emprise de l'alcool, etc. "Et je dois vous dire que si jamais j’avais le luxe de pouvoir dire que nous maîtrisons tous les types de criminalité, ce serait ma dernière priorité de poursuivre de telles affaires", a indiqué Georges Oswald. Après tout, "l’énergie criminelle derrière la mendicité simple est relativement limitée".

Si un cas devait arriver devant le tribunal, de nombreuses questions pratiques se poseraient de toute façon. Il faudrait que la personne soit convoquée au tribunal d'une manière ou d'une autre, alors qu'elle n'a pas de domicile fixe. Un interprète de la police pourrait être nécessaire. Tous les actes devraient être traduits dans la langue que cette personne comprend. De plus les personnes concernées n'ont le plus souvent pas d'argent.

"Le mauvais outil pour parvenir à quelque chose de bien"

A l'origine de l'interdiction de la mendicité, il y a en fait la lutte contre la mendicité organisée. Tout le monde a la même intention, mais modifier le règlement de police serait "le mauvais outil pour parvenir à quelque chose de bien". "C'est comme me mettre une fourche entre les mains pour déblayer la neige", selon le procureur.

Le code pénal établit que le parquet peut poursuivre la mendicité organisée. Alors pourquoi ne s'est-il encore rien passé? Un certain nombre d'enquêtes ont déjà été lancées en ce sens, mais elles sont "extrêmement difficiles, car nous ne pouvons pas les boucler en quelques semaines ou quelques mois", explique Georges Oswald. Ceux qui tirent les ficelles, sont toujours à l'étranger. Il faut mener des surveillances pendant des mois et il ne suffit pas de dire que nous avons des preuves que ces gens arrivent en voiture. Il ne s'agit que d'une pièce du puzzle. Il y a donc un certain nombre d'enquêtes, notamment une de 2021 impliquant des mineurs, mais pour diverses raisons, l'enquête n'a rien donné, selon Georges Oswald.

--> A lire aussi:
- Interdiction de la mendicité à Luxembourg: "Nous nous sentons aussi sanctionnés"
- Luxembourg-ville: L'interdiction de la mendicité est entrée en vigueur lundi