Un jour après l'entrée en vigueur de l'interdiction de la mendicité dans la capitale, comment la mesure est-elle appliquée sur le terrain? Qu'en pensent les concernés?

Depuis lundi, l'interdiction de la mendicité est appliquée par la police à Luxembourg-ville, où toute forme de mendicité est interdite dans la ville haute et à la gare entre 7h00 et 22h00.

Le premier jour d'entrée en vigueur de la mesure, les médias et des activistes étaient présents dans la ville haute pour suivre la police. Mais qu'en est-il le jour d'après, quand le quotidien a repris le dessus? Une journaliste de RTL, Anne Wolff, a été faire un tour dans la capitale et a parlé avec les personnes concernées.

Mardi matin un peu avant 9h00, les boutiques sont encore fermées, des ouvriers communaux nettoient les rues.

Sur le chemin pour se rendre dans la Grand-Rue et l'avenue de la Porte Neuve, Gilles est assis avec sa tasse. Il suppose qu'il est autorisé à être assis ici, que cette rue n'est pas dans le périmètre interdit. En outre, la loi est dirigée contre les bandes organisées, le reste est une question d'interprétation par chaque agent de police.

Pendant la conversation, deux "Streetworker" remontent la rue, Gilles et eux se connaissent déjà. Les deux hommes en veste verte disent à Gilles qu'il se trompe en estimant qu'il est autorisé à être assis là, mais ils ne s'immiscent pas davantage. "Nous ne sommes pas la police".

Les deux hommes veulent rester en dehors des discussions politiques et des débats émotionnels, sinon ils ne pourraient pas faire leur travail. Eux aussi confirment cependant avoir affaire à des bandes organisées. Là, la discussion est plus difficile. Les membres de ces bandes sollicitent les passants avec plus d'agressivité et si on veut parler avec eux, ils font semblant d'être sourds ou muets. Et quelques instants plus tard, on les voit discuter normalement. Maintenant que le marché de Noël est passé, ces bandes ont en grande partie disparu de la capitale. Peut-être aussi à cause du froid, mais il y a toujours des périodes où elles sont moins nombreuses. Il semble que ce soient des Roms qui viennent au Luxembourg pour mendier.

Quelques minutes ont passé, une patrouille de police rentre dans la rue. Les agents s'approchent de Gilles et lui disent qu'il ne peut pas avoir de gobelet devant lui. Normalement il devrait être verbalisé, mais les policiers sont en route pour une autre intervention.

Un procès-verbal pour mendicité: une charge administrative potentiellement importante

Si la police délivre un procès-verbal, elle doit établir l'identité de la personne. Mais si celle-ci n'a pas de papiers d'identité et si elle vient éventuellement de l'étranger, cela peut déjà devenir plus difficile. Il faut alors l'emmener au commissariat afin d'établir son identité. Un traducteur sera peut-être nécessaire et il faudra encore vérifier avec l'étranger si la personne est connue là-bas. Cependant la police doit intervenir pour toutes les formes de mendicité et pas seulement lorsque quelqu'un demande agressivement de l'argent aux passants.

Gilles doit en tout cas ranger son gobelet, mais il peut rester assis. Ce n'est finalement pas interdit. Et s'il reçoit simplement de l'argent de passants, cela passe aussi, tant qu'il ne mendie pas de manière ostentatoire, par exemple avec un gobelet ou une pancarte.

"Nous nous sentons aussi sanctionnés"

Quelques mètres plus loin, près de l'Hamilius, un groupe de jeunes est assis. Si la police arrive, nous enlevons les gobelets, raconte l'un d'eux.

L’interdiction n’a guère de sens à leurs yeux. Ils ne dérangent pas les gens. "Nous sommes assis ici, nous ne faisons rien à personne et si on nous l'interdit maintenant, il est possible que certains commencent à devenir criminels et à voler pour survivre. Mais ce n'est pas non plus la solution", estime Pit, qui vit dans la rue depuis 10 ans.

Ce groupe aussi évoque des bandes organisées, parle de Roms ou de Roumains, là, les termes sont utilisés comme synonymes, même s'il ne s'agit pas de la même chose. Comme le décrivent les jeunes hommes, il semble qu’il y ait deux camps qui ne sont pas disposés à se parler. Les bandes, ce sont ceux qui sont agressifs, raconte Max. Il comprend aussi que les gens soient dérangés. Le jeune homme est visiblement en colère contre la nouvelle interdiction. Il ne sait pas comment il s'en sortira autrement dans la rue. Il est bien hébergé dans une structure la nuit, mais là, il ne se sent pas en sécurité. Cela ne fait pas longtemps que Max vit dans la rue et il veut se tenir à l'écart des problèmes. Il a à présent le sentiment que ses copains et lui sont aussi sanctionnés.