Dans une de ses dernières publications, le Statec évoque un déficit de 12 milliards d'euros dû aux salaires des frontaliers. On vous explique ce que ça signifie.
Est-ce que les frontaliers coûtent de l’argent au Luxembourg ? C’est la question qu’on peut se poser après la publication par le Statec du volet "rémunérations" de la balance des paiements du pays. Celle-ci était très nettement dans le rouge avec 12 milliards d’euros de déficit en 2021. Mais vous allez voir, ce n'est pas très grave et c'est surtout plus subtil.
Des milliards de déficit... mais c'est normal
Avec 46% de frontaliers parmi sa main d'œuvre salariée, le Luxembourg a une économie atypique. Et c'est justement que qui lui confère une balance des paiements largement déficitaire. Car ce déficit estimé en calculant la différence entre:
- les 14 milliards d'euros de salaires versés aux frontaliers qui viennent travailler au Luxembourg
- et les 2 milliards versés aux salariés "sortants", ceux qui vont du Luxembourg vers l'étranger.
Concrètement, pour calculer la balance des paiements, ces 14 milliards d'euros de rémunérations sont comptés comme une "dépense": l'argent "sort" du pays vers les États voisins dont les frontaliers sont originaires. De l'autre, les deux milliards sont comptabilisés comme s'ils "entraient" au Luxembourg depuis l'étranger. Soit donc bien 12 milliards d'euros de déficit.
D'où cette question: les frontaliers ont-ils coûté de l'argent au Luxembourg?
Dans les faits, ce n'est évidemment pas le cas. La balance des paiements a un fonctionnement simple et assez rigide: c'est le calcul de l'argent qui sort et de l'argent qui entre. Surtout, le Statec n'utilise là qu'un des nombreux comptes de la balance des paiements (celui des rémunérations des salariés). Bien que celui-ci soit négatif, ce n'est pas le cas des autres.

© Polina Sushko / Unsplash
Les frontaliers, l'explication de ce déficit méconnu
Utile pour des comparaisons statistiques, l'opération ne rend pas justice à la réalité vécue par les travailleurs. Les milliards d'euros qui entrent et sortent, ce sont les rémunérations des travailleurs, payés en compensation d'une activité salariée.
À lire également - Les résidents gagnent plus que les frontaliers (et on sait pourquoi)
En l'état actuel des choses, il est même logique que le Luxembourg affiche une balance des paiements négatives pour les rémunérations: le nombre de frontaliers entrants dépasse celui des frontaliers sortants.
Aujourd'hui, plus de 220.000 travailleurs frontaliers viennent chaque jour au Luxembourg alors qu'un peu moins 14.000 font le chemin inverse. D'ailleurs, ces derniers sont qualifiés de "sortants" mais ils ne sortent pas vraiment du pays. En fait, ils travaillent en très grande majorité dans les institutions internationales et européennes installées au Grand-Duché. Mais statistiquement, ces employeurs sont comptés comme s'ils étaient à l'étranger.
En 2021, le Luxembourg était classé 3e pays d'Europe pour le montant des rémunérations transfrontalières versées, derrière la Suisse et l’Allemagne.
Sécurité sociale: les frontaliers sont très rentables
Si on s'éloigne des rémunérations pour regarder les cotisations, on voit cette fois que le Luxembourg y gagne.
La participation des frontaliers à la sécurité sociale luxembourgeoise est très "rentable". Chaque année, les cotisations payées par les travailleurs frontaliers dépassent les prestations que le Luxembourg leur verse. En 2021, cela représentait un excédent d'environ 200 millions d'euros.
La situation est donc plutôt positive pour le Luxembourg car pour l'instant, peu de frontaliers sont à la retraite. Mais les dépenses du Luxembourg pourraient évoluer. À plus long terme, le nombre de frontaliers percevant une retraite va s'accroître, ce qui fera augmenter les prestations payées par le Grand-Duché.
À lire également - Frontaliers, voici comment demander votre retraite du Luxembourg
Évidemment, si l'on voulait vraiment évoquer la rentabilité des frontaliers pour le Luxembourg, il y a énormément de critères à aborder. La coût des études, qui repose principalement sur les pays voisins. Les dépenses des frontaliers dans les restaurants et les commerces luxembourgeois...
Bref, vous l’avez compris, côté finance, le "coût" des frontaliers dépend surtout du point de vue que l’on choisit d’adopter.
