Près de deux cents personnes sont rassemblées à proximité de l'Assemblée nationale, à l'appel de la CGT, quelques heures avant que soit débattue dans l'hémicycle une proposition de loi déposée par LFI visant à nationaliser ArcelorMittal France, alors que la direction de l'entreprise basée au Luxembourg avait annoncé en avril un plan social et la suppression de 608 postes.

Le feu des hauts-fourneaux embrase jeudi le Palais Bourbon et ses abords: les députés débattront dans l'après-midi d'une proposition de loi de La France insoumise (LFI) pour nationaliser les activités françaises d'ArcelorMittal en proie à de sévères difficultés.

À l'appel de la CGT, quelque 200 salariés, venus en bus des sites du Nord et de Moselle, ont manifesté dans la matinée sur l'esplanade des Invalides pour soutenir le texte. "La famille Mittal a mis la main sur les deux-tiers de la production de l'acier français et ArcelorMittal est en train de délocaliser la production en Inde, aux Etats-Unis, au Brésil", a dénoncé la députée LFI Aurélie Trouvé qui défendra le texte à partir de 15H00 dans l'hémicycle.

À ses côtés, la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet, balaie les arguments avancés par le gouvernement contre la nationalisation: "On nous dit (que) ça coûte très cher. Dix ans d'aides publiques, c'est la nationalisation d'Arcelor. Donc nous, nous sommes aussi là pour dire que cette politique du carnet de chèques (...) en blanc, il faut arrêter", a dénoncé la leader syndicale.

Fumigènes en mains, des militants CGT ont fait résonner des pétards sur cette place située à proximité de l'Assemblée.
Certains prendront place dans les tribunes, où LFI entend "faire entrer les revendications populaires dans l'hémicycle" à l'occasion de sa journée annuelle réservée à l'examen de ses textes parlementaires, explique à l'AFP la cheffe des députés insoumis Mathilde Panot. Le groupe de gauche considère la nationalisation comme "l'unique solution" pour sauver la filière et ses 15.000 emplois directs.

Objectif: contrer le plan social annoncé en avril et relancer la décarbonation des hauts-fourneaux, faute de quoi l'acier français deviendrait non rentable dès 2030, alerte Aurélie Trouvé. Chiffrée à trois milliards d'euros, la nationalisation rencontre l'opposition du gouvernement.
"Ce n'est pas parce que l'Etat va faire un chèque de 3 milliards (…) que l'on va changer la compétitivité", a affirmé le ministre de l'Economie Roland Lescure mercredi.

Il faut d'abord "se protéger contre les invasions de produits, en l'occurrence venant de Chine", a-t-il ajouté, précisant avoir obtenu de la Commission européenne une enquête sur ce "dumping" et la hausse des droits de douane.
L'espoir des salariés s'est ravivé après l'adoption du texte en commission la semaine dernière grâce aux voix de la gauche, une faible mobilisation du camp gouvernemental et l'abstention du RN.

Obstruction du RN 

"Changer l'actionnaire d'ArcelorMittal France ne changerait en rien les problèmes structurels", a réagi son PDG, Alain Le Grix de la Salle. Mais rien n'assure un vote jeudi. En cause notamment, l'obstruction assumée du groupe de Marine Le Pen et de ses alliés ciottistes, en représailles aux blocages de LFI sur leurs textes ces derniers mois.
Avec quelque 285 amendements déposés, dont 89% par les seuls groupes RN et UDR, les débats pourraient s'éterniser. Et le vote doit pouvoir être organisé avant minuit, heure limite d'examen des textes.

"Aujourd'hui le RN poignarde les travailleurs du groupe Arcelor en bloquant la nationalisation. La ligne Bardella s'avance", a réagi sur X Jean-Luc Mélenchon, faisant référence à une supposée ligne plus libérale incarnée par le numéro 2 du RN. Mais plusieurs responsables du RN ont finalement indiqué que le groupe lepéniste devrait finalement permettre un vote dans les délais en retirant des amendements.

Dernière ligne droite 

Le RN qui capte une large partie du vote ouvrier n'est pas favorable à une nationalisation, et accuse LFI de donner de "faux espoirs" aux travailleurs. Il plaide pour une "golden share", un droit de veto de l'État sur les décisions stratégiques sans gestion directe.

Une proposition "stupide", tranche Aurélie Trouvé, qui estime qu'elle ne relancerait pas les investissements nécessaires à la transition écologique et donc à la survie de la filière. Même en cas d'adoption, le texte aurait peu de chances d'aboutir sans le soutien gouvernemental alors qu'une initiative similaire portée par les communistes a déjà été rejetée fin octobre au Sénat.

Mais syndicats comme mouvements de gauche s'accordent à faire monter la pression politique.
"On est dans la dernière ligne droite. Le plan acier est en train de passer au Parlement européen. Il sera voté le 3 décembre. Donc ça veut dire qu'il faut qu'on tienne la pression jusque là-bas", souligne Gaëtan Lecocq, délégué CGT à Dunkerque.