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Le 21 mars prochain, une association de défense des frontaliers du Luxembourg souhaite bloquer la liaison Micheville, entre Audun-le-Tiche et Belval, pour critiquer la menace de "double imposition" des frontaliers qui devrait se concrétiser cette année.
La liaison Micheville, qui relie la France au Luxembourg, est un axe majeur, souvent saturé aux heures de pointe. C'est dire si son blocage risque de provoquer de sérieuses perturbations pour des milliers de frontaliers. "On va la bloquer le 21 mars, dès 5h30. On doit encore en discuter avec les autorités, mais quoi qu'il en soit, on sera présents" prévient Philippe Manenti.
Contacté par RTL Infos, cet ex-frontalier de 68 ans, qui a travaillé 41 ans au Luxembourg, est le responsable du Comité de défense et d’initiative des frontaliers du Luxembourg (CDIFL). Et, à ce titre, il est déterminé à frapper un grand coup vendredi prochain. Pour deux raisons : la menace de double imposition des frontaliers dès cette année, mais aussi la question de l'indemnisation chômage des mêmes frontaliers, qui serait de nouveau sur la table.
Double imposition : "Les frontaliers vont se faire massacrer"
2025 risque d'être une année charnière pour de nombreux frontaliers. C'est en effet l'année où une hausse d'impôts, plusieurs fois reportée et redoutée, devrait se concrétiser pour ceux qui ont des revenus mixtes, en France et au Luxembourg (les frontaliers n'ayant aucun revenu en France n'étant pas concernés.)
Etienne Effa, directeur des finances publiques de la Moselle, résumait en avril dernier les trois cas de figure qui s'annoncent pour les frontaliers :
- plus les revenus sont élevés côté luxembourgeois, et bas du côté français, plus l'impôt va augmenter,
- la hausse sera moins importante en cas de revenus équilibrés,
- voire n'aura pas ou peu d'impact si les revenus français sont élevés par rapport aux revenus luxembourgeois.
De son côté, Séverine Bergé, directrice du cabinet comptable et fiscaliste Néofisc, affirmait en décembre dernier qu'on peut effectivement parler "d'une double imposition déguisée. Et c'est injuste car le taux d'imposition n'est pas assis sur le revenu réellement perçu, mais dans les deux pays, on va l'asseoir sur un revenu impôts inclus. Vous avez donc un taux plus élevé qu'il ne devrait dans les deux pays, et les impôts sont plus élevés".
"Une chose est sûre, les revenus vont beaucoup jouer. Si ça passe, les frontaliers vont se faire massacrer" résume Philippe Manenti.
Rappelons que tout remonte à la convention fiscale franco-luxembourgeoise signée en 2018. Le texte prévoyait un changement de méthode du calcul de l'impôt en France. Une évolution annoncée comme sans incidence pour les contribuables... Sauf que de nombreux frontaliers avaient eu un constat bien différent sur leurs revenus 2020, avec des hausses atteignant plusieurs centaines voire milliers d'euros sur l'année. Ils avaient finalement été sauvés par une tolérance décidée en dernière minute par le ministère de l'Économie.
Philippe Manenti, dont l'association aide près de 1.000 contribuables par an, se souvient très bien de la stupeur des frontaliers à l'époque, avant que la France ne fasse machine arrière: "En 2021, quand les avis d'imposition sont sortis, il y en a qui ne payaient jusque-là pas d'impôts, et qui se sont mis à devoir payer 800, 1.500, 2.000, 2.500 euros." Et c'est exactement le scénario qui risque de se reproduire en 2025 si on ne fait rien, poursuit-il. "Le message qu'on nous envoie, c'est qu'on a fait des cadeaux jusque-là aux frontaliers, et que désormais, il va falloir se taire et payer." D'où son appel à mobilisation le 21 mars prochain, qu'il espère très suivi.
 
                    Emprunter la liaison Micheville risque d'être très difficile, voire impossible, le 21 mars prochain. / © Archives RTL
Chômage : "La France revient à la charge"
"Ouf"! C'est le cri de soulagement que de nombreux frontaliers ont dû pousser en décembre dernier, lorsque la menace d'une réduction des indemnités chômage pour les frontaliers français du Luxembourg s'est évanouie.
Pour rappel, en novembre dernier, on apprenait la nouvelle d'une indemnisation chômage revue à la baisse de manière drastique. La négociation entre patronat et syndicats prévoyait en effet d'appliquer un coefficient réducteur des indemnités chômage des frontaliers pour prendre en compte la différence de niveau de vie entre le pays de travail et la France. En clair, l'idée était d'indemniser les frontaliers sur la base du salaire moyen français et non sur la base du salaire réellement perçu. Pour les chômeurs qui avaient travaillé et cotisé au Luxembourg, où les salaires sont généralement bien plus élevé, la pilule était forcément difficile à avaler.
Mais en décembre, la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a finalement pris la décision de ne pas appliquer cette mesure. Hélas, "Ce sujet n'est pas réglé, la France revient à la charge encore une fois, constate Philippe Manenti. J'ai lu dernièrement un article de la ministre du Travail français qui dit qu'il n'est pas question de stigmatiser les frontaliers... et quelques lignes plus tard, elle fracasse les frontaliers, en disant qu'ils sont en train de regarder pour sortir un décret pour que le frontalier soit indemnisé sur base d'un salaire français, pour travail équivalent. Donc ça, encore une fois, ce n'est pas possible. Pourquoi? Parce qu'il y a deux deux jugements de la Cour européenne de justice, qui sont très clairs, et qui disent qu'on doit être indemnisé sur base du salaire réel. Donc encore une fois, on stigmatise les frontaliers."
Et d'ajouter : "L'Unedic dit que les frontaliers coûtent 11 milliards depuis 2011. Je leur répond que ok, mais combien les frontaliers ramènent-ils à la France? Car l'argent qu'ils gagnent est quand même dépensé dans les régions frontalières, il permet de faire vivre ces régions. Donc c'est là que ça commence à me chauffer les oreilles, car on nous parle d'Europe, d'Europe, et d'Europe, mais on voit bien que dès qu'il s'agit de fric, il n'y a plus personne. Qu'est ce qui empêche la France et le Luxembourg de se mettre autour d'une table, et de régler ce sujet, une fois pour toute ?"
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