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De nombreux frontaliers seront confrontés à une hausse d'impôt en France. Oui, vous avez bien lu. On vous explique tout de suite de quoi il retourne.
Il y a du changement pour les frontaliers français. Sur décision de Bercy, le ministère de l'Économie français, certains vont subir une hausse d'impôt sur les revenus gagnés cette année 2024.
Tout remonte à la convention fiscale franco-luxembourgeoise signée en 2018. Le texte prévoyait un changement de méthode du calcul de l'impôt en France. Une évolution annoncée comme sans incidence pour les contribuables... Sauf que les conséquences sont en fait bien réelles.
De nombreux frontaliers en avaient eu un aperçu durant sur leurs revenus 2020, avec des hausses atteignant plusieurs centaines voire milliers d'euros sur l'année. Ils avaient finalement été sauvés par une tolérance décidée en dernière minute par le ministère de l'Économie.
Après avoir opté pour une solution temporaire durant quatre ans, la France applique finalement une nouvelle méthode de calcul sur la double imposition.
Avec celle-ci, les impôts des frontaliers qui ont des revenus en France ET au Luxembourg vont augmenter. Et la question de la situation personnelle n'entre pas en ligne de compte: qu'il soit en couple ou célibataire, du moment qu'il a des revenus des deux côtés de la frontière, un frontalier sera concerné. Un résident luxembourgeois aussi donc.
Ça bouge pour les revenus 2024
Après quatre années, c'est cette solution temporaire, cette tolérance, qui prend fin. Après une "une nouvelle et dernière prorogation" pour les revenus de 2023, déclarés cette année (depuis ce 11 avril 2024), la nouvelle méthode de calcul va provoquer une hausse d'impôt sur les revenus 2024, qui seront donc déclarés en 2025.
Concrètement, les impôts ne vont pas augmenter côté luxembourgeois, mais côté français. Dans son annonce, Bercy joue sur les mots, assurant que "ce changement doit permettre, sans alourdir l’impôt afférent à ces revenus luxembourgeois imposables exclusivement au Luxembourg, de les prendre en compte pour l’application de la progressivité de l’impôt à la taxation des autres revenus, afin d’en assurer le plein effet dans une logique de justice fiscale".
Traduction: les impôts payés au Luxembourg vont agir sur la progressivité de l'impôt côté français. Donc l'impôt à payer va augmenter.
Trois cas de figure s'annoncent pour les frontaliers, nous explique Etienne Effa, directeur des finances publiques de la Moselle:
- plus les revenus sont élevés côté luxembourgeois, et bas du côté français, plus l'impôt va augmenter,
- la hausse sera moins importante en cas de revenus équilibrés,
- voire n'aura pas ou peu d'impact si les revenus français sont élevés par rapport aux revenus luxembourgeois.
Concernant les frontaliers n'ayant aucun revenu en France, pas de problème: ils ne sont pas concernés.
Quelle solution pour les frontaliers français concernés?
Etienne effa, directeur des impôts en Moselle, conseille aux frontaliers d'aller modifier leur prélèvement à la source pour anticiper la hausse d'impôt. / © Fiora Garenzi / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Etienne Effa est soulagé de cette communication ministérielle un an en amont: "il était important de prévenir en avance". Car les frontaliers concernés peuvent déjà anticiper la hausse d'impôt: "Le prélèvement à la source peut être adapté sur leur compte en ligne, sur le site des impôts. L'Administration peut proposer une estimation du nouveau prélèvement."
À défaut, le rattrapage sera calculé sur l'avis d'impôt qui arrivera à l'automne 2025, puisque les revenus de 2024 seront déclarés l'an prochain.
Pourquoi cette hausse des impôts ?
Comme le rappelle Etienne Effa, ce surplus d'impôt vient rattraper une injustice fiscale. Car avec l'ancienne méthode, à revenu égal, un frontalier déclare moins de revenus et donc paie moins d'impôt que son voisin qui n'a des revenus qu'en France.
La convention franco-luxembourgeoise de 2018, qui a aussi réglementé le télétravail, a permis à la France d'uniformiser cette situation pour rendre les frontaliers et leurs voisins égaux face à l'impôt.
C'est une "logique de justice fiscale" défend la députée de la majorité présidentielle Isabelle Rauch (Moselle). Mais qui ne manque pas de faire réagir les frontaliers, à qui l'on avait promis un impact "neutre" lors du vote en 2018. Même avec la méthode du crédit d'impôt proposé par la France, les frontaliers gardent cette impression d'être taxé sur de l'argent qu'ils n'ont pas touché. "Cette règle prévue par la France est conforme au droit fiscal international, identique à celle pratiquée au Luxembourg et dans l’intégralité des pays de l’OCDE" justifie le camp d'Emmanuel Macron.
Une étude d'impact avait été commandée par le ministère de l'Économie en France mais les résultats n'ont jamais été diffusés. D'ailleurs, le Parlement ne l'a "toujours pas entre ses mains" dénonce la députée de Meurthe-et-Moselle Martine Etienne (LFI). Son camp milite pour un maintien de l'ancien calcul, plus avantageux pour les frontaliers.
À ce stade, l'effet précis sur les frontaliers est donc inconnu. Une piste toutefois se dégage: en 2020, l'administration d'Etienne Effa avait recensé 50.000 foyers mosellans ayant des revenus au Luxembourg. Sur ces 50.000, environ 9.000 avaient demandé un dégrèvement de revenu cette année-là. Soit pour profiter de la tolérance temporaire mise en place, soit pour d'autres raisons personnelles.
Plus que la forme, c'est le résultat qui compte. Et pour certains frontaliers, cela signifie une hausse d'impôt dont il faudra s'acquitter.