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Le marché des cryptomonnaies a engrangé d'importants profits en 2024. Entre un prix symbolique de 100.000$ pour un bitcoin et Donald Trump en agitateur du marché, RTL Infos a rencontré deux experts du secteur pour comprendre l'intérêt revenu ces derniers mois.
Fin 2024, la valeur d'un bitcoin a dépassé pour la première fois les 100.000 dollars. Une somme folle qui a remis cette cryptomonnaie, la plus importante du marché à ce jour, sur le devant de la scène.
À la tête de Meria, une société de Metz spécialisée dans la cryptomonnaie, Owen Simonin et Thibaut Boutrou travaillent dans ce secteur depuis 2017. Fondateur et cofondateur de l'entreprise, ils comptent plus de 120.000 clients et plus de 250 millions d'euros sous gestion. Nous les avions rencontrés courant 2022. Une éternité dans le monde des cryptomonnaies. Pour RTL Infos, ils répondent aux questions qui reviennent le plus sur le sujet.
2024, année charnière qui a fait exploser le cours du bitcoin
Après de longs mois de désintérêt pour les cryptomonnaies, 2024 a marqué le retour des liquidités. Des milliards de dollars d'investissements se sont déversés dans le secteur et ont permis d'enclencher un "Bull Run", le fameux marché haussier attendu par le secteur.
"Au cours de l'année 2024, trois événements ont tiré le marché des cryptomonnaies à la hausse : l'acceptation de plusieurs ETF Spot Bitcoin, dont un porté par BlackRock, un des plus grands gestionnaires de fonds au monde. Mais aussi le "halving", qui rend la création de bitcoins plus rares. Et finalement, la victoire de Donald Trump, qui s'est présenté comme candidat pro-crypto, à l'élection présidentielle en novembre 2024" résume Thibaut Boutrou, le directeur des opérations de Meria.
Sur ce dernier point, le nouveau président des États-Unis a fait beaucoup de promesses. "Il a mis beaucoup de choses en place qui lui ont valu le statut de président "pro-crypto". Le moment où il a été élu a été interprété par le marché comme l'ouverture à venir des vannes." Reste à savoir s'il s'agissait uniquement de promesses électorales ou si Donald Trump va tenir sa parole.
Bitcoin et cryptomonnaies, quels sont les risques ?
Longtemps considéré comme un "Far West" propice aux arnaques, la cryptomonnaie est de plus en plus régulée. Notamment en Europe, dont les pays partagent aujourd'hui un règlement commun qui encadre le marché et les entreprises qui en font partie. "Dire que c'est le Far West, d'un point de vue de régulation, ce n'est pas du tout le cas. Encore moins en Europe, et encore moins en France, où la régulation est terriblement stricte, et sur certains points plus complexes que la régulation bancaire" assure Owen Simonin, dont la société est enregistrée auprès de l'Autorité des marchés financiers en France.
"Parler de Far West aujourd'hui, ça n'a plus trop de sens car on a beaucoup d'obligations, de réglementations qui sont sensiblement similaires à ce qu'on va trouver sur les établissements bancaires" confirme Thibaut Boutrou.
Sans être le "Far West" qu'il a été, le marché des cryptomonnaies reste un secteur volatile, donc à risque. "Il y a évidemment des choses qui sont nouvelles et pas encore régulées" reconnaît Owen Simonin.
Mais le monde de la cryptomonnaie n'est pas avare en paradoxes. Tandis que des acteurs financiers importants, comme les grands gestionnaires de fonds, sont présents, d'autres projets beaucoup moins solides ont le vent en poupe. Notamment le memecoins, ces cryptomonnaies qui, comme des étoiles filantes, vont apparaître quelques instants et générer de très gros revenus pour leur créateur, avant de s'effondrer, laissant les investisseurs avec un mauvais timing dans le rouge.
Deux jours avant de prêter serment et de devenir une nouvelle fois président des États-Unis, Donald Trump a secoué le marché en lançant son propre memecoin. Un actif risqué dont la seule utilité est surtout d'enrichir le nouvel occupant de la Maison-Blanche. Au 22 janvier, la capitalisation de cette cryptomonnaie "trumpienne" dépassait les 8 milliards de dollars. En conférence de presse, le président a ensuite admis ne "pas savoir où elle en était" et "ne pas savoir grand-chose" sur l'évolution de sa propre cryptomonnaie. En novembre, il avait déjà offert à Elon Musk un "département" dans son administration, dont le nom fait en réalité référence à une cryptomonnaie chère au directeur de Tesla. Le cours de la fameuse cryptomonnaie avait ensuite bondi de manière fulgurante.
À l'instar d'un investissement en bourse, ou sur d'autres marchés volatiles, ce marché d'actifs reste considéré comme "à risque". "J'aime bien dire que l'argent rapide existe uniquement car vous pouvez perdre cet argent très rapidement. En revanche, l'argent magique n'existe pas. Surtout pas en cryptomonnaies" rappelle le patron de l'entreprise messine. "À partir du moment où il y a un rendement, il y a un risque."
"Les risques sont principalement liés à la volatilité" détaille Thibaut Boutrou. "On entre dans une phase de "discovery" (de découverte des prix, après avoir battu un record, ndlr), donc on va avoir beaucoup de volatilité. Des journées vont faire +10%, d'autres -10%. Il faut être capable de l'accepter et de l'encaisser."
Dans ce secteur potentiellement très rentable, un des adages les plus courants est d'ailleurs de n'investir que ce que l'on est prêt à perdre.
"Aujourd'hui, il y a des milliers de cryptos. Seront-elles toutes là dans deux ou dix ans ? La réponse est clairement non" tranche Thibaut Boutrou. "C'est un peu le parallèle avec Internet. Ceux qui sont arrivés aux débuts des années 2000 avaient raison sur la technologie, mais ce n'est pas forcément les sociétés de cette époque qui étaient encore là en 2010 puis en 2020. Et donc en cryptomonnaie, ce n'est pas parce qu'on est au bon endroit que forcément, on aura investi sur la bonne crypto."
Quelques conseils à retenir
Le directeur de Meria est aussi l'un des principaux vulgarisateurs du milieu en France. Sa chaîne Youtube, baptisée Hasheur, attire plus de 720.000 abonnés. La protection des investisseurs et l'analyse de l'actu' du milieu sont d'ailleurs ses thèmes récurrents.
"Nous sommes actuellement en phase de "découverte" du prix. C'est-à-dire qu'on ne connaît pas la limite de valeur que le bitcoin peut atteindre" explique Owen Simonin. Puisqu'il ne "possède pas de boule de cristal", comme il le rappelle dans ses vidéos, il s'en tient donc à quelques principes simples. "Les arbres ne montent pas jusqu'au ciel." Face à l'euphorie des prix qui montent, "certains pensent que ça va durer éternellement, encore et encore. Mais il y a des moments où il faut sécuriser ses positions, prendre des profits."
"On peut commencer en cryptomonnaies avec de petites sommes. 10€. 20€. 50€." Plus que votre argent, "Hasheur" conseille surtout d'y consacrer du temps. "La première chose que vous devez investir, si vous vous lancez, c'est investir de votre temps. Achetez-vous une première expérience avec des tout petits montants. Vous obtiendrez des leçons qui ont beaucoup de valeur."
Et bien sûr, il y a les éventuelles arnaques. "Il ne faut surtout pas aller dans la précipitation. Il y a une multiplicité des arnaques, qui sont de plus en plus sophistiquées" rappelle Thibaut Boutrou. Mais il rassure : "les codes sont les mêmes. Quand on vous propose quelque chose qui est trop beau pour être vrai, c'est que c'est trop beau pour être vrai."
Meria a d'ailleurs édité un guide sur les bonnes résolutions à prendre.
"Les arbres ne montent pas jusqu'au ciel"
Dans un marché qualifié de cyclique, rythmé par de longues phases de baisses, de stagnations, et d'envolées spectaculaires, la volatilité du bitcoin laisse espérer le meilleur pour les prochains mois.
"La hausse d'aujourd'hui a vraiment touché bitcoin, il a déjà affiché de gros records, mais le reste du marché n'a pas revécu ses moments forts." Certains y voient le signe d'un marché un peu moins fou. D'autres, l'annonce d'une année 2025 potentiellement lucratives. Ce qui fait oublier qu'en seulement deux ans, la valeur d'un bitcoin est passé de 16.000 à 100.000 dollars. Et c'est déjà exceptionnel.
Après l'année charnière qu'a été 2024, 2025 est espérée comme une année propice. Avec quelques interrogations. "Il faut faire attention à toutes les projections. Certains annoncent un bitcoin à 150.000, 300.000 voire un million de dollars. Mais on ne sait pas quand le sommet de marché va arriver" souligne Thibaut Boutrou. Selon lui, il faut donc voir à long terme : plus l'échelle de temps est longue, plus des "confirmations" sur la démocratisation des cryptomonnaies et leur régulation apparaissent. "Donc on prend aussi moins de risques aujourd'hui qu'en étant rentré (sur le marché, ndlr) il y a quelques années."
Alors que le bitcoin a pris beaucoup de valeur, jusqu'à atteindre pour la première fois les 100.000$ en fin d'année 2024, la possibilité de faire des profits attire néanmoins les nouveaux investisseurs. Un phénomène similaire s'était produit lorsque sa valeur avait explosé en 2017 puis en 2021. Avant, à chaque fois, de redescendre un peu plus tard. La hausse étant déjà bien entamée, le moment est-il passé ?
"J'aimerais vous dire que c'est nouveau, que c'est la première fois qu'on a ce raisonnement" sourit Owen Simonin. Après une longue traversée du désert, "l'intérêt revient quand elles sont hautes" alors que "le vrai bon moment, c'était en 2022-2023, quand les cours s'effondraient." Plutôt que de réaliser des profits éclairs, la meilleure stratégie revient alors de miser sur la patience : "c'est sur le long terme qu'on fait la différence."