Dans cette série gastronomique, on s'invite à une table remarquable du Luxembourg ou de la Grande Région afin d'évoquer l'histoire du chef ou des lieux. Ce dixième épisode nous emmène à OiO - Osteria con Cucina, dans le quartier de Clausen à Luxembourg-ville, à la rencontre de Leonardo De Paoli.
"Quand on se souvient de quelque chose, on se souvient toujours des moments les plus beaux. Et pour moi, le souvenir, ça passe par le goût." Installé depuis plus de deux ans sur les bords de l’Alzette à Clausen, dans la capitale luxembourgeoise, Leonardo De Paoli, 33 ans, chef du restaurant l'OiO (Osteria con Cucina), a très certainement cultivé son goût pour la cuisine dans celle de la maison familiale, à Vérone. "On avait une grande cheminée dans la cuisine, c'était le cœur de la maison" raconte-t-il. "Il y avait toujours quelque chose qui mijotait. Mes parents ne regardaient pas trop la télévision. Comme dans toutes les familles italiennes, la nourriture était vraiment quelque chose de très important. On cuisinait tous ensemble et on mangeait tous ensemble."
Jeune adolescent, Leonardo révisait néanmoins souvent ses exercices de latin et de mathématique près du feu. Car s'il avait le goût de la cuisine, il se destinait d'abord à une carrière dans le business. Un parcours contre-nature? Sans doute. "Après une année d'études en économie à Milan, je me suis dit que ce n'était pas une vie pour moi. Je ne pouvais pas passer mes journées derrière un ordinateur. Je voulais travailler avec mes mains".
Né d'un père italien et d'une mère américaine, fils unique, il a alors intégré l'école ALMA de Parme dirigée par le célèbre chef italien Gualtiero Marchesi, après s'être fait la main dans un petit restaurant de Vérone. Pour apprendre vite et bien, il a ensuite visé des cuisines étoilées en Italie, à Paris, aux États-Unis et même au Luxembourg, où il a fait deux piges chez Mosconi, dès ses 24 ans. "Je viens d'une ville assez provinciale. C'est peut-être pour cela que j'ai toujours rêvé de découvrir d'autres pays, avec une certaine ouverture d'esprit" explique-t-il. "Et puis, au Luxembourg, Mosconi était le seul restaurant deux étoiles à faire de la cuisine italienne en dehors de l'Italie. Et faire de la cuisine italienne à l'étranger, c'est toujours très différent de ce qu'on fait chez nous."
De chef privé pour un homme fortuné, à Mosconi au Luxembourg
Sa parenthèse américaine à New York, qui a duré un an, fut brève mais formatrice. À 26 ans, il s'est retrouvé sous-chef dans un restaurant, avec 18 personnes à gérer: "je n'étais pas prêt à ça" reconnait-il. "On faisait de la cuisine mexicaine, je n'y comprenais rien!" Puis, il a enfilé le tablier de chef privé chez un homme fortuné, dans les Hamptons. "J'avais carte blanche. Il aimait mon approche de la cuisine, ma quête des produits frais. Cela m'a appris à être toujours prêt car il pouvait m'appeler à 18h pour me dire qu'il rappliquait avec 10 personnes, dans la demi-heure" explique-t-il. "C'est chouette à vivre mais ce n'était pas vraiment mon métier. Cela m'ennuyait un peu."
Pas le temps pour lui de s'ennuyer à Clausen depuis qu'il gère son propre restaurant, lequel s'est vite fait remarquer par les guides gastronomiques. Fin 2021, Gault&Millau Luxembourg l'a par exemple nommé restaurant méditerranéen de l’année. Sa cuisine aujourd'hui, c'est celle qui rappelle tous les plats qu'il a pu déguster durant son enfance en Italie, basés sur de "bons produits", "sélectionnés avec soin", parfois des produits "de luxe" mais "cuisiné avec simplicité". "Ce n'est pas mon style de mélanger les influences. Ma réflexion, c'est plutôt de me demander ce que je peux enlever dans mon plat. Je ne veux mettre que trois ou quatre éléments dans mes assiettes."
Quand on lui demande quels sont les plats signatures de la maison, il nous parle de ses Tortelli à l'ossobuco à la Milanaise, "traditionnelles". En cinq minutes, c'est servi. "Parfois, je me dis qu'il faut que je les remplace par quelque chose d'autres, mais les gens les aiment bien... C'est emblématique de la cuisine du nord de l'Italie." Il évoque aussi ses raviolis au jaune d'oeuf coulant. "Je n'ai rien inventé. C'est une recette récupérée d'un grand chef d'Imola, Nino Bergese. En fonction des saisons, je change la sauce et les ingrédients."
Pas de pizza à l'OiO - "pizzaïolo, c'est un autre métier, il faut avoir l'humilité de le reconnaitre" - mais Leonardo ne s'interdit pas de préparer des plats populaires qu'on lie immédiatement à la cuisine de la Grande Botte, comme la carbonara. "On a déjà associé nos ravioli à une crème de pecorino, poivre, avec du guanciale. D'une certaine façon, c'était une carbonara" répond-t-il. "Le plus important" argue-t-il en guise de conclusion, "c'est de reconnaître ce qu'on mange."
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