Dans cette série gastronomique, on s'invite à une table remarquable du Luxembourg ou de la Grande Région afin d'évoquer l'histoire du chef ou des lieux. Ce neuvième épisode nous emmène à Ma langue sourit, à Moutfort, seul restaurant deux étoiles Michelin du pays, tenu par le chef Cyril Molard.

Cyril Molard est de ces chefs qui donnerait envie de cuisiner au plus mauvais des gargouillots. Arrivé au Luxembourg à la fin des années 90, ce Vosgien de 52 ans, chef du restaurant Ma langue sourit à Moutfort, peut parler de son métier pendant des heures avec la flamme d'un jeunot, la voix posée. "J'avoue être aujourd'hui un chef un peu fatigué" concède t-il. Et pourtant, ça ne se voit pas forcément. Il est aujourd'hui l'un des chefs les plus reconnus du Luxembourg, et sa réputation dépasse les frontières du pays.

Son restaurant, qu'il a ouvert en 2008 après des expériences à La Lorraine et à l'hôtel Le Royal à Luxembourg-ville, compte deux étoiles Michelin depuis 2018. Le guide Gault&Millau, pour sa part, lui a attribué la note de 18,5/20 et l'a également récompensé à plusieurs reprises, le nommant deux fois chef de l'année (2014, 2020) et même chef de la décennie. Au niveau des distinctions, on ne trouve pas mieux au pays.

LE DOUTE ET LA SOIF D'APPRENDRE

L'homme refuse pour autant qu'on le considère comme un génie de la cuisine. "Je suis un autodidacte. Mais j'ai eu un chef qui m'a beaucoup porté et qui me porte encore toujours, alors qu'il n'a jamais été cuisinier." Cyril Molard fait ainsi référence à Guy Krenzer, chef chez Lenôtre à Paris. "Un des rares qui possède deux cols bleu-blanc-rouge, c'est-à-dire un titre de Meilleur ouvrier de France en cuisine et un en charcuterie. C'est un gars qui a appris à observer, écouter, répéter et c'est comme ça qu'il a vachement progressé." Une recette que le chef de Ma langue sourit s'est lui-même appliquée.

Et s'il savait que le chemin vers la réussite allait être "plus dur" pour lui que pour les autres, cela a par moment présenté des avantages. "Un autodidacte qui s'affranchit des règles va souvent un peu plus vite, il a un horizon un peu plus ouvert" affirme t-il. "J'avais vraiment soif d'apprendre. Je crois que je l'ai toujours."

Titulaire d'un brevet professionnel en charcuterie obtenu à Nancy au CEPAL (le Centre de Formation Chambre de Métiers Grand Est), Cyril Molard a fait ses armes en tant que chef de partie puis sous-chef, dans les cuisines de Lapérouse à Paris, de Claridges à Londres, du Flocon de Sel à Megève et du Moulin de Lourmarin.

Sur un terrain de foot, sport qui le faisait rêver à l'adolescence, il se placerait sans doute plus au poste de milieu relayeur qu'à celui de numéro 10. Il se qualifie de "besogneux", on le qualifiera de (très) travailleur."Je n'ai jamais compté mes heures, que ce soit chez mes parents dans notre charcuterie, ou dans les restaurants par lesquels je suis passés" répète t-il.

À l'aube de la trentaine, Cyril Molard a donc eu l'envie, avec sa femme qu'il a rencontrée à La Lorraine, d'ouvrir son propre restaurant. Le couple a jeté son dévolu sur "La Cheminée" à Moutfort. "Ouvrir Ma langue sourit, c'était un saut dans le vide, un risque un peu inconscient" se souvient-il. "J'ai continué à progresser en même temps que mon restaurant."

Aujourd'hui encore, il dit continuer à apprendre. "Il y a quelques génies en cuisine. Mais la plupart des chefs qui ont réussi et qui continuent d'avancer, ce sont des chefs qui ne sont jamais sûr d'eux. Et ça, ça me porte toujours. Je ne suis jamais sûr de faire assez bien."

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