Nos voitures deviennent grosses, laides et se ressemblent de plus en plus. Aujourd’hui il est difficile de différencier un SUV d'un autre. Qu'est-ce qui a causé un tel changement ?

Toujours plus gros, toujours plus haut, toujours plus moche ! Le design des voitures modernes fait l’objet de controverses. Trois grands facteurs sont à l'origine de cette évolution: le style minimaliste, le profit maximal recherché par les constructeurs et la mode des SUV. Regardons les choses dans le détail.

Le minimalisme

Comme tout objet culturel il s’inspire de son époque. Pendant son âge d’or, dans les années 1950-1960, les constructeurs voulaient marquer les esprits.

Les Américains, par exemple, s’imprégnaient de l’ère de la conquête spatiale. Les véhicules  étaient des symboles, des vitrines de technologie et surtout de style. L’objectif commun était la distinction.

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Harley Earl (designer automobile) posant à côté des concepts General Motors Firebird I, II et III / © General Motors Heritage

À la fin des années 1990, une révolution stylistique s’amorça. Les voitures, mais aussi les objets du quotidien, devinrent de plus en plus ronds. La mode, désormais appelée “blobject” (Traduisez: "Objet en forme de bulle") était lancée. Cela, grâce aux dernières avancées technologiques, notamment les logiciels de conception qui permettaient de créer des designs sans arêtes. Mais derrière cette liberté nouvelle, une lente uniformisation commença.

L’influence ressentie dans les designs modernes est aujourd’hui celle du défi environnemental, et le style qui s’est imposé parmi tant est le minimalisme. Présent dans l’architecture, la mode, la tech, et désormais l’automobile. Design réduit à l’essentiel et formes épurées : c’est la nouvelle norme qui freine le style des véhicules. Une voiture est composée, en moyenne, de 30.000 composants, et devoir y appliquer un style minimaliste est un véritable casse-tête pour les designers.

Le rendement économique maximal

Deux obstacles majeurs s’y ajoutent. Le premier est le “carry-over”, c’est-à-dire la réutilisation de pièces existantes. Les constructeurs exigent des stylistes qu’ils reprennent des éléments déjà produits, afin d’augmenter les bénéfices. C’est un saut dans le vide pour la créativité pour assurer la rentabilité maximale.

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Toutes ces voitures du groupe Volkswagen sont construites à partir du même châssis (MLB, Modularer Längsbaukasten). / © @lovecarindustry

L’autre obstacle uniformisant l’esthétique des véhicules est celui des châssis partagés. Encore une fois, à des fins économiques pour les constructeurs. Volkswagen en est le champion, avec sa plateforme MQB utilisée par plus d’une vingtaine de véhicules du groupe. Chez Stellantis, on recycle encore et encore la plateforme EMP2. L’industrie du luxe n’y échappe pas ! Porsche Cayenne, Lamborghini Urus, Bentley Bentayga, Audi Q8 et Q7 possèdent tous le même châssis.

Des choix qui impactent le design : des propositions figées, des silhouettes uniformisées.

La mode des SUV

Nos voitures gonflent, grossissent, gagnent en hauteur, et les citadines d’hier affichent désormais des proportions massives. Une obésité difficile à justifier à l’heure de la crise écologique et alors que le “régime“ devrait être imposé.

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La Mini récente date de 2016 (à gauche) côte-à-côte d'une Mini de 1959. / © L'Argus

Cette évolution s’inscrit dans la tendance actuelle des SUV. Ces derniers représentaient 51 % des ventes en Europe en 2023, contre seulement 10 % en 2010. Et ce n’est pas près de s’arrêter : les constructeurs de luxe s’y mettent. Ferrari a sorti un SUV — ce qui paraissait impensable il y a quelques années —, McLaren a elle aussi annoncé un modèle et Renault transforme sa Mégane en SUV.

Mais tant qu’il y a de l’auto... il y a de l’espoir  

Un vent d’espoir souffle. Certains modèles au style rétro-futuriste tentent de sortir des cases. Le concept Hyundai N Vision 74, rendant hommage aux sportives des années 70, ou la nouvelle Renault R5 électrique, sont des exemples prometteurs. Ils nous rappellent que le design auto n’est pas mort et qu’il peut encore nous séduire, surprendre et faire rêver.

Pour que le cap de l’industrie change, il faudra plus qu’un souffle de créativité. Un ras-le-bol des consommateurs pourrait faire dériver les constructeurs, qui n’ont pour l’instant aucune raison d’enclencher la marche arrière.