Sur la route, pour être un seigneur de l'anneau, des recommandations -plus que des règles- sont à respecter. Deux gérants d'auto-école au Luxembourg et en Moselle nous expliquent.

C'est un lieu de grandes tensions entre automobilistes: les ronds-points ! Ou plutôt, les carrefours à sens giratoires, que l'on nomme souvent "ronds-points" par abus de langage et qui s'en différencient par la présence de panneaux "cédez le passage" à chaque entrée du "carrefour". Entre les "oublis" de clignotants, les queues de poissons ou les "abonnés" à la voie de droite (ce qui n'est pourtant pas interdit), il y a de quoi perdre ses nerfs. Conserver son calme est pourtant essentiel dans ce genre de situation afin d'éviter les accidents...

Alors, comment s'engager convenablement dans un "rond-point"? Pour le savoir, il est d'usage de prendre l'image d'un giratoire à deux voies que l'on coupe en deux (voir notre illustration).

  • Un automobiliste tournant à droite ou allant tout droit doit emprunter la voie de droite (appelée file n°1 au Luxembourg).
  • un automobiliste tournant à gauche ou réalisant un demi-tour peut emprunter la voie de gauche (appelée file n°2 au Luxembourg).

RTL

La subtilité réside dans le choix des mots "doit" et "peut": le placement sur la file de gauche du giratoire n'est pas obligatoire lorsqu'un automobiliste compte en faire le tour (ou plus de la moitié), mais il est "très fortement recommandé pour des questions de fluidité de la circulation" nous répond Jorge De Pinho, le gérant de l'auto-école de la Cloche D'Or, à Luxembourg-ville.

Du côté français, dans le secteur de Thionville, Serge Polli nous répond exactement la même chose: "aucun article du code de la route n'oblige un automobiliste à circuler sur la file de gauche dans un giratoire" précise le gérant de l'auto-école mosellane, qui porte son nom. "Mais s'il fait le tour d'un giratoire sur la file de droite, on conseille d'actionner le clignotant gauche afin d'indiquer ses intentions aux autres automobilistes."

Clignotant gauche: obligatoire, recommandé ou optionnel?

La question n'est pas clairement tranchée. En France, les auto-écoles demandent à leurs élèves d'activer leur clignotant gauche lorsqu'ils parcourent plus de la moitié du rond-point (avant d'activer naturellement leur clignotant droit lorsqu'ils en sortent). "La route est un lieu de partage et le clignotant est un moyen de communication" souligne Serge Polli. En d'autres termes, plus on communique, mieux c'est.

Ce n'est pas le cas au Luxembourg: le simple fait de se positionner sur la file n°2 (gauche) suffit à indiquer aux autres usagers que l'on s'apprête à parcourir plus de la moitié du rond-point. En résumé, tant que le clignotant droit n'est pas activé, cela veut - théoriquement - dire que le véhicule continue de tourner autour du rond-point.

"Le problème", comme le dit Serge Polli, "est que très peu de personnes indiquent ce qu'elles font dans un giratoire." Ainsi, l'absence de clignotant activé à gauche peut semer le doute dans l'esprit d'un autre automobiliste abordant un giratoire, lequel peut céder le passage "pour rien", voire s'engager en croyant que le premier véhicule s'apprête à quitter "l'anneau". En effet, même si l'automobiliste se trouvant dans le giratoire actionne son clignotant droit pour en sortir, compte tenu de la réactivité dont il faut faire preuve dans ce genre de situation, la lumière orange n'est pas toujours visible depuis un véhicule situé de l'autre côté des voies et s'apprêtant à entrer dans le même giratoire.

Pour finir, seul un changement de trajectoire qui n'est pas indiqué par un clignotant est verbalisable: en France, c'est 35€ d'amende et 3 points en moins sur son permis. Au Luxembourg, c'est 74€ d'amende.

L'art de parcourir plus de la moitié d'un giratoire :


Que faire quand un véhicule situé à droite nous empêche de quitter un giratoire? 

Les usagers de la file de gauche ne le savent que trop bien: il n'est pas toujours aisé de sortir d'un rond-point lorsque d'autres automobilistes se trouvent sur la file de droite et lorsqu'on n'arrive pas à mesurer leurs intentions. "C'est un cas classique auquel une de nos élèves a été confrontée dernièrement, expose le gérant de l'auto-école de la Cloche D'Or. Elle a actionné son clignotant droit mais s'est retrouvée à côté d'un camion la première fois, puis d'un bus la seconde fois. Elle a eu le bon réflexe en éteignant son clignotant et en faisant à chaque fois un tour de plus. Cela fait un peu "manège" mais c'est le comportement à adopter."

Même son de cloche à Thionville. "On ne force jamais un changement de direction" répond Serge Polli. "Quand on se trouve à gauche, on n'est jamais prioritaire. Alors on s'adapte et on regarde dans l'angle mort. S'il oublie de faire ça lors de l'examen, l'élève est recalé."

Ainsi, la tentation est grande pour certains automobilistes de rester quoi qu'il arrive dans la file de droite et de s'éviter des manœuvres jugées fastidieuses. D'autant plus qu'en cas d'accident, l'assurance considère toujours le véhicule situé à gauche comme étant fautif. Cela peut agacer - car si c'est pour rester à droite et gêner les autres automobilistes, à quoi bon dépenser des millions d'euros dans des giratoires censés fluidifier la circulation - mais ce n'est pas interdit.

Pour expliquer cette attitude, Jorge De Pinho met également en avant l'extrême densité de la circulation au Luxembourg qui empêche parfois les usagers de la route "de s'introduire dans la bonne file du giratoire dès le départ". "Et parfois, les gens se trompent aussi..." Il faut, en quelque sorte, faire preuve de tolérance au volant.

Il est enfin à souligner que les pays européens accueillent parfois des automobilistes étrangers qui découvrent littéralement ces îlots centraux autour desquels il faut tourner avant d'en sortir. Au moment de transcrire un permis de conduire étranger, il n'est pas rare que ces nouveaux usagers de la route demandent à suivre une mini formation afin de mieux appréhender cette invention française (Eugène Hénard, début des années 1900).

Depuis quelques années au Luxembourg, l'apparition de turbo ronds-points a eu le mérite de simplifier les choses en réduisant le risque d'incompréhension et donc d'accidents. "On sait dès le départ où notre file nous emmène, c'est plus facile de choisir notre destination" note le gérant de l'auto-école de la Cloche D'Or.

Au moins, plus de discussion !

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