Mardi soir, de nombreux élus et plusieurs centaines de citoyens se sont réunis à Metz pour le lancement d'une nouvelle grande concertation autour de l'A31bis. On vous résume le tout.

Dans la famille des projets vieux de plus de 20 ans, qui ne met pas grand-monde d'accord et dont on ne verra pas l'aboutissement avant une petite dizaine d'années, je demande l'A31bis.

Après deux décennies de réflexions, un débat public en 2015, une validation par le gouvernement en 2016, une annonce de péage, l'Etat vient de lancer, ce mardi à Metz, une nouvelle concertation sur le projet de modernisation de l'autoroute. Cette réflexion entre les services de l'Etat et les citoyens doit durer quatre mois et sera menée aussi bien en ligne que lors de plusieurs réunions partout dans la région, avant que sa conclusion ne soit présentée à la fin du mois de février 2019. Soit quatre mois pour donner un épilogue, au moins pour la partie projet, à une histoire qui a commencé dans les années 90.

Le sujet étant terriblement vaste, nous avons décidé de le résumer en plusieurs points très précis et simples à aborder. C'est parti.

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Le centre des congrès Robert Schuman de Metz a fait le plein lors de cette première réunion de concertation autour de l'A31bis. / © Thomas Toussaint / RTL

A31BIS: MAIS C'EST QUOI ?

L'A31bis est le projet d'élargissement et de modernisation de l'actuelle et vieillissante A31, aujourd'hui saturée sur plusieurs tronçons et dont les perspectives de croissance du trafic laissent entrevoir une galère généralisée encore plus forte qu'aujourd'hui autour de la frontière luxembourgeoise, de Thionville, de Metz et entre Nancy et Toul.

Le passage à 2x3 voies est prévu pour désengorger les trois secteurs identifiés du projet:

  • le secteur nord, entre Thionville et la frontière, avec la création d'un contournement de la ville et d'un péage vers le Luxembourg.
  • le secteur centre, entre Augny et Dieulouard.
  • le secteur sud, entre Nancy et Toul, via un contournement ou un difficile élargissement de l'infrastructure déjà existante.

"L'A31, en plus d'être un corridor européen, est utile pour les locaux, pour les grandes agglomérations de Metz, Thionville et Nancy" a rappelé Etienne Hilt, du service transport de la Dreal. Son trafic a augmenté de 28% en 15 ans et les mesures prises pour fluidifier le trafic - passage à 110 km/h, interdiction aux poids-lourd de doubler - ne suffisent plus à en faire une autoroute fluide.

OÙ EN EST LE PROJET ?

Comme l'a fait remarquer le préfet de la région Grand Est Jean-Luc Marx, l'A31bis est aujourd'hui un "chantier administratif". Un élégant moyen de concéder que de créer plusieurs dizaines de kilomètres supplémentaires de route pose de nombreux problèmes. 

Financièrement, le projet provoque le mécontentement des usagers du secteur nord, qui verront la création d'un péage sans barrière entre Thionville et la frontière luxembourgeoise pour financer rapidement la 3e voie. C'est aussi un casse-tête pour l'Etat français qui doit mettre en place un projet chiffré à 1,4 voire 1,9 milliard d'euros.

Structurellement, les contournements de Nancy et Thionville ont de nombreux détracteurs, en particulier à Florange, où la ville pourrait être traversée par un nouveau morceau d'autoroute. Le péage risque lui de détourner une partie du trafic sur le réseau secondaire, qui resterait gratuit.

Écologiquement, créer un agrandissement de l'autoroute répond certes au besoin d'améliorer les trajets du quotidien mais revient à tout miser sur un grand axe fort et routier avant tout.

Selon le financement et les évolutions du dossier, il faudra une éternité pour passer du "chantier administratif" au véritable chantier: les travaux ne démarreront pas avant 2023 voire 2027.

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L'A31 tel qu'on peut le voir aux heures de pointe du matin, juste avant le passage de la frontière luxembourgeoise. / © Olidom Multimedia

QU'EN EST-IL DU PROJET DE PÉAGE ENTRE THIONVILLE ET LE LUXEMBOURG ?

L'axe est saturé aux heures de pointe, la traversée de Thionville génère de forts ralentissements et les prévisions de croissance de l'emploi frontalier vers Luxembourg montrent que la situation, aujourd'hui critique, ne sera tout simplement pas tenable sans une voie supplémentaire. D'où la volonté de la France de trouver de l'argent rapidement, là où il y en a: chez ceux qui n'ont pas d'autre choix que d'emprunter l'autoroute pour aller travailler et sur le trafic de transit.

Jadis une possibilité de financement parmi d'autres, il ne fait aujourd'hui plus aucun doute que ce sera par la concession que l'A31bis sera financée entre Thionville et la frontière luxembourgeoise. Selon les scénarios retenus, le péage pourrait financer entre 75 et 100% du coût du secteur nord.

En contrepartie, l'autoroute passera à 2x3 voies et disposera d'une bande d'arrêt d'urgence élargie sur laquelle il sera un jour possible de faire circuler des transports en commun.

Quand bien même "tout le monde ne peut pas se permettre de payer un péage deux fois par jour", comme l'a vigoureusement fait remarquer une dame du public lors de la concertation, c'est bien cette solution qui devrait ainsi voir le jour entre Thionville et le Luxembourg afin de rassembler jusqu'à 620 millions d'euros des 860 nécessaires sur le tronçon. Un coût - c'est l'estimation maximale pour le secteur nord - qui prend en charge le très problématique contournement de Thionville.

QUEL EST LE PROBLÈME AVEC LE CONTOURNEMENT DE THIONVILLE ?

À ce jour, quatre possibilités de contournement au sud de Thionville sont envisagées pour alléger le trafic au centre autoroutier qui traverse la commune:

  • le contournement F3, de Guénange à Terville, qui permettrait de délester Thionville mais avec un prix maximal. Le tarif du péage pour les véhicules légers est estimé à 3,2 voire 3,5€ hors taxes.
  • le contournement F3 bis, sensiblement proche du précédent mais un peu moins onéreux, dont le point d'entrée serait sur l'A30 à Uckange. Coût du péage: de 3,3 à 3,6€.
  • le contournement F4, de l'A30 vers l'A31 à travers Florange. Il a les faveurs économiques de l'Etat, le péage coûterait alors entre 1,8 et 2,2€ mais fait face à une forte opposition des riverains, qui ne veulent pas voir leur ville "coupée en deux". L'Etat avance lui que les passages près des habitations se feraient avec un "passage en souterrain".
  • le contournement F10, le plus court, également peu coûteux et le moins cher au niveau du péage (1,3 à 1,6€) mais qui laisserait la vallée de la Fensch sans accès rapide.

De tous les contournements, c'est celui de Florange qui fâche le plus. Environ 70 Florangeois ont pris part à la concertation mardi soir pour se faire entendre, à grands renforts de banderoles et autres pancartes à destination des élus. Et le maire, Rémy Dick, a promis qu'il serait "prêt à utiliser tous les moyens juridiques" pour mettre un coup d'arrêt au projet. Un coup de gueule qui en amènera d'autres, puisque plusieurs réunions sont encore prévues.

Concernant les prix, ils prennent en compte le passage au péage selon la variante du contournement. Un trajet entre Thionville et le Luxembourg serait lui estimé à 0,95 ou 1,25€. Le passage d'un poids-lourd serait taxé deux à trois fois plus cher. Le ministère de la Transition écologique rappelle que ce ne sont aujourd'hui que des estimations.

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LE LUXEMBOURG VA-T-IL AIDER À PAYER CETTE AUTOROUTE ?

Aujourd'hui en pleine reconstruction politique après la victoire étriquée du gouvernement aux élections législatives, le Luxembourg n'a rien prévu d'autre que ce qui a déjà été annoncé. N'en déplaise à Dominique Gros, maire de Metz, qui a rapidement pris la parole pour demander aide et discussion avec le voisin grand-ducal. Ce dernier a déjà promis d'investir 120 millions d'euros sur les dix prochaines années pour développer les transports par voie ferrée (110 millions) et aménager des parking-relais et la bande d'arrêt d'urgence de l'A31.

"Pour l'A31bis, il n'y a pour l'heure pas de financement à envisager" de la part du Luxembourg, a simplement confirmé le préfet du Grand Est Jean-Luc Marx.

ET L'ECOLOGIE DANS TOUT ÇA ?

Le changement climatique s'intensifie, les phénomènes météorologiques extrêmes se multiplient, les taxes vertes font la Une. Et dans l'esprit des nombreux citoyens présents mardi soir, une chose est claire: l'A31bis n'est pas la solution de demain.

"Encore une autoroute à péage", "il faut décarbonner les déplacements, mettre le paquet sur les transports alternatifs et en commun", "écologiquement le projet n'est pas bon"... Voilà ce que l'on pouvait entendre au fil de la soirée où les considérations écologiques ont fini par s'imposer comme un des principaux thèmes de la concertation.

En plus de la pollution de l'air générée par le trafic, les nuisances sonores générées par une autoroute XXL sont redoutées à la campagne et dans les villes.

Nécessaire mais terriblement en retard, l'A31bis apparaît à ceux qui étaient présents comme un projet "dépassé" qui ne tient pas assez compte des besoins de limiter le recours au véhicule personnel et à la multimodalité.

EST-CE QUE ÇA VA SUFFIRE A AMÉLIORER LES DÉPLACEMENTS ?

Oui et non. Il faut bien comprendre que la situation actuelle - des bouchons aux heures de pointe, une tension maximale sur le réseau et des blocages quotidiens - est une conséquence du manque d'anticipation de l'Etat français. En plus de ne pas avoir investi pour moderniser suffisamment et régulièrement son infrastructure, pensée dans les années 70, il a sous-estimé et s'est laissé dépasser par la croissance, au nord, de l'économie luxembourgeoise.

Le Luxembourg n'a d'ailleurs pas fini de grandir et devrait attirer toujours plus de frontaliers français, et donc fatalement d'automobilistes. Une hausse qui ne sera pas entièrement compensée par les efforts consentis dans les transports en commun.

Avec le dossier de l'A31bis, la France paie aujourd'hui le retard qu'elle a accumulé pendant plus de vingt ans. Ses citoyens, les frontaliers et leurs employeurs trinquent avec elle. Sans parler des coûts cachés, sanitaires, écologiques et sociaux, que tous supportent en maintenant des infrastructures déficientes.

Les différents services ont beau tenter de rappeler que les transports en commun et ferroviaires sont intégrés au réflexion, c'est tout de même l'axe routier, le plus onéreux, qui reçoit le plus d'attention. Avec cette idée que la construction d'une voie supplémentaire ne poussera pas les usagers à prendre leur voiture en solo mais va les aider, grâce à quelques parking et une bande d'arrêt d'urgence où l'on pourrait faire circuler des bus, à miser sur le covoiturage, les bus et les trains.