Tout en sueur et à bout de souffle, de jeunes Polonais s'appliquent à lancer des grenades et à évacuer des blessés sur un terrain d'entraînement près de Varsovie. Au lieu de se détendre à la plage, ils ont préféré une formation militaire pendant leurs vacances d'été.

Près de 10.000 hommes et femmes ont souscrit volontaires au programme "Vacances avec l'armée" d'un mois, rémunéré, que le ministère de la Défense a lancé pour promouvoir le service militaire parmi les jeunes, au moment où la Pologne œuvre pour renforcer sa sécurité.

Depuis l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, ce membre de l'UE et de l'Otan — qui partage des frontières avec la Russie, le Bélarus et l'Ukraine — a mis les bouchées doubles pour renforcer ses moyens de défense, par crainte d'être la prochaine cible.

"L'entraînement comprend des cours de tir et de tactique, d'étude du terrain et de protection contre des attaques aériennes", commente la lieutenante Patrycja Adamska, porte-parole du 10e Régiment d'infanterie motorisée, l'une des unités impliquées dans le programme.

"Les recrues ont l'occasion de découvrir la discipline de la vie de soldat", souligne-t-elle à l'AFP.
Les participants, âgés principalement de 18 à 20 ans, passent 27 jours dans une unité, après quoi ils reçoivent un grade militaire et peuvent poursuivre leur service ou bien rejoindre les rangs des réservistes.

Michal Piekut, étudiant en sécurité internationale, a été surpris par la rigueur des exercices. Visage camouflé, en tenue complète de combat, le jeune homme de 29 ans, épuisé, a du mal à tenir debout.
"Ce n'est pas des vacances, mais une formation militaire intensive... Je pensais déjà ne pas y arriver", confie-t-il à l'AFP après avoir traîné une lourde caisse de munitions sur plusieurs mètres de sable.

"Personne n'est encore tombé dans les pommes, mais la journée est jeune encore", fait-il remarquer.
Le lieutenant Michal Gelej, du bureau de recrutement de l'armée, explique que le programme "constitue une merveilleuse alternative aux jobs d'été", avec une rémunération de 1.400 euros pour ceux qui le terminent.

Goran Meredith, étudiant en études américaines de 19 ans à l'Université de Varsovie, souligne que l'argent et le bon timing estival lui ont permis de participer à ce programme, autrement il "n'aurait pas eu le temps d'être là".

La guerre en Ukraine a également motivé sa décision.

Michal Piekut envisage, lui, une carrière militaire future: "Je veux devenir soldat de réserve et, si nécessaire, servir ma patrie".

S'inspirer de l'Ukraine

Juste après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, la Pologne a adopté une loi sur la sécurité nationale dont l'un des objectifs est d'"augmenter les effectifs militaires".

Elle a également introduit une conscription volontaire qui, selon le lieutenant Gelej, a attiré près de 90.000 candidats en 2023 et 2024.

La Pologne a lancé le programme "Vacances avec l'armée", ainsi que des exercices dans les écoles et des stages militaires le week-end pour les civils, promus par une vaste campagne sur les réseaux sociaux.

"L'expérience ukrainienne nous enseigne (...) que l'armée professionnelle s'épuise en un an environ", dit Bartosz Marczuk, expert de l'Institut Sobieski et co-auteur d'un rapport sur l'idée d'un retour possible à une formation militaire obligatoire en Pologne.

"Nous sommes le plus grand pays du flanc oriental (de l'Otan) et, dans les faits, la clé de voûte de la sécurité à ce flanc", souligne-t-il.

Selon lui, toute réintroduction du service militaire obligatoire en Pologne devrait être précédée de programmes volontaires.

"Toutes les initiatives de ce type doivent être soutenues", déclare-t-il à l'AFP.

En mars, le Premier ministre polonais Donald Tusk a annoncé qu'à l'horizon 2027, la Pologne étendrait son programme de formation militaire volontaire pour pouvoir accueillir 100.000 recrues par an, afin de créer "une armée de réservistes".

Michal Piekut doute cependant que ses compatriotes soient à la hauteur de la tâche.

"La plupart des adultes n'y arriveraient pas. Les exigences sont très élevées, physiquement, psychologiquement, et en termes de discipline", estime-t-il.

Goran Meredith y consent: "Nous en sommes à notre première semaine et déjà 10 personnes ont abandonné, cela en dit long, hélas".