© Chris Meisch
Les forêts luxembourgeoises sont sous pression à cause du changement climatique. C'est ce que révèlent les résultats du troisième inventaire forestier national dévoilé jeudi par l'Administration de la nature et des forêts.
Pour réalisé l'inventaire forestier national, des échantillonnages ont été réalisés entre janvier 2023 et juillet 2024 dans plus de 1.800 endroits du pays, par des experts de bureaux d'études spécialisés qui mesurent les arbres, évaluent leur état de santé et recueillent des données sur la composition, la croissance et l’état de la forêt.
Bien que la superficie des forêts luxembourgeoises demeure stable autour de 92.000 hectares, l'Administration de la nature et des forêts constate une nette dégradation de l’état des arbres. En particulier les épicéas souffrent des attaques de scolytes -qui creusent des galeries à l'intérieur de l'écorce - et de sécheresses prolongées. Les coupes rases d'épicéas sont passées de 850 hectares en 2010 à 2.050 hectares en 2023.
Net ralentissement de la croissance des arbres
Evolution de l'accroissement des arbres. Entre 2010 et 2023, les arbres ont poussé 25 % moins vite au Luxembourg qu'entre 2000 et 2010. / © Source: Administration de la nature et des forêts
La croissance des arbres a ralenti au cours des 23 dernières années et les conséquences du changement climatique se sont considérablement aggravées comme le montrentles résultats du troisième cycle de l’Inventaire forestier national. Entre 2010 et 2023, les forêts luxembourgeoises ont émis plus de carbone qu’elles n’en ont absorbé. Pour la première fois depuis des décennies, elles sont devenues une source d'émissions de CO2 !
Pour Michel Leytem, directeur de l'Administration de la nature, "il est essentiel de comprendre que l'inventaire a été réalisé entre 2023 et 2012. Or, en plein milieu de cette période, en 2018, ont débuté des étés extrêmement secs. Durant ces étés, les arbres ont souffert d'un manque d'eau considérable, et un arbre en manque d'eau ne peut ni croître ni produire de bois. C'est pourquoi ces résultats ne nous surprennent pas."
Aujourd'hui, de nombreux arbres meurent plus jeunes qu'il y a quelques décennies. Cependant, le fait que la quantité de bois mort ait doublé depuis 2000 est un signe positif. Le bois mort offre un habitat à une grande variété d'êtres vivants et contribue ainsi à une plus grande biodiversité.
Cette évolution témoigne non seulement de la dynamique naturelle, mais aussi du fait que les forêts ne poussent plus correctement, se régénèrent mal et meurent sous l'effet du stress.
Mortalité par essences d'arbres entre la période de 2000 à 2010 et la période entre 2010 et 2023. Pour le frêne, la mortalité est près de dix fois plus élevée entre les deux cycles. Pour le hêtre, le chêne, le pin et l’épicéa, la mortalité a doublé. / © Source: Administration de la nature et des forêts
"Je reste toujours optimiste, car plusieurs essences d'arbres souffrent énormément. Le frêne est sans conteste l'espèce la plus touchée. Nous espérons toujours qu'un certain pourcentage de frênes résistera. Mais force est de constater que nos arbres sont fortement affaiblis et que nous devons les aider à survivre", explique Michel Leytem.
Les efforts d'adaptation des peuplements forestiers déployés ces vingt dernières années portent leurs fruits : la proportion d'arbres feuillus est passée de 66 % en 2010 à 75 % en 2023 et la structure des forêts s'est enrichie, avec une plus grande diversité d'essences et une augmentation de la superficie des peuplements. On s'efforce désormais de rendre les forêts plus résistantes.
"Réduire au maximum les prélèvements"
Selon le ministre de l'Environnement, Serge Wilmes, la stratégie forestière nationale est en cours de finalisation: "L’objectif est de réduire au maximum le prélèvement de bois, car il repousse naturellement. Nous voulons également garantir la croissance et l’émergence de différentes essences d’arbres. La régénération naturelle est primordiale. C’est pourquoi j’ai également demandé la mise en place d’une table ronde sur la gestion forestière et la chasse, qui existe depuis un an et réunit les principaux acteurs afin de réguler la faune sauvage, friande de jeunes arbres."
En réponse aux critiques de l’organisation de conservation de la nature Forest Stewardship Council (FSC-Luxembourg), qui estime que la politique ne protège pas suffisamment les forêts, le ministre de l’Environnement a indiqué qu’il n’était pas question d’installer des clôtures pour protéger les jeunes arbres de la faune sauvage. Il a toutefois précisé que toute coupe forestière au Luxembourg serait intégralement compensée par la plantation de nouveaux arbres.
Comparé à ses voisins, le Luxembourg possède une superficie forestière proportionnellement beaucoup plus importante. Plus d’un tiers du territoire est couvert de forêts.
© Chris Meisch