La convention actuelle qui lie les médecins à la Caisse nationale de Santé, avec les conditions actuelles, n'est plus acceptable pour l’AMMD.

"Je peux toutefois rassurer les assurés : ces discussions sur un déconventionnement, selon lesquelles nous ne voudrions plus de convention, ce n’est évidemment pas le cas pour nous", rassure le Docteur Chris Roller, président de l’Association des médecins et médecins-dentistes (AMMD) depuis la fin de l’année dernière.

La résiliation de la convention avec la CNS, tout comme les revendications de l’AMMD pour une autonomie tarifaire et un conventionnement sélectif, c'est-à-dire non obligatoire, avec la CNS, ont suscité beaucoup de critiques et une vive opposition. Y compris en interne, par exemple de la part des médecins hospitaliers. L’AMMD tient désormais à préciser qu’elle souhaite maintenir le modèle solidaire. L’actuelle couverture santé via la CNS doit donc être conservée.

"Ce que nous disons, c’est que nous avons besoin d’une bonne convention pour garantir une bonne couverture de base et continuer à maintenir le modèle solidaire. C’est très clair."

L’actuelle couverture santé via la CNS doit donc rester la base.

Un conventionnement sélectif comme critère de qualité 

En ce qui concerne le "conventionnement obligatoire et automatique" actuel, c'est surtout l'aspect "automatique" qui dérange l'AMMD. Cela n'est pas favorable à la qualité, souligne son président. Il faudrait surtout contrôler plus précisément les diplômes provenant de pays tiers. Cela dans le contexte du problème que de nombreux dentistes viennent exercer quelques jours par mois au Luxembourg dans des cabinets privés. La qualité et le suivi n’y sont pas toujours garantis.

"Cela signifie que vous pouvez laisser entrer n’importe quel médecin au Luxembourg. Celui-ci est automatiquement intégré dans le conventionnement. Pour nous, la convention doit être un critère de qualité. Autrement dit, lorsqu’un patient consulte un médecin conventionné, cela doit aussi être une garantie qu’il recevra des soins médicaux corrects."

En contrepartie, un médecin devrait aussi pouvoir être déconventionné s’il commet de graves erreurs. "Ensuite, ce médecin se retrouve sans convention. Et je pense que nous sommes d’accord : un médecin non conventionné, aucun patient n’ira le voir, car il sait qu’il ne sera pas remboursé.

Le conventionnement sélectif aussi du point de vue des médecins 

Le conventionnement sélectif doit également aller dans l’autre sens : que les médecins puissent eux-mêmes travailler de manière sélective, c’est-à-dire en partie en dehors de la convention. Et cela dans le cas de nouveaux traitements pour lesquels la CNS n’a pas encore établi de tarification. C’est là que l’autonomie tarifaire devrait intervenir.

Avec la revendication d’une autonomie tarifaire, le but de l’AMMD n'est pas d'arriver à ce que chaque médecin puisse fixer librement le prix de ses consultations, souligne le président de l’AMMD.

L'autonomie tarifaire pour de nouvelles activités pas encore remboursées par la CNS

Mais il s’agirait de permettre aux patients au Luxembourg d’accéder plus rapidement à de nouvelles méthodes et thérapies médicales pour lesquelles la CNS n’a pas encore fixé de tarification. La Caisse nationale de Santé prend parfois jusqu’à 10 ans pour le faire, explique le Docteur Roller.

"Parce que ces traitements sont proposés à l’étranger et moi, au Luxembourg, je ne peux pas les offrir, car la CNS ne me le permet pas. Et je trouve que ce n’est pas correct vis-à-vis des assurés, car ils doivent alors aller à l’étranger."

Tant qu’il n’existe pas de tarif conventionné, on pourrait, avec "tact et mesure", fixer un tarif, par exemple en collaboration avec le Collège médical, qui tienne compte des frais réels. Et la CNS pourrait ensuite dire : "Cela a du sens, nous remboursons, ou pas."

"Et tous ces traitements qui dépassent 'l'utile et le nécessaire', comme la CNS aime le dire, nous devons pouvoir les proposer à l’avenir. Parce que les médecins ne peuvent souvent pas le faire au Luxembourg, car la CNS n’a pas de tarification pour cela. Et nous disons : 'Ce n'est pas possible que les patients doivent aller à l’étranger pour ça !' Nous voulons être jeunes, dynamiques, innovants, nous devons donc aussi, dans le secteur de la santé, arriver à offrir des choses modernes et à ne pas devoir envoyer les gens à l’étranger."

Des discussions biaisées sur une médecine à deux vitesses 

Pour les soins qui dépassent "l'utile et le nécessaire", comme une opération des yeux par laser ou le blanchiment des dents, par exemple, ou pour des traitements plus récents qui ne sont pas encore remboursés par la CNS, ce sont les assurances santé privées qui doivent intervenir. Si les cotisations continuent d’augmenter, il faudra se demander si le patient en tire réellement un bénéfice ou s’il ne vaut pas mieux dépenser cet argent auprès d’un assureur privé, qui couvre des prestations supplémentaires.

Des assurances que tout le monde ne peut pas se permettre et qui pourraient devenir encore plus coûteuses en couvrant de nouveaux soins. N'en sommes nous pas arriver à une médecine à deux vitesses par une voie détournée?

"Un exemple simple : si Nancy Pelosi tombe dans l’escalier de la Chambre et se brise la hanche, puis arrive aux urgences ici. Pensez-vous vraiment qu’elle attend huit heures aux urgences avant d’être prise en charge ?! Donc oui, il existe une médecine à deux vitesses dans ce sens. Elle a toujours existé !" rétorque Chris Roller, en évoquant des personnes qui vont en Allemagne pour passer un IRM plus rapidement ou qui connaissent quelqu’un et obtiennent ainsi un rendez-vous en priorité.

Rassembler les médecins 

La communication de l’AMMD aurait probablement pu être un peu plus explicite, reconnaît le président de l’Association des médecins et médecins-dentistes. Chris Roller se félicite toutefois qu’un grand débat sur la politique de santé au Luxembourg ait enfin lieu. "Je pense que le moment est venu de s’asseoir ensemble autour de la table, de rassembler les médecins, pour éviter que nous soyons divisés. Afin d’obtenir, dans l’intérêt des assurés, mais aussi de la couverture santé et des prestataires bien sûr, une amélioration significative."

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