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Qui est victime et qui est coauteur d'une fraude? Telle était la question litigieuse dans plusieurs procès devant le tribunal d'arrondissement de Luxembourg mercredi matin.
Non-paiement d'un leasing automobile ou carte d'identité perdue?
Un homme était accusé d'avoir utilisé de faux documents pour signer un contrat de leasing automobile pour une voiture, qui n'était plus payée.
Mais devant le tribunal, il a juré n'avoir rien à voir avec cette affaire. Certes, en plus de faux documents relatifs à son emploi et à ses revenus, la société de leasing possédait une copie de sa carte d'identité jointe au contrat. Mais cette carte d'identité, il l'avait perdue. Ce sont donc d'autres individus malhonnêtes qui auraient usurpé son identité pour s'offrir la voiture d'une valeur de 50.000 euros, a expliqué le prévenu.
Son avocat a reproché au parquet le fait qu'aucune enquête sérieuse n'ait été menée. La police n'avait pas entendu son client ni interrogé la société de leasing sur l'identité de la personne à qui elle avait eu affaire et qui s'était fait passer pour son client. Mais le prévenu n'ayant fourni aucune preuve, telle que la déclaration de perte de sa carte d'identité, l'affaire a été ajournée sine die.
"Money mule": à la fois victime et auteur
Un autre jeune homme, venu spécialement de Belgique pour son procès, était accusé d'être une "mule financière" (une personne qui laisse/fait transiter illégalement de l'argent par le biais de son compte bancaire) dans un procès pour hameçonnage. L'argent volé à un résident luxembourgeois via un SMS de hameçonnage en 2022, avait été transféré sur son compte. Mais le jeune homme s'est défendu. Une vieille connaissance ivoirienne lui avait demandé de l'aide car sa mère était malade et devait être opérée. Il lui avait prêté 1.000 euros. C'était son argent pour les vacances. Lorsqu'après des mois, cette connaissance lui a rendu l'argent, elle a déclaré qu'elle ne pouvait pas le transférer sur le compte belge de l'accusé et lui a demandé d'ouvrir un compte auprès d'une banque en ligne. 5.000 euros ont alors été transférés depuis le compte de la victime luxembourgeoise. Sur cette somme, l'accusé pouvait conserver 1.500 euros: 1.000 euros pour le remboursement et 500 euros d'"intérêts". Il devait transférer 2.500 euros à l'ancienne connaissance et 1.000 euros à un tiers, que le jeune homme ne connaissait pas.
Pourquoi était-il si compliqué d'effectuer un simple remboursement, a demandé la juge à l'accusé? N'avait-il pas remarqué que quelque chose clochait? Mais pour cela aussi, son ami en Côte d'Ivoire avait une histoire toute prête, que le prévenu n'a apparemment pas remise en question.
Le substitut du procureur a cru la version des faits de l'accusé. Ses déclarations semblaient honnêtes et sincères. Il ne s'attendait pas à ce qu'il fasse tout le voyage depuis Bruxelles pour comparaître. Malgré cela, il a exigé une peine de six mois de prison avec sursis et la confiscation de valeurs à hauteur de 5.000 euros afin de pouvoir rembourser la victime.
Les escroqueries par hameçonnage sont orchestrées par des réseaux ultra-professionnels et internationaux. Mais les mules financières, qui mettent leurs comptes à disposition pour des transferts frauduleux, sont "indispensables" au fonctionnement du piratage. Les professionnels ont besoin de réseaux de bénévoles qui les aident. L'accusé devrait dire un mot à sa vieille connaissance ivoirienne pour lui indiquer qu'il est poursuivi à cause de lui, a estimé le substitut.
20.000 euros débités après une arnaque
Dans un troisième procès, seule la partie civile lésée était présente à l'audience. Trois des quatre accusés n'ont pas répondu à leur convocation. Le quatrième jeune homme, lui aussi résident belge, s'était fait excuser parce qu'il allait bientôt devenir père.
La victime a raconté comment, en août 2024, elle avait reçu un appel d'un homme se faisant passer pour son banquier. Il affirmait avoir détecté une fraude potentielle sur son compte. En panique, elle lui avait communiqué ses coordonnées bancaires et ses codes d'accès. Quelques jours plus tard, elle avait porté plainte, car elle avait été débitée de près de 20.000 euros.
Là encore, l'argent a été volé via des comptes bancaires en ligne. Souvent, ces comptes sont ouverts sur la base de faux papiers, des deepfakes créés par l'intelligence artificielle, qui ne sont pas vérifiés, selon le substitut du procureur. Ici, il s'agissait en fait de quatre personnes réelles. Pour les trois personnes qui ne se sont pas présentées à l'audience, le parquet a requis douze mois de prison et une confiscation de valeurs afin d'indemniser la victime. Le dossier du jeune père a été retiré de l'affaire jusqu'à ce qu'il puisse se présenter.