La Commission parlementaire des finances se penchera le 16 septembre prochain sur les autorisations délivrées par la CSSF concernant les emprunts d'État d'Israël pour le marché européen.

La Commission de Surveillance du Secteur Financier (CSSF) doit désormais statuer sur ces obligations après qu'elle a hérité de cette tâche de la Banque centrale d'Irlande. Une décision qui dérange l'opposition au Luxembourg, car cet argent est surtout utilisé pour financer la guerre à Gaza. 

Pour Franz Fayot, c'est inévitable: "Israël s'adresse à travers ces emprunts principalement à la diaspora israélienne en Europe, à des investisseurs qui vont envoyer de l'argent afin de soutenir l'armement du pays, pour soutenir des crimes contre l'Humanité et des crimes de guerre".

Le financement de ces obligations soulève un point extrêmement problématique, au même titre que la livraison d'armes: "et nous jouons un rôle central dans cette décision, ce qui représente un immense problème pour la réputation du Luxembourg et de sa place financière", alerte Franz Fayot qui continue: "au nom de toute la population luxembourgeoise même, voulons-nous vraiment participer à cela ? Voulons-nous être un peu la banque qui finance cette guerre ?"

Controverse en Irlande

L'utilisation du prospectus irlandais pour commercialiser les obligations israéliennes a suscité une vive controverse. L'autorisation accordée par la Banque centrale d'Irlande pour les obligations israéliennes ne sera pas renouvelée après son expiration lundi, le Luxembourg étant désormais autorisé à les commercialiser dans l'Union européenne.

Cela signifie que la Banque centrale irlandaise n'approuvera plus les prospectus européens pour la vente d'obligations israéliennes que la Development Company for Israel (International) Ltd, qui vend des titres de créance pour le compte d'Israël, commercialise sur son site web dans le contexte du besoin de fonds du pays pour mener la guerre à Gaza.

La Banque centrale d'Irlande subissait une pression politique croissante concernant son approbation de la dette israélienne en raison de la colère suscitée par la campagne militaire d'Israël dans la bande de Gaza, qui a fait des dizaines de milliers de morts dans le territoire palestinien et conduit les Nations unies à déclarer une famine.

"Pas de commentaire" au Luxembourg

Pour Sam Tanson (déi Gréng), il serait intéressant de savoir si cette décision a été débattue, même au niveau politique: "y a-t-il eu un échange entre les ministres des Finances, des Affaires étrangères, afin de bien cerner l'envergure de cette décision... d'un point de vue technique, mais aussi dans le respect des directives qui nous sont si chères, et puis surtout, il faudrait se demander quelle image nous renvoyons vers l'extérieur avec cette reconnaissance".

À la demande de RTL, le ministère des Affaires étrangères a renvoyé la balle au ministère des Finances, qui, à son tour, a pointé la responsabilité et, surtout, l'indépendance de la Commission de surveillance du secteur financier.

Justement, nous avons voulu savoir quels sont les moyens de la CSSF pour refuser cet agrément ou le traitement de ce dossier ? La réponse de la commission était assez courte: "pas de commentaire".

Pour le député David Wagner (déi Lénk), "on assiste à un génocide dans la bande de Gaza, et à une probable annexion des territoires occupés en Cisjordanie. Tout cela a été déclaré publiquement, on regarde, tout le monde regarde, on répète que ce n'est pas bien, que ça va trop loin, mais personne ne fait rien et les responsables n'écopent d'aucune sanction, rien".

La Banque centrale d'Irlande a nommé trois points pour son refus de continuer à traiter les obligations israéliennes: des sanctions européennes, des sanctions nationales conformes aux européennes ou de fausses informations dans le prospectus.

Au Luxembourg, une récente discussion déclenchée par une pétition publique avait débouché sur une constatation: le Luxembourg ne décidera pas de sanctions sans une liste de règles bien définies. La députée Sam Tanson s'interroge donc: "où en est-on avec cette liste ? Si nous avions avancé sur le sujet, le CSV aurait peut-être déjà pu prendre une décision négative plus facilement au lieu de se cacher derrière le formalisme".

De son côté, la CSSF explique s'en tenir à la réglementation en vigueur pour vérifier si les informations contenues dans le catalogues sont "complètes, cohérentes et compréhensibles". Des points qui ont également provoqué des discussions en Irlande, car le prospectus approuvé par les Irlandais l'année passée ne mentionnait pas les procédures judiciaires de la Cour Internationale de Justice (CIJ) visant Israël, accusé de génocide par l'Afrique du Sud. Des mesures provisoires ont depuis été décidées: il ne faut pas se rendre complice des agissements d'Israël. Mais l'information pour les investisseurs est-elle complète, si ces mesures n'y sont pas mentionnées ? Savent-ils qu'ils financent des activités illégales et non-conformes aux droits de l'Homme ?

Le Luxembourg est membre de la CIJ et a signé la convention pour la prévention et la répression des génocides. Le député socialiste Franz Fayot s'interroge: "qu'en-est il de la hiérarchie des normes ? Nous avons signé tout un tas de traités et de conventions pour le droit humanitaire, mais cette situation est-elle bien compatible ou conforme avec ces normes et règlements ? Il y a plein d'aspects qu'il faut prendre en compte, comme par exemple le remboursement des obligations, cet argent proviendra-t-il des colonies illégales d'Israël ? Est-il garanti ? Des questions plus techniques mais fondamentales".

Sur ce point, Israël aurait apporté certaines améliorations, avec une nouvelle documentation, approuvée par la CSSF, qui mentionne explicitement les procédures de la CIJ. Mais aucune explication quant à l'utilisation de l'argent récolté, qui sera nécessaire aux "besoins généraux de financement d'Israël". "Un manque total de transparence", déplore David Wagner (déi Lénk), "encore un argument pour refuser ces obligations".

Cette initiative de passer le relais de Dublin à Luxembourg pour l'autorisation, valable un an, des prospectus israéliens sur le marché européen a été lancée par Israël. Malgré la "sous-traitance" de cette délicate autorisation par la CSSF, l'Irlande reste l'État de résidence pour les obligations israéliennes sur les marchés européens.

"Ils ont refilé la patate chaude au Luxembourg qui l'a attrapée à pleines mains", fustige Franz Fayot, "mais nous allons faire pression sur Israël en reconnaissant officiellement la Palestine en tant qu'État indépendant".

Ce mois-ci, le Premier ministre Luc Frieden et le ministre des Affaires étrangères Xavier Bettel se rendront à l'Assemblée générale de l'ONU, c'est là qu'ils officialiseront au plus tard leur position, si le Luxembourg reconnaît la Palestine, ou pas. Ils répondront d'ailleurs le 15 septembre à ce sujet aux questions des parlementaires réunis en Commission de politique extérieure de la Chambre.