L'association des contrôleurs aériens luxembourgeois reproche au gouvernement d'avoir décidé l'installation d'une tour de contrôle virtuelle à l'aéroport de Luxembourg sans avoir engagé au préalable de véritable dialogue avec eux.

Dans sa réponse à deux questions parlementaires publiée lundi, la ministre de la Mobilité et des Travaux publics, Yuriko Backes, a annoncé avoir proposé en juillet lors d'une séance du conseil de gouvernement l'installation "d’un centre de contrôle aérien temporaire ayant recours aux technologies digitales", qui servirait, "dans un premier temps, d’infrastructure complémentaire" à la tour de contrôle actuellement en service. La mise en service de cette dernière remonte en effet à 1993 et certains de ses équipements nécessitent une rénovation rapide.

La ministre ajoute dans sa réponse que lors de la même séance, le conseil de gouvernement a voté l'abandon du projet de construction d'une tour de contrôle classique sur le seul site qui avait été retenu à cet effet, à savoir un site "situé à l’est du hangar Cargolux en 'zone rurale' dans le POS 'aéroport et environs' et en 'zone verte agricole' dans le PAG de la commune de Sandweiler." Alors que le conseil de gouvernement avait décidé en 2018 la construction d'une nouvelle tour de contrôle, il a fallu attendre 2023 pour qu'un site soit retenu, en raison des nombreuses contraintes à respecter et de la multiplication des nouvelles infrastructures autour de l'aéroport de Luxembourg. Le site retenu se situant "environ 15 mètres en dessous du niveau le plus élevé de la piste", il nécessitait la construction d'une tour "d’une hauteur assez considérable", mais le projet n'a pas obtenu le feu vert de l'administration communale de Sandweiler. Etant donné la longueur des procédures et l'absence d'études concluantes, la ministre estime que "la mise en service de la tour à cet endroit aurait nécessité une bonne dizaine d’années".

Yuriko Backes évoque également le règlement européen relatif à la mise en œuvre du "ciel unique européen" visant à moderniser la gestion du trafic aérien, avec notamment le programme SESAR, qui soutient la transformation numérique du ciel européen afin de faire face à la croissance du trafic aérien.

Vu les difficultés rencontrées pour édifier une nouvelle tour classique et afin de se conformer aux objectifs européens, le conseil de gouvernement a donc validé en juillet la construction d’un centre de contrôle aérien virtuel situé "à l’intérieur de la zone aéroportuaire dans le POS et le PAG", qui reprendra les équipements du centre de contrôle aérien temporaire. La nouvelle tour virtuelle assumera à terme les opérations de la tour classique, ainsi que celles du contrôle de l’approche.

Il faut noter que "la tour actuelle restera en fonction et sera aménagée sous forme hybride ou duale", mêlant techniques classiques et virtuelles. "Le nouveau centre et la tour classique serviront mutuellement de solution de continuité réciproque", précise la ministre dans sa réponse.

La ministre de la Mobilité se veut rassurante, en précisant que si un centre de contrôle virtuel peut théoriquement assurer la gestion d’un aéroport à longue distance, "la gestion à distance de l'aéroport de Luxembourg par un opérateur tiers n’est pas une option" pour le gouvernement.

Celui-ci estime que la gestion de l’espace aérien luxembourgeois relève de la souveraineté nationale et doit par conséquent être réservée à la fonction publique. En ce qui concerne la sécurité, Yuriko Backes considère que "les nouvelles technologies digitales ne mettent pas en péril la sécurité des opérations aériennes, mais contribuent à améliorer la sécurité dans tous les domaines".

La réaction du syndicat des contrôleurs aériens

La GLCCA (Guilde luxembourgeoise des contrôleurs de la circulation aérienne) déplore de n'avoir pas été consultée alors que les contrôleurs aériens devront travailler ultérieurement avec ce système.

L'association des contrôleurs aériens rappelle qu'elle soutient depuis longtemps les objectifs de l'UE pour un espace aérien plus efficace, durable et sûr. Cependant, une tour virtuelle n'est pas nécessaire pour les atteindre. À ce jour, aucun grand aéroport international, n'envisage ou n’exploite une telle tour, selon elle.

Une tour virtuelle ne serait pas aussi fiable qu'une tour conventionnelle en conditions réelles, selon le syndicat des contrôleurs aériens. Des caméras n'auraient pas la même réactivité ni la même fiabilité opérationnelle que l'œil humain en cas de brouillard, de pluie ou de problèmes techniques.