Les femmes et les hommes sont-ils payés de manière égale au Luxembourg ? Sur le papier, oui. Mais vous allez voir, ce n'est pas aussi simple qu'il y paraît. On vous explique tout de suite pourquoi.

Champion d'Europe. C'est le titre que l'on pourrait donner au Luxembourg concernant l'égalité des salaires entre les femmes et les hommes.

Depuis 2021, le pays a atteint l'égalité salariale : les femmes sont même légèrement mieux payées que les hommes (l'écart était estimé à -0,9% en 2023, tous secteurs confondus, en-dehors de la Fonction publique) alors qu'elles gagnent 12% de moins dans le reste de l'Europe.

Un bon point pour le Luxembourg... sauf que tout est une question de calcul. Et selon la méthode choisie, le pays est soit très respectueux de l'égalité salariale, soit loin de l'avoir atteinte.

Salaire horaire : avantage aux femmes

En se concentrant uniquement sur le salaire horaire moyen, les femmes sont effectivement mieux payées que les hommes : 22 centimes de plus par heure en 2022. C'est ce critère qui permet de dire que le "gender pay gap" a été supprimé au Luxembourg.

Et si l'on tient compte du salaire horaire médian (c’est le salaire qui sépare la population en deux : la moitié gagne plus, l’autre moitié gagne moins) les femmes ont encore l’avantage.

Un bon point pour le pays, mais sur une année pleine, le salaire des femmes est en réalité inférieur à celui des hommes.

RTL

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Sur une année, les femmes sont moins bien payées que les hommes

Selon les données récoltées par le Statec, pour deux emplois équivalents à temps plein, en 2022, un homme gagnait en moyenne 75 847 € par an, alors qu’une femme ne gagnait "que" 72 470 €. Soit 3 377€ de moins sur une année. Une somme qui s’explique presque entièrement par les bonus de fin d’année, qui sont plus importants chez les hommes que chez les femmes.

Si vous prenez maintenant le salaire effectif (c’est-à-dire en tenant compte des personnes qui travaillent à temps plein et à temps partiel), l’écart est beaucoup plus important. Les hommes gagnaient, en moyenne, 73 154 € en 2022, contre 62 975€ pour les femmes.

C’est plus de 10.000€ de différence car les femmes ont deux gros désavantages :

  • elles sont plus souvent à temps partiel, donc elles travaillent moins et gagnent moins,
  • elles ont des bonus de fin d’année plus faibles que ceux des hommes.

Les salaires des femmes sont également plus faibles si l'on regarde les plus gros revenus du Luxembourg. Chez les 1% les plus riches du pays, les hommes les mieux payés gagnaient quand même 27% de plus que les femmes.

L'égalité salariale est donc réelle... mais dépend du calcul choisi.

Les femmes perdantes sur le long terme

Au-delà de l'égalité de salaire, les femmes mettent plus souvent leur carrière entre parenthèses que les hommes et sont donc, globalement, moins avantagées dans le monde du travail luxembourgeois. Environ une sur trois (30,9%) était employée à temps partiel en 2022, contre 7,1% chez les hommes.

Un véritable cercle vicieux : puisqu’elles occupent plus souvent des contrats à temps partiel, elles gagnent moins et auront moins de chances de connaître des avancées de carrière. Si bien qu’en 2022, les femmes n'occupaient que 32% des postes de managers du Luxembourg.

Ces différences se retrouvent ensuite à la retraite. Après avoir passé une vie entière avec un salaire moins élevé, et après avoir connu des interruptions de carrière, les femmes ont moins travaillé, ont moins cotisé, et finissent avec des retraites plus faibles que les hommes : 3.000€ en moyenne pour une femme dont toute la carrière s'est déroulée au Luxembourg, contre 4.500€ pour un homme.

Évidemment, tout n'est pas à jeter : le Luxembourg reste un des plus avancés en Europe et ses efforts se poursuivent. Et malgré quelques symboles ratés, comme la nomination d'un gouvernement non paritaire en 2023, il a aussi lancé des projets de société importants qui dépassent l'égalité salariale : la contraception gratuite, la suppression du délai de réflexion obligatoire pour l'avortement ou l'interdiction des tests et certificats de virginité. Il ne tient donc qu'aux représentants politiques de poursuivre leurs efforts.