La vieille ville de Luxembourg a été classée sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO le 17 décembre 1994. Trente ans plus tard, elle s'est taillée un nom sur la mappemonde culturelle.
Comme le Taj Mahal en Inde, l'Acropole d'Athènes, le Mont-Saint-Michel, ou plus près de chez nous, la Place Stanislas à Nancy et la Porta Nigra à Trèves, Luxembourg-Ville figure sur la liste des 1.223 sites et monuments du patrimoine mondial de l'UNESCO, l'Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. Et cela depuis 30 ans!
C'était le 17 décembre 1994. "Luxembourg, dont la fondation date de 963 a joué un rôle important dans l’histoire européenne des siècles durant", notait le Comité pour le patrimoine mondial réuni à Phuket en Thaïlande et impressionné par "l'environnement naturel saisissant" de l'ancienne cité forteresse.
Le fait que la "Gibraltar du nord" soit enfin considérée comme ayant une valeur exceptionnelle pour l’humanité, "c'était l'aboutissement de notre vue de la Ville. Nous avons toujours su que nous avions une ville extraordinaire et que ce site méritait vraiment d'être promu, non seulement au niveau national, mais aussi international. 1994, c'était l'aboutissement de beaucoup d'efforts que nous avions déjà fait et nous donnait raison", analyse avec le recul, Lydie Polfer qui était déjà bourgmestre de Luxembourg-Ville à cette époque. Quelques mois plus tard, en juillet 1995, elle recevait la "promotion" de l'UNESCO des mains de Frederico Mayor Zaragoza, directeur général de l'UNESCO, spécialement venu à Luxembourg.

La particularité de Luxembourg-Ville est qu'elle intègre en un même paysage urbain, l'architecture, l'ingénierie militaire, l'histoire, la topographie et un cadre naturel qui fait rêver. / © Domingos Oliveira / RTL
"Ce classement était une décision décisive, importante, pour la gestion du patrimoine, mais aussi pour la valorisation de notre patrimoine au centre-ville. Et puis ça nous a aussi aidé à améliorer, à fortifier, à renforcer notre offre culturelle au Luxembourg, et de mettre notre patrimoine en vitrine pour avoir plus de visibilité à l'étranger. Et je pense qu'on a bien fait", estime Eric Thill, ministre de la Culture et ministre délégué au Tourisme, âgé de 31 ans.
Pas juste des monuments
Attention, toute la capitale n'est pas classée au patrimoine mondial ! Mais seulement les "vieux quartier et les fortifications. Les vieux quartiers, c'est là où habitait la société civile. Les fortifications se situent autour, c'est-à-dire en périphérie. L'un étant l'architecture mineure et majeure civile, l'autre relève de l'ingénierie militaire. Ce sont deux aspects totalement différents. Et quand on rajoute l'histoire et la topographie, on a vraiment à faire à un site exceptionnel qui intègre tous ces éléments, y compris le microclimat", explique l'UNESCO Site manager et historien, Robert Philippart.
C'est donc tout un paysage historique urbain, et non simplement un monument ou une place qui a été valorisé universellement. Un paysage unique qui forme une sorte de mille-feuille où se lisent la géographie et une histoire de ville millénaire qui a conservé toute son authenticité, malgré les tumultes des siècles guerriers.

À l'Unesco Visitor Center du Lëtzebuerg City Museum, le périmètre classé de la Ville est délimité en rouge. / © Maurice Fick / RTL
La périmètre protégé au niveau international englobe 138 hectares, c'est-à-dire seulement 2,7% du territoire de la capitale. Comme les visiteurs peuvent le découvrir sur l'immense plan-relief à l'Unesco Visitor Center au sein du Lëtzebuerg City Museum, l'UNESCO a tracé une zone centrale qui bénéficie d’une protection élevée. Et une zone "tampon" dont l’aménagement est soumis à des restrictions juridiques.
Dans la zone protégée se trouve toute une floppée de bâtiments remarquables comme le palais grand-ducal, l'ancien hôtel des Postes, le bâtiment Mansfeld qui abrite le ministère des Affaires étrangères, la cathédrale Notre-Dame, le bâtiment de la Spuerkeess, à l'entrée de l'avenue de la Liberté ou Le Centre culturel Abbaye de Neumünster. Mais aussi des places comme la Place de la Constitution, la Place Clairefontaine ou le Knuedler.

La maison "Ënnert de Stäiler" ("Sous les piliers") évoque le Moyen-Âge au Marché-aux-Poissons, le centre historique de la vieille ville. / © Maurice Fick / RTL
Et des sites et lieux historiques comme l'église Saint-Michel, construite au VIIe siècle, le rocher du Bock, les remparts et la Corniche. C'est de ce point de vue préféré de Lydie Polfer que "l'on sent ce que représente la Ville de Luxembourg, son passé de forteresse". Sans oublier la nature environnante, les roches, les vallées de la Pétrusse et de l'Alzette qui font partie intégrante du périmètre.
"Une mission permanente"
Appartenir à la grande famille des sites classés de l'UNESCO (qui compte 168 pays membres) a bien des avantages. Comme bénéficier du savoir-faire des autres membres et pouvoir partager celui de Luxembourg-Ville. Mais aussi "se sentir solidaire avec des sites qui sont en péril, menacés de guerre, menacés par des catastrophes naturelles ou autres", explique Robert Philippart.
Cette reconnaissance mondiale a surtout l'effet d'un aimant touristique. "Le plus important c'est cette visibilité en tant que petit pays au centre de l'Union Européenne. C'est une visibilité énorme. Une publicité pour notre pays, et c'est ça le plus important", fait comprendre Eric Thill, ministre de la Culture. En 2023, les hébergements touristiques ont attiré 1,44 millions de visiteurs au Luxembourg. Parmi toutes les régions, le centre est celle qui attire le plus: six arrivées sur 10. La demande grandit au fil des ans. De sorte que le Luxembourg City Tourist Office a déjà organisé plus de 4.300 visites guidées en 2024, soit plus que jamais auparavant.

© RTL
Mais, elle entraîne aussi des contraintes. L'Etat et la Ville de Luxembourg, qui ont la charge de gérer, entretenir et valoriser les différents sites, ne font pas ce qu'ils veulent quand il est par exemple question de renaturer la Pétrusse ou de faire passer le tram à travers l'avenue de la Liberté. Via les experts d'Icomos, l'UNESCO est nécessairement associée au développement et à la supervision des projets. "Très concrètement, pour tracer la ligne du tram à Luxembourg-Ville, l'UNESCO a un droit de regard et était à table pour discuter du passage du tram entre la place de Bruxelles et la place de Paris", rapporte Robert Philippart.
Le ministre de la Culture le reconnaît volontiers, "Ce n 'est pas rentable, c'est bien clair", mais "c'est important de continuer à investir dans le patrimoine, de renforcer ce travail qu 'on a accompli ces dernières années, c'est une obligation, c'est un travail, une mission permanente". Le ministère de la Culture a d'ailleurs d'autres projets dans ses cartons pour valoriser le patrimoine UNESCO dans le ventre des remparts.
L'engagement du Luxembourg paie
En novembre, l'Unesco a d'ailleurs classé Luxembourg parmi les vingt "champions et leaders" mondiaux des villes historiques. Elle reconnaît ainsi l'exemplarité de la stratégie luxembourgeoise de développement socio-économique dans le respect du patrimoine à valeur universelle exceptionnelle.
Fin juillet déjà, le Comité du patrimoine mondial, avait approuvé sans réserve le rapport périodique sur la gestion de "Luxembourg: vieux quartiers et fortifications" pour la période 2018 à 2023.
Un joli "bon point" pour le Luxembourg qui a su se doter d'une législation moderne pour protéger son patrimoine culturel et son environnement, des ressources nécessaires, une gestion du patrimoine mondial incluant la société civile et qui souligne une bonne collaboration entre les nombreux acteurs de l'État et de la Ville de Luxembourg dont la liste est longue.
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