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Avec le soutien financier de la Commission européenne, les associations Passerell, Douri et Ryse ont monté le projet "Leilaw", qui soutient, entre autres, les réfugiées.
On n’en fait pas assez contre les violences à l’égard des femmes issues de l’immigration au Luxembourg: tel est le constat des associations Passerell, Douri et Ryse. Avec le soutien financier de la Commission européenne, elles ont monté ces deux dernières années un projet avec des volets artistique, psychologique et juridique, pour soutenir les réfugiées féminines et pour sensibiliser les professionnels.
Passerell assure surtout le conseil juridique pour les réfugiés au Luxembourg. Avec le projet "Leilaw", ils ont aussi voulu créer un "Safe Space", où ces femmes ont la possibilité de se sentir bien. Voilà pourquoi l'association Douri a proposé des ateliers artistiques.
"Nous avons pensé que les ateliers peuvent donner la possibilité aux personnes de se sortir d'elles-mêmes, de se rencontrer, de discuter, d'échanger. De cette façon, vous avez plus de chances de détecter les problèmes nécessitant l’intervention d’un spécialiste", indique Fadi Chéquryah de l'ASBL Douri.
Dans le cadre du projet, Fadi Chéquryah a aussi réalisé un documentaire, que vous pourrez retrouver dans les prochains jours sur le site de l'association. Les femmes concernées ne veulent souvent pas parler directement de ce qui leur est arrivé, selon Francesca Tavanti, c'est pourquoi il est important d'établir d'abord une base de confiance. Son association Ryse a organisé des groupes de parole, dans lesquels d'abord 10, puis 15 à 17 femmes se sont réunies deux fois par mois. Tout cela encadré par une psychologue spécialisée. Cela a permis aux femmes d'être informées des services disponibles pour les aider et des droits dont elles disposent. Les informations ont aussi été rassemblées dans un livret.
"Le but de ce livret était d'être vraiment un document très accessible aussi aux femmes qui ne sont pas nécessairement alphabétisées. Et c'est pour cela qu'il y a très peu de contenu, il y a très peu de texte écrit et il y a des QR codes sur toutes les pages, qui renvoient à des audios dans les langues, donc en fonction de la version, et qui expliquent le thème."
En outre, des témoignages de femmes ont été collectés, que l'on peut écouter. La brochure est en anglais et elle sera traduite en français, espagnol, farsi, arabe et tigrigna (la langue de l'Ethiopie et de l'Erythrée, ndlt), les langues les plus couramment parlées par les femmes qui ont participé.
Dans le cadre du projet Leilaw, Passerell a ouvert plus de 260 dossiers de femmes ayant besoin d'un accompagnement juridique entre janvier 2023 et octobre 2024, ce qui correspond à plus de 650 heures de permanence. En outre, l'ASBL propose des formations et des tables rondes pour les professionnels. Des assistants sociaux, des avocats, des juristes ont participé aux formations, des formateurs de la police ont également participé à des tables rondes.
Les associations ont rédigé 16 recommandations. La violence sexiste devrait être prise plus au sérieux dans la procédure d'asile, selon Ambre Schulz, responsable du projet chez Passerell:
"Quand une femme explique à la Direction générale de l'immigration, "moi j'ai subi un mariage forcé et ensuite j'ai eu de la pression de ma famille pour que je sois excisée", comment les autorités vont réagir par rapport à ce récit-là. Donc il y a plusieurs recommandations qui viennent avec ça, notamment de prendre en compte en fait dans un premier temps les violences fondées sur le genre dans l'asile. On a lu trop de fois, des décisions où en fait les violences fondées sur le genre ne sont pas prises en compte ou sont discréditées."
Dans leurs recommandations, les associations citent ce passage tiré d'une décision de la Direction de l'Immigration de novembre 2024:
"Votre sœur a justifié cette démarche à travers son mandataire en formulant des allégations graves, mais non prouvées, telles que des attouchements subis en XX de la part d'un agent de police. En effet, si votre sœur avait effectivement été victime d'attouchements sexuels, la Direction générale de l'immigration est avec discernement en droit de s'attendre à ce qu'elle ait déposé une plainte au XX, sinon qu'elle entame des démarches depuis le Luxembourg. Or, force est de constater qu'à ce jour, accompagnée par un mandataire, elle n'a entrepris aucune démarche en ce sens.
Ce recours répété à des accusations sans fondement démontre clairement un mépris pour le cadre juridique, les décisions des autorités européennes et les règles régissant le système d'asile. Cette stratégie systématique, qui consiste à 'réinventer' des faits à chaque étape de la procédure, visant à semer le doute et à contourner les décisions légales, révèle une volonté manifeste de manipuler le système à des fins purement personnelles, sans jamais étayer les allégations avec des preuves tangibles."
Il est difficile d'expliquer de telles décisions aux femmes concernées. Il faudrait écouter les victimes, les adultes mais aussi les enfants, selon Ambre Schulz.