Souvent oubliés, les employés de la branche cargo de Luxair ont pourtant beaucoup subi depuis le début de la pandémie. Charge de travail, pression incessante, rémunération insuffisante: un employé, déterminé à faire changer les choses, brise le silence.

Depuis la sortie médiatique fracassante d'une déléguée syndicale de Luxair, la compagnie aérienne fait l'objet de toutes les attentions. Les langues se délient et le voile se lève sur le quotidien des employés qui font manifestement les frais des lourdes pertes enregistrées depuis la pandémie de coronavirus. 
 
Il semblerait d'ailleurs que le personnel ait atteint ses limites. Depuis quelques mois, les arrêts maladie s'accumulent, le taux d'absentéisme atteint des niveaux records et les employés qui sont encore sur le pont subissent une cadence de travail infernale.

Et si les difficultés du personnel de cabine ont largement été relayées dans la presse, on a tendance à oublier les employés qui travaillent en coulisse, à l'aéroport de Luxembourg. Jonathan (prénom emprunté), employé de la filiale cargo du groupe, a tenu à témoigner.

"Vous savez, ça nous arrive souvent de travailler 56 heures par semaine", nous lâche-t-il d'emblée, planning à l'appui. Et ce ne sont pas des heures passées au chaud dans un bureau. Jonathan travaille de jour comme de nuit, au rythme de son téléphone qui sonne à chaque fois qu'on lui assigne une nouvelle tâche. "Je n'en peux plus de cette sonnerie", nous confie-t-il.

Et depuis la pandémie, les choses n'ont fait qu'empirer. Initialement mobilisés pour donner un coup de main aux collègues de la filiale aviation, certains employés LuxairCargo travailleraient désormais exclusivement pour "le P1", le terminal passager de l'aéroport.

"Certaines personnes employées par LuxairCargo n'ont jamais mis les pieds dans les locaux "cargo" de l'aéroport", affirme Jonathan qui a, lui aussi, souvent été sollicité pour travailler au P1. "On suit une formation cargo puis on nous envoie travailler là-bas. Ça mène parfois à des situations dangereuses lorsque des personnes inexpérimentées sont envoyées sur le tarmac pour guider un avion par exemple", affirme-t-il.

UNE PRESSION DE TOUS LES INSTANTS

D'après Jonathan les nouveaux venus sont soumis à une pression de tous les instants. "On assiste à un 'bal de CDD'. J'ai dû voir une centaine de personnes arriver et partir depuis le début de la pandémie". Jonathan assure que les licenciements sont une pratique courante chez LuxairCargo. "Quand on reçoit le message 'RDV aux RH', on sait qu'on est viré", assure-t-il.

Pour l'employé de LuxairCargo, il n'y a aucun doute. Si la compagnie fait partie des entreprises qui engagent le plus, elle "est aussi celle qui licencie le plus". Il estime que mettre la pression aux employés est devenu "une culture" au sein de la compagnie.

"On a de grosses responsabilités. On a souvent affaire à des 'colis dangereux' qui ne peuvent pas être mélangés. Il faut les attacher et les sécuriser de manière très précise parce qu'un chargement mal attaché, ça peut déséquilibrer un avion", explique-t-il.

À cela s'ajouteraient des "pratiques douteuses" qui verraient certains employés être promus l'espace de "deux à trois mois" pour servir les besoins de l'entreprise avant d'être réaffectés à leur poste initial, avec leur paie initiale.

"UN LUXAIR À DEUX VITESSES"

Malgré une augmentation de 20% du chiffre d'affaires de LuxairCargo en 2021, Jonathan nous confirme qu'il n'a pas été question de primes et que les 1.250 employés du fret sont également concernés par le gel des salaires décrété au bout de la dernière tripartite aviation.

Il critique ce qu'il décrit comme "un Luxair à deux vitesses". Il compare notamment "les belles installations" de Munsbach, où sont menées les tâches administratives de LuxairCargo, au "réfectoire" où mangent et se changent depuis quelque temps les employés qui travaillent à la manutention. Jonathan déplore surtout que des casiers et donc les vestiaires aient été installés "à l'endroit où on mange". 

Des pauses déjeuner "de 30 minutes" qui sont d'ailleurs écourtées "parce qu'on doit repasser la sécurité" avant de reprendre le travail. Ce qui signifie souvent "que l'on mange en 10 voire 12 minutes" d'après Jonathan. Des conditions de travail qui font fuir les plus jeunes et qui exaspèrent les anciens.

"C'est vraiment dommage parce qu'il y a beaucoup de personnes qui veulent et font vraiment un très bon travail. On prend nos responsabilités très à coeur et je sais que c'est le cas de la majorité de mes collègues", conclut-il.

PLACE À LA TRIPARTITE AVIATION

Luxair et sa branche fret seront au centre de l'actualité cette semaine. En effet, membres du gouvernement, la direction et les syndicats se retrouveront ce lundi pour discuter de l'avenir de la compagnie.

Au programme, il y aura bien évidemment les perspectives financières, la remise en cause du chômage partiel et du gel des salaires et surtout, le conflit social qui ne fait plus l'ombre d'un doute.