RTL Infos - "S'il faut payer, je ne prendrai que les petites routes": Tout ce qu'il faut savoir sur le péage de l'A31bis

Une nouvelle concertation publique sur l'A31bis était organisée lundi soir à Kanfen. Celle-ci était dédiée à la mise en concession de l'autoroute. Voici ce qu'il faut en retenir.

Pourquoi un péage?

L'État français ne veut et/ou ne peut pas financer l'élargissement de l'A31 et le contournement "A31bis" de Thionville. Du moins, il explique que le processus serait long et repousserait encore le projet. Il mise donc sur la mise en concession: un opérateur privé prend à sa charge l'ensemble des travaux et le coût de l'entretien, met rapidement la nouvelle infrastructure en service puis se rémunère en installant un péage. "On demande au concessionnaire de tout gérer et de prendre les risques en échange du retour financier avec le péage" explique Jean Ricard, qui travaille au ministère des Transports français. "C'est d'ailleurs une des raisons du choix de l'État de passer par la concession."

Surtout, "cela revient à faire financer l’infrastructure et son entretien par ses futurs utilisateurs plutôt que par le contribuable" tente de convaincre Laurent Touvet, le préfet de la Moselle. "C'est le moyen d'y arriver le plus vite possible."

Combien va-t-il vous coûter?

Que ce soit pour le tronçon entre Thionville et la frontière luxembourgeoise ou pour la section "A31bis" qui contournera Thionville, le tarif du péage dépendra grandement... De la variante choisie pour l'A31bis.

De Thionville à la frontière, les calculs rendus publics varient de 1€ à 2€ par passage. Soit 2€ à 4€ par jour, juste pour circuler sur trois voies entre Thionville et le Luxembourg.

Pour ceux qui empruntent l'A31 plus au sud, le choix de la variante sera décisif.

Le trajet sur le contournement A31bis coûtera, à lui seul, entre 1€ et 2,40€ par passage. Montant auquel il faudra additionner celui de la section nord "Thionville-frontière".

En revanche, l'A31 telle qu'elle existe aujourd'hui sera gratuite en traversée de Thionville (sauf avec la variante F10: 0,59€ par passage). Ensuite, il faudra encore s'acquitter du tarif évoqué plus haut pour rejoindre le territoire luxembourgeois.

Les tarifs estimés par la préfecture pour le prix du péage de l'A31bis. / © Préfecture de la Moselle

Selon les simulations déjà réalisées par la Dreal, un aller simple Fameck-Luxembourg devrait coûter entre 1,60€ (depuis Thionville avec la variante F10) et 4,40€ (avec la variante F5 en tunnel profond).

Pour les frontaliers installés très près de la frontière, le coût attendu d'un aller simple de Kanfen à Luxembourg serait compris entre 0,35€ et 0,70€. "S'il faut payer, je ne prendrai que les petites routes" a prévenu un frontalier d'Entrange. Il ne sera probablement pas le seul. "Peut-être que certains le feront pour ne pas payer" reconnaît Hervé Vanlaer, directeur de la Dreal, l'actuel maître d'ouvrage de l'A31bis. "Mais c'est un calcul à faire, certains voudront payer pour passer moins de temps dans les transports" a-t-il réaffirmé au cours de plusieurs réunions.

Les automobilistes auront donc deux choix:

emprunter l'A31 que l'on connaît aujourd'hui, ce qui leur permettra de ne payer qu'à partir de Thionville mais avec un trafic potentiellement plus important
choisir le contournement A31bis, éviter la traversée de Thionville (et potentiellement une partie du trafic) mais payer plus cher

Du côté des candidats à la concession, c'est la recherche d'un "tarif optimal" qui sera (entre autres) importante pour décrocher l'appel d'offres: si le prix du péage est trop bas, l'entreprise risque de ne pas rembourser son investissement et ne sera donc pas choisie par l'État. Si le prix est trop haut, les automobilistes pourraient éviter l'autoroute... Et le concessionnaire perdrait là aussi de l'argent.

Vos réactions au péage: "S'ils mettent une autoroute payante, les gens sont foutus"

Le risque d'une autoroute "pour les riches"

De nombreux opposants au projet l'ont fait remarquer les semaines précédentes: avec un différentiel de prix aussi grand entre le contournement A31bis et l'A31 existante, pourquoi des automobilistes choisiraient-ils de payer plus cher?

Pour Hervé Vanlaer, la coexistence de deux tronçons, l'un payant, l'autre gratuit, ne remet pas en cause le projet. "Ce modèle fonctionne à Reims par exemple. Les gens feront leurs calculs entre une autoroute gratuite mais chargée et une autoroute payante mais fluide" assure-t-il. Ce à quoi ses détracteurs ne croient pas. "Dire qu'au Luxembourg, on est bien payés: ce n'est pas vrai pour tout le monde. La caissière qui y travaille n'aura pas les moyens de payer le péage tous les jours" lui a fait remarquer une riveraine de l'autoroute.

Ceux au budget plus limité ne changeront pas leur itinéraire et passeront par le réseau secondaire ou l'autoroute déjà existante. Les plus fortunés pourront eux s'offrir le luxe de payer le péage. "Vous allez construire une autoroute pour les riches" s'est-on plaint précédemment, lors des concertations publiques. "Les frontaliers qui gagnent bien leur vie pourront payer, peut-être même que leurs patrons mettront la main à la poche. Mais ceux qui restent côté français ou qui ont des salaires moins élevés resteront sur le côté de la route."

À quoi va ressembler le péage sans barrière?

La section nord entre la frontière et Thionville sera payante, c'est une certitude. Plus au sud, cela dépendra de la variante sélectionnée. Il faudra payer soit depuis Richemont (en cas de choix de la variante F10) soit depuis le raccordement A31bis construit en tunnel entre l'A30 et l'A31 que l'on connaît. En revanche, l'A30 restera bien gratuite, font savoir les services de l'État.

Techniquement parlant, les projections réalisées pour l'A31bis se basent sur une technologie de péage sans barrière. À la place, des portiques scannent les véhicules et font suivre la facture. Le paiement pourrait s'effectuer soit via un abonnement avec badge qui compterait le nombre de passages, ou bien en lecture de plaque. Ou encore manuellement, en ligne, ou à une station de paiement installée à côté du péage.

Techniquement, c'est une solution "plus pratique" qui permet de "circuler à vitesse normale" et qui demande une moins grande emprise au sol.

Le péage sans barrière de Boulay est un exemple de la technologie "flux libre" voulue pour le péage de l'A31bis. / © Préfecture de la Moselle

Y aura-t-il des remises sur le péage?

La tarification du péage devrait ressembler à celle vue un peu partout en France: les véhicules les plus légers paient un prix plus faible tandis que les poids lourds paient le prix fort. "Un tarif moto est possible" reconnaît Jean Ricard.

Voire même "une tarification semaine/week-end ou heures de pointe/heures creuses" si l'on voulait encourager un étalement du trafic et ne pas pénaliser ceux qui ont besoin de l'autoroute pour accéder à des services de proximité ou des commerces absents près de chez eux. "Mais en général, on laisse le concessionnaire gérer" concède-t-il. Il n'y a donc aucune garantie de ce côté.

En revanche, l'évolution du prix du péage sera certainement limitée par un barème, "généralement" inférieur à l'inflation.