Faisant fi des ultimatums de Donald Trump, la Commission européenne a finalement infligé vendredi une amende de 2,95 milliards d'euros à Google, suscitant la réaction furieuse immédiate du président américain qui a promis des représailles.

L'exécutif européen a sanctionné le géant américain de la tech pour avoir abusé de sa position dominante dans le secteur de la publicité en ligne (ou Adtech), sans pour autant exiger une scission des activités du groupe dans ce domaine.

Cette scission avait en revanche été réclamée en mai par le gouvernement américain lui-même devant une cour fédérale en Virginie, qui a reconnu que Google maintenait illégalement un monopole sur la publicité numérique. La sanction de la justice américaine est encore en cours d'examen, avec des audience prévues fin septembre.

La sanction européenne, que Google a aussitôt annoncé vouloir contester, avait été retardée en début de semaine, sur fond de tensions entre l'Union européenne (UE) et les Etats-Unis, comme l'avait confirmé mercredi à l'AFP une source au sein de la Commission.

"L'Europe a +attaqué+ aujourd'hui une autre grande entreprise américaine, Google", a protesté dès vendredi Donald Trump, sur son réseau Truth Social, en menaçant de riposter avec des sanctions commerciales.

Le président américain assure dans le même message que si l'UE ne revient pas sur les amendes "injustes" infligées à Google, ainsi qu'à Apple, il serait "contraint" de déclencher un mécanisme de droits de douane punitifs, la "Section 301".

Le 26 août déjà, Donald Trump avait vigoureusement menacé les pays ou organisations régulant le secteur de la tech de leur imposer des droits de douane et des restrictions à l'exportation.

S'il n'avait pas cité l'UE, celle-ci dispose de fait de l'arsenal juridique de régulation le plus puissant au monde, alimentant les débats en Europe sur le risque de représailles en cas de sanctions contre des sociétés américaines.

L'UE avait rétorqué avoir "le droit souverain" de réglementer la tech.

- "Amende injustifiée" -

Dans une déclaration à l'AFP, Google a pourfendu la sanction de la Commission.

"La décision de la Commission européenne à propos de nos services Adtech est mauvaise et nous en ferons appel. Elle nous impose une amende injustifiée, et des changements qui vont nuire à des milliers d'entreprises européennes en leur compliquant la tâche pour gagner de l'argent", a déclaré Lee-Anne Mulholland, vice-présidente de Google chargée des affaires réglementaires.

C'est la troisième sanction majeure prononcée cette semaine contre Google, filiale d'Alphabet.

Le groupe a été condamné mercredi aux Etats-Unis à verser 425,7 millions de dollars de dommages à près de 100 millions d'utilisateurs pour atteinte à leur vie privée, selon la décision d'une cour fédérale de San Francisco.

Et le même jour, il a écopé d'une amende, record en France, de 325 millions d'euros infligée par l'autorité française de contrôle du respect de la vie privée (Cnil) pour des manquements en matière de publicités et de cookies.

- Une scission pas écartée -

En revanche, le groupe a remporté une victoire judiciaire majeure mardi aux Etats-Unis. Un juge de Washington lui a imposé des exigences strictes sur le partage des données afin de rétablir l'équité dans la concurrence sur la recherche en ligne, mais sans l'obliger à céder son navigateur phare Chrome, comme l'exigeait le gouvernement américain.

Dans le dossier Adtech, ouvert en 2021, la Commission européenne a renoncé elle aussi à imposer une scission d'activités. Mais elle n'exclut pas d'y recourir si les engagements du groupe pour remédier aux atteintes à la concurrence ne lui convenaient pas. Dans sa décision annoncée vendredi, elle a donné 60 jours à l'entreprise pour lui répondre.

"Si elle ne le fait pas, nous n’hésiterons pas à imposer des mesures correctives fortes", a lancé la commissaire à la Concurrence, Teresa Ribera.

Dans un communiqué, le conseil des éditeurs européens (EPC), représentant les intérêts de plusieurs éditeurs de presse dont The Guardian, Alex Springer ou Rossel, à l'origine de l'enquête de l'UE, a estimé que seule une cession pourrait mettre fin aux entraves à la concurrence de Google.

Ce n'est pas la première fois que la Commission, gendarme de la concurrence de l'UE, prononce une sanction contre le groupe de Mountain View, dans la Silicon Valley.

Elle lui avait infligé une amende de 4,1 milliards d'euros en 2018 pour abus de position dominante du système d'exploitation Android, et une autre de 2,4 milliards d'euros en 2017 pour pratiques anticoncurrentielles sur les comparateurs de prix.